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La caractérisation d’un condensateur est essentiellement la mesure de sa capacité et de son facteur de pertes. Pour cela, les mesures d’impédance sont bien adaptées. On peut ensuite les enrichir par un balayage sur une large plage de fréquence, de température et de tension de polarisation. Pour les diélectriques qui présentent des fortes non-linéarités, typiquement les céramiques ferroélectriques, une caractérisation du cycle d’hystérésis férroélectrique permet de mieux analyser leur comportement.

Mesure d’impédance complexe

La mesure d’impédance complexe est réalisée à l’aide d’un analyseur d’impédance de type "pont auto-calibré" [19]. Cette mesure est aussi nommée spectroscopie d’impédance. L’appareil est le HP4194A [20,21] (version antérieure au 4294A d’Agilent). Il réalise une mesure 4 points

Figure I.15 Circuit électrique de l’interface nécessaire à la mesure d’impédance sous polarisation continue. EST : Equipement Sous Test.

(ou mesure Kelvin) qui peut être déportée jusqu’à 1 m en utilisant des câbles coaxiaux. Dans cette configuration la plage de fréquences considérée s’étend de 100 Hz à 15M Hz. Des com-pensations en circuit ouvert et en court-circuit sont requises pour garantir la précision de la mesure. L’appareil mesure la partie réelle et la partie imaginaire de l’impédance du composant sous test à une fréquence donnée. L’excitation est sinusoïdale et peut être réglée entre 10 mV

et 1 V (0,5 V pour f > 10 M Hz). La capacité et le facteur de pertes sont ensuite calculés à partir du schéma équivalent présenté à la fig. I.4. La précision de la mesure est comprise entre 1 et 6 % selon la documentation du constructeur. La configuration typique pour mesurer l’impédance complexe d’un condensateur en fonction de la température est décrite à la fig.I.14. L’ensemble du système de mesure est constitué de l’analyseur d’impédance, de câble coaxiaux, d’un support de test et d’un conditionneur à air pulsé (Thermonics T2500E300 [22]). La tempé-rature est asservie par une sonde thermocouple placée sur le composant sous test. L’acquisition des données est réalisée à travers un logiciel dédié [23]. On pourra noter que la précision de la mesure du facteur de pertes est assez limitée lorsqu’il est très faible. Par exemple, pour des valeurs d’environ 10−4, la phase de l’impédance varie seulement de quelques dixièmes de degré pour des angles compris entre 89 et 90◦, alors que la résolution maximale de l’appareil est de 0,01 ◦. L’erreur relative est alors de l’ordre de 10 %.

Mesure d’impédance complexe sous polarisation

La mesure d’impédance sous tension de polarisation est couramment utilisée pour mesurer une capacité de jonction de composants à semiconducteur (jonction PN en inverse ou capacité grille-source d’un MOSFET par exemple). Pour un condensateur ferroélectrique, on peut me-surer la dépendance de sa capacité en fonction de la tension de polarisation (notéeC(V) p. 13). La dépendance du facteur de pertes peut aussi être mesurée. Le composant est soumis à une tension continue et l’impédance complexe est mesurée de manière similaire à la mesure d’im-pédance complexe présentée au paragraphe précédent. Jusqu’à 42 V, l’appareil HP4194A (ou 4294A) peut réaliser directement cette mesure. Au-delà, un dispositif externe est nécessaire pour étendre la plage en tension. Agilent commercialise un support de test capable de polariser le composant jusqu’à 200V [24]. La tension maximale est cependant trop faible pour caractériser un composant dont la tension nominale est d’environ 1kV. Inspirés par les méthodes de carac-térisation d’impédance complexe sous polarisation des composants à semiconducteur [25, 26] dites "CV measurements", nous avons développé une interface permettant de polariser le com-posant jusqu’à 1,2 kV [27]. Cette interface permet de connecter l’analyseur d’impédance, le composant sous test et une alimentation continue externe. Le schéma est détaillé à la fig. I.15. Le principe de la mesure est simple, pour découpler l’excitation "petit signaux" de la polari-sation continue, on insère des condensateurs de liaison dont l’impédance est suffisamment faible par rapport au condensateur sous test pour ne pas perturber la mesure dans la plage de fré-quence où les propriétés du composant nous intéressent. Cette plage de fréfré-quences est comprise entre 1 kHz et 1 M Hz. Les condensateurs qui assurent l’isolation de tension entre l’analyseur d’impédance et la source de tension continue ont des capacités assez élevées (quelques microfa-rads) pour présenter une faible impédance du kilohertz à plusieurs mégahertz. Cette hypothèse atteint ses limites lorsque le condensateur sous test a une capacité très forte (C > 10µF). Son impédance est alors inférieure à celles des condensateurs de liaison et, bien que la compensation permette la mesure, la précision est dégradée.

