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Dans le cas d’un écoulement le long d’une plaque plane, bidimensionnelle en moyenne, et à un nombre de Reynolds suffisamment grand, on peut montrer que les différentes grandeurs moyennes de l’écoulement suivent un comportement universel, c’est-à-dire indépendant du nombre de Reynolds. Les résultats qui suivent sont exposés en détail dans Pope [150]. On retrace ici les grandes lignes pour un écoulement de canal pleinement turbulent, de demi-hauteur h0. L’intégration analytique des équations de Navier-Stokes moyennées, possible dans ce cas, montre que la contrainte totaleτtot, somme de la contrainte visqueuseτν = µ∂U∂y et de la contrainte de cisaillement turbulenteτt =−ρuv, varie linéairement en fonction de la distancey à la paroi [150]

τtot(y) = µ∂U

∂y − ρuv = τp  1− y h0  (2.26) avec τp = (τtot)y=0 = µ(∂U/∂y)y=0 la contrainte de cisaillement pariétale. On définit la vitesse de frottementuτ selon

τp = ρu2τ (2.27)

L’écoulement de canal turbulent est entièrement déterminé par la variabley et trois para-mètres :ν, h0 et uτ. Deux paramètres indépendants et sans dimension peuvent être cons-truits : η = y/h0 et y+ = yuτ/ν. L’idée qui se cache derrière ce choix est que y+ est l’échelle appropriée dans la zone interne (η ≪ 1), alors que η est l’échelle correcte dans la zone externe (y+ ≫ 1). Une analyse dimensionnelle simple montre que le gradient de la vitesse moyenne peut s’écrire

dU dy =

uτ y F0 y

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oùF0est une fonction à déterminer. Il serait plus naturel de déterminer la forme de la vitesse moyenne. Cependant, la quantité importante, au niveau dynamique, est le gradient de vitesse moyenne. Celui-ci détermine, en effet, la production et la contrainte visqueuse. En zone interne (η ≪ 1), on peut supposer que la fonction F0 ne dépend plus deη et le gradient de vitesse s’écrit dU dy = uτ y F (y +) (2.29) avec F (y+) = lim η→0F0 y+, η (2.30)

On poseU+ = U/uτ. L’équation (2.29) donne dU+

dy+ = 1

y+F (y+) (2.31)

d’où finalement, par intégration

U+ = fw(y+) = Z y+

0 1

yF (y)dy (2.32)

Puisque la demi-hauteur du canal n’intervient pas, la fonctionfwest universelle, c’est-à-dire indépendante du nombre de Reynolds, non seulement en écoulement de canal, mais aussi en écoulement de conduite ou dans une couche limite pleinement turbulente. On va maintenant déterminer la forme defw pour les faibles et grandes valeurs dey+.

2.5.1 Sous-couche visqueuse

Par définition deU+,y+etuτ, on peut écrire

τν = τpfw(y+) =⇒ fw(0) = 1 (2.33) La fonctionfw ne dépendant que de la variabley+, sa dérivéef

w est définie sans ambiguïté. La condition d’adhérence à la paroi imposefw(0) = 0. Ainsi, pour de faibles valeurs de y+, le développement limité defw(y+) donne

En réalité, une étude plus précise montre que le prochain terme non-nul est d’ordre y+4

[150]. Ainsi, en très proche paroi,U+est une fonction linéaire de y+. Cette zone s’appelle la sous-couche visqueuse et elle est dominée par la contrainte visqueuse. La figure (2.2) montre le profil deU+ issu d’une simulation DNS à Reτ = 395 et Reτ = 590 [140], où Reτ = h0uτ/ν. La valeur communément admise pour la zone linéaire est y+< 5.

2.5.2 Zone logarithmique

La zone logarithmique est définie par le recouvrement des zones oùy+≫ 1 et η ≪ 1. Dans l’équation (2.28), F0(y+, η) ne dépend ni de y+ ni de η et vaut une constante notée K−1. L’équation (2.28) s’écrit alors

dU+ dy+ = 1

Ky+ (2.35)

Après intégration, on obtient une loi logarithmique

U+ = 1 Kln y

++ Blog (2.36)

avecK la constante de Von Kármán et Blogune autre constante, déterminées par l’expérience et/ou la DNS. Cette zone, dominée par la contrainte de cisaillement turbulente, est appelée zone logarithmique ou plus simplement zone log. Elle correspond ày+ > 30 d’après la DNS [140] (cf. fig. (2.2)) et ày/h < 0.3 approximativement [150]. On peut également montrer que, dans cette zone, on a les relations suivantes :

−uv = u2τ k = u2τCµ−1/2 ε = P P = u3 τ Ky (2.37)

avec Cµ = 0.09, déterminé par l’expérience. Ces relations peuvent être très utiles pour calibrer des modèles de turbulence.

