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1.4.3 Quel choix de modélisation instationnaire ?

Les modèles instationnaires à plus faible coût que la LES sont nombreux. Des choix sont à faire dans le cadre de cette thèse. Les méthodologies VLES, LNS et DES n’ont pas de fondements théoriques, et la zone grise de transition entre le modèle RANS et LES reste floue. A l’heure actuelle, la modélisation SDM manque de généralité dans le choix de la valeur deCµ, et semble ne pas s’appliquer avec des modèles RSM où ce coefficientCµ n’in-tervient pas. Cette thèse s’est tournée, dans un premier temps, vers la modélisation URANS pour plusieurs raisons. D’abord, celle-ci a été largement testée, à partir des années 1990, dans divers types d’écoulement : sillage, jet, couche de mélange, marche descendante. Elle a donné de nombreux succès dans la prédiction des fréquences caractéristiques et des quan-tités moyennes, et est largement utilisé aujourd’hui dans l’industrie aéronautique ou auto-mobile. Par ailleurs, sa simplicité de mise en œuvre à partir d’un code RANS pré-existant est également un point fort. Au-delà des résultats pratiques obtenus, cette méthodologie reste cependant entouré d’un certain flou. Quelle est la décomposition URANS entre le champ ré-solu et modélisé ? Quelle est la validité d’un modèle RANS appliqué dans la méthodologie URANS ? Cette thèse tentera d’apporter des éléments de réponse. On verra que les résultats obtenus avec l’URANS ne sont pas satisfaisants, ce qui amènera à l’étude du modèle PITM.

1.5 Objectifs de l’étude

1.5.1 Démarche générale

Cette thèse, effectuée au sein du Laboratoire d’Études Aérodynamiques de Poitiers, s’inscrit dans le cadre de la compréhension et de la prédiction de la dynamique des écoulements pré-sentant des instationnarités naturelles, dues à des mécanismes intrinsèques à l’écoulement. L’objectif de ce travail est d’améliorer la prédiction de la structure des écoulements insta-tionnaires à partir de méthodes avancées à plus faible coût qu’une LES classique, telles que modélisation URANS et hybride RANS-LES. La question du niveau de modélisation a été soulevée par la thèse de Carpy [25]. Celle-ci a montré, dans le cas d’un écoulement statis-tiquement périodique tel que le jet pulsé, que les modèles classiques RSM sont capables de capturer les structures instationnaires à grande échelle, sans modification particulière des constantes. Les modèles linéaires EVM, beaucoup trop diffusifs, donnent une dyna-mique complètement fausse. Par ailleurs, La prise en compte des effets de paroi dans les modèles RSM, sans lois de paroi ou fonctions d’amortissement, sera un objectif primordial

de cette thèse, tout en gardant à l’esprit que le modèle résultant devra être simple, robuste, peu coûteux en temps CPU et facilement applicable à des géométries complexes, critères indispensables pour une utilisation industrielle.

1.5.2 Organisation du manuscrit

Le manuscrit fait l’objet de sept chapitres, en comptant le présent chapitre d’introduction. Le chapitre 2 présente la physique complexe de proche paroi et les effets induits par la paroi sur la turbulence à prendre en compte dans un modèle bas-Reynolds.

Le chapitre 3 s’intéresse à la modélisation des effets de paroi par relaxation elliptique. Il est bien connu que le modèle original de Durbin [47, 48] est instable numériquement. La nécessité d’aboutir à un modèle RSM bas-Reynolds, simple et robuste, a conduit à étudier le modèle à pondération elliptique EB-RSM, proposé initialement par Manceau & Hanjali´c [131] puis modifié par Manceau [128].

Le chapitre 4 présente Code_Saturne [4] et les schémas numériques utilisés. Ce code a été développé par Électricité de France et mis à disposition du Laboratoire d’Études Aérodyna-miques dans le cadre d’un partenariat6. Le modèle EB-RSM, implémenté dans Code_Saturne, est validé en écoulement de canal pour une large gamme de nombre de Reynolds.

Le chapitre 5 présente le formalisme de l’URANS ainsi que les définitions possibles du filtre URANS. Les résultats du modèle EB-RSM, appliqué à la marche descendante dans le cadre de la méthodologie URANS, sont analysés. Dans le cadre de la modélisation instationnaire, cet écoulement académique présente plusieurs mécanismes physiques complexes et pose de nombreux problèmes de modélisation. Malgré ce que l’on pensait depuis l’article de Lasher & Taulbee [108], on montrera que l’URANS n’est pas adapté à ce type d’écoulement. Une explication détaillée des comportements observés sera donnée.

La nécessité de développer de nouveaux modèles instationnaires mène au chapitre 6 à se tourner vers les modèles hybrides RANS-LES. Parmi ceux-ci, le modèle PITM, proposé par Schiestel & Dejoan [166] avec un modèle EVM, puis Chaouat & Schiestel [28] avec un modèle RSM, est un des rares modèles hybrides où la coupure est clairement définie. Une question importante est soulevée : quelle est la signification d’un modèle hybride à transition continue dans un écoulement inhomogène lorsqu’on s’approche de la paroi et que l’on passe du modèle LES au modèle RANS ? Pour concilier les formalismes RANS et LES, certains auteurs [153,38,39] ont proposé la TLES (Temporal Large Eddy Simulation) qui consiste à

1.5. Objectifs de l’étude 15

utiliser un filtrage temporel au lieu d’un filtrage spatial classiquement effectué dans le for-malisme de la LES. Selon la largeur du filtre temporel, les deux limites RANS et DNS sont formellement vérifiées. Un travail théorique est mené dans le cadre de la TLES pour abou-tir au modèle T-PITM (Temporal Partially Integrated Transport Model) qui donne un cadre théorique cohérent aux modèles hybrides RANS-LES à transition continue en écoulement inhomogène, tels que les écoulements de paroi. Enfin, un modèle hybride à pondération el-liptique, alliant le modèle bas-Reynolds EB-RSM à la méthodologie PITM, est développé. Il pose de nombreuses questions au niveau de la modélisation, questions auxquelles on tentera de répondre. Les résultats en écoulement de canal àReτ = 395 seront présentés.

Le chapitre 7 clôt ces travaux de thèse par une conclusion générale et les perspectives pos-sibles.

Physique de proche paroi

Les écoulements réels font généralement intervenir des parois. Il est donc nécessaire de bien comprendre les effets induits par la paroi sur la turbulence, pour pouvoir les modéliser correctement. Ce chapitre s’intéresse à la phénoménologie de proche paroi, et présente les effets de paroi qui peuvent être de nature très différente. La dernière section présente les lois dites « universelles » de la turbulence, permettant d’aboutir aux lois de paroi qui sont utilisées dans les simulations haut-Reynolds. On verra également leurs limitations. Dans le présent chapitre, ainsi que les chapitres 3 et 4, on s’intéressera plus particulièrement à l’écoulement de canal plan, d’axe longitudinal x et transverse z. La direction normale à la paroi est notée y. Les composantes de la vitesse sont notées(U, V, W ).

2.1 Phénoménologie

Il est aujourd’hui admis que des éléments structurels d’organisation existent au sein de l’agi-tation turbulente, même à très haut nombre de Reynolds. Il est difficile de donner une défini-tion objective et précise de ces structures, qualifiées de cohérentes. Hussain [80] propose par exemple la définition suivante : « une structure cohérente est une masse de fluide turbulente, connexe et à grande échelle, et dont la vorticité évolue en corrélation de phase sur l’ensemble de son étendue spatiale ». Cette définition reste qualitative. En pratique, la mise en évidence de ces structures fait intervenir des moyennes conditionnelles qui font intervenir la subjec-tivité de l’expérimentateur [5]. Une définition plus objective et quantitative est donnée par Lumley [125] : il assimile la structure cohérente à une combinaison des modes propres les plus énergétiques de la décomposition POD (Proper Orthogonal Decomposition).

Pour les écoulements pariétaux, l’expérience [97] et, plus récemment, les simulations

2.1. Phénoménologie 17

FIG. 2.1 – Vue schématique des tourbillons enΩ ou en épingle à cheveux [76].

riques [93,92,138,94] ont montré l’existence de streaks1dans la région pariétale (y+< 40), très allongés dans la direction de l’écoulement. La distance entre les streaks varie aléatoire-ment de80 à 120, en unité pariétale (adimensionnées par ν/uτ), indépendemment du nombre de Reynolds, et leur longueur peut atteindre1000 [95,97]. Les streaks correspondent à des zones de basse vitesse, comparée à la vitesse moyenne longitudinale locale, alors que la zone entre les streaks sont des zones de haute vitesse. Un streak a tendance à s’éloigner lentement de la paroi, mais en un point donné (typiquementy+ ≈ 10), il se déstabilise et s’éloigne beaucoup plus rapidement de la paroi (u < 0, v > 0). Ce phénomène est ap-pelé éjection. Aux streaks à basse vitesse sont associés des tourbillons en épingle à cheveux (hairpin vortices en anglais), dont les jambes sont des tourbillons contra-rotatifs disposés de part et d’autre des streaks. Ces tourbillons sont d’une extension longitudinale bien moindre que celles des streaks, et sont inclinés de 45° par rapport à la paroi [138, 94]. Leur tête, qui relie les deux jambes, est pincée à la base et quasi-circulaire, prenant une forme en Ω (ou en fer à cheval) pour des nombres de Reynolds modérés et ressemblant à des épingles à cheveux pour des nombres de Reynolds plus élevés [76] (cf. fig. (2.1)).

Du fluide s’éloignant de la paroi par le phénomène d’éjection, la conservation de la masse

nécessite un écoulement vers la paroi dans une autre région. Corino & Brodkey [36] ont identifié des régions à haute vitesse (u > 0) où le fluide se dirige vers la paroi (v < 0). Cet évènement est dénommé sweep (balayage). Il existe une très forte corrélation entre les sweeps et les éjections, et l’ensemble des phénomènes décrits ci-dessus (sweep, formation des streaks et des tourbillons en épingle à cheveux, éjection) forment un processus désigné par le terme explosion (burst en anglais). Il semble que ce sont les sweeps qui provoquent le déclenchement de tout le processus d’explosion. Les phénomènes d’éjection et de sweep ont un rôle important dans la production de la turbulence, ce que l’on montre au paragraphe suivant.

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