2.5.3 Zone tampon

On appelle zone tampon la zone intermédiaire entre la sous-couche visqueuse, dominée par la contrainte visqueuse, et la zone logarithmique, dominée par la contrainte turbulente. Elle

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correspond à la zone5 < y+ < 30. Il n’existe pas de théorie générale donnant la forme du profil de vitesse moyenne dans cette zone. Cependant, dans le cadre d’une hypothèse de longueur de mélange, Van Driest [185] donne une solution élégante. La contrainte de cisaillement s’écrit dans ce cas

τt = ρνT∂U ∂y = ρl 2 m  ∂U ∂y 2 (2.38) On posel+

m = lmuτ/ν. Après adimensionnalisation, la contrainte totale s’écrit τtot τp = 1− y + Reτ = ∂U + ∂y+ +  lm+∂U + ∂y+ 2 (2.39) C’est une équation du second degré en∂U+/∂y+dont la résolution donne∂U+/∂y+, puis U+ après intégration. Dans la limite des grands nombres de Reynolds (y+ ≪ Reτ), on a τtot ≈ τpet U+= Z y+ 0 2 1 +p1 + 4l+ m2 dy (2.40)

Il faut estimer la longueur de mélangel+

m dans la zone tampon. En zone logarithmique, elle est donnée parl+

m =Ky+[150]. Van Driest [185] choisit d’utiliser cette relation mais en uti-lisant une fonction d’amortissementfapour que la longueur de mélange diminue lorsqu’on s’approche de la paroi. Il propose de façon empirique

lm+ =Ky+1− e−y+/A+

| {z }

fa

(2.41)

où A+ = 26. La fonction fa est appelée fonction d’amortissement de Van Driest. Les constantesA+etBlogde la loi logarithmique ne sont pas indépendantes. La valeurA+ = 26 correspond àBlog = 5.3 [150]. L’intégration numérique de l’équation (2.40) avec l’utilisa-tion de la loi (2.41) permet de déduire la forme du profil de vitesse dans la zone tampon. La figure (2.2) montre un accord remarquable avec la DNS.

1 10 100 1000 0 10 20

U

+ 1 10 100 1000

y

+ 0 10 20

U

+ Reτ = 395 Reτ = 590

Sous-couche Zone tampon

Zone log visqueuse

Zone centrale

FIG. 2.2 – Profil de vitesse moyenneU+en fonction dey+, pourReτ = 395 et Reτ = 590. ◦ DNS [140] ;− − − loi linéaire (2.34) ;− · −· loi logarithmique (2.36) avecK = 0.41 et Blog = 5.3 ; —– loi de Van Driest (2.40).

2.5.4 Validité du comportement universel

Le comportement de la vitesse moyenne et de la turbulence dans les différentes zones d’un canal est qualifié d’universel dans la mesure où il ne dépend pas du nombre de Reynolds. Ces lois sont également valables dans un écoulement de conduite ou une couche limite tur-bulente. Ainsi, dans les simulations qualifiées de haut-Reynolds, on peut utiliser la technique des fonctions de paroi, qui consiste à appliquer, en un point à l’intérieur de la zone logarith-mique, des conditions aux limites dérivées des lois (2.36) et (2.37). Cette technique a l’avan-tage d’éviter un maillage très raffiné en paroi. Cependant, le comportement universel n’est valable que sous certaines hypothèses : grand nombre de Reynolds, écoulement bidimen-sionnel en moyenne, paroi plane et écoulement parallèle à la paroi. Pour des écoulements fortement tridimensionnels et décollés comme la marche descendante ou les jets impac-tants, les lois universelles ne s’appliquent plus. Tennekes & Lumley [183] montrent qu’en présence d’un gradient de pression, favorable ou adverse, les lois obtenues précédemment

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