L’énergie stockée (EquationI.19) dans ces condensateurs de liaison, ainsi que dans le compo-sant sous test, est assez grande car ils sont polarisés jusqu’à 1,2 kV par l’alimentation continue externe. Des dispositifs sont nécessaires pour protéger l’analyseur d’impédance. Cette fonction est réalisée de manière passive par les diodes en tête-bêche, et de manière active par la limita-tion de courant de l’alimentalimita-tion continue externe. Les résultats sur un condensateur céramique de type X7R et une diode Schottky-SiC sont présentés à la fig. I.16. On peut remarquer, sur la partie (a), que l’interface introduit des perturbations à basse fréquence et un comportement légèrement plus résistif à la résonance. Néanmoins, à des fréquences de l’ordre de la dizaine de kilohertz (fréquences typiques d’un onduleur de tension) l’influence de l’interface sur la mesure est très faible. Pour la partie (b), on retrouve les valeurs fournies par la documentation du constructeur ainsi que par un autre instrument de mesure.

La mesure d’impédance complexe sous polarisation permet aussi de faire apparaitre le com-portement piézoélectrique de certaines céramiques dont celles à base de BaT iO3. Le couplage électromécanique dans la céramique permet sous fort champs électrique d’amplifier les réso-nances mécaniques du composant sous test. On peut ainsi identifier un modèle électrique de type circuit à une résonance mécanique [28]. Des travaux utilisent aussi cette propriété pour

(a) Comparaison d’une mesure d’impédance avec et sans carte d’interface, condensateur céramique PCI-X7R, 8,5µF-1kV.

(b) Comparaison de mesures C(V) en inverse sur une diode SiC-SBD 4 A-600 V (IDT04S60C) à 1 M Hz.

Figure I.16 Comparaison et validation des mesures d’impédance sous polarisation continue [27].

identifier et suivre au cours du temps une déviation des propriétés mécaniques à l’origine de la défaillance du composant [29]. La mesure d’impédance est alors influencée par cet effet piézo-lélectrique comme l’illustrent les mesures réalisées sur le composant TRS-HT300 (Annexe A, fig. A.10, page 220).

Mesure d’hystérésis ferroélectrique

La mesure d’impédance complexe sous polarisation (C(V)) ne rend pas compte du phéno-mène d’hystérésis qui est présent dans les matériaux ferroélectriques. Afin de mieux étudier les cycles d’hystérésis des diélectriques ferroélectriques, nous avons mis au point un disposi-tif de test. Ce disposidisposi-tif nous a permis d’obtenir les cycles quasi-statiques des matériaux qui composent les condensateurs céramiques "haute température" de type X7R. Les dimensions géométriques précises du composant sont nécessaires. On peut les identifier facilement par une découpe précise faisant apparaître la section du condensateur.

Le schéma électrique est présenté à la fig.I.17(a). Il s’agit d’un demi-pont capacitif alimen-tant une charge de type R-C, où C est le condensateur sous test. L’excitation, en tension carrée, permet au condensateur sous test une charge et une décharge périodique, fig. I.17 (b). Cette évolution lente des grandeurs électriques (fréquence de quelques hertz), réglée par le réseau de résistance, permet de balayer une large plage de champ électrique et de mettre en évidence les non-linéarités d’une céramique ferroélectrique. En mesurant le courant et la tension aux bornes du condensateur sous test, et à l’aide des relations I.29etI.30, dérivées respectivement des re-lationsI.8,I.9 etI.10, on retrouve la caractéristiqueD{E}(et P{E}) du matériau diélectrique en quasi-statique.

E(t) = vc(t)

(a)Schéma électrique du dispositif de mesure (EST, Equipement Sous Test).

(b) Formes d’ondes temporelles pour un condensateur céramique X7R, 8,5µF-1kV.

Figure I.17 Schéma et formes d’ondes du dispositif de mesure en commutation R-C [27].

P(t) = 1

S.

Z

ic(t)dt ε0.vc(t)

e (I.30)

Ce dispositif est relativement simple à construire et ne nécessite pas d’instrument extrê-mement performant ou l’acquisition d’un amplificateur de puissance linéaire assez coûteux. L’équipement est constitué d’une alimentation continue, d’un oscilloscope (une bande passante très élevée n’est pas requise), de sondes de tension passives et d’un générateur basse fréquence pour les signaux de commande. Le réglage du rapport cyclique permet aussi de travailler au-tour d’une composante continue. Le dispositif a également été conçu pour pouvoir déporter le composant sous test sous la cloche du conditionneur de température.

L’inconvénient de cette méthode est qu’il est relativement difficile d’augmenter la fréquence avec des composants à forte capacité et dont les tensions nominales sont élevées (quelques microfarads et 1 kV). Dans ce cas, les constantes de temps R-C sont trop lentes pour monter à plusieurs kilohertz. Le courant d’appel est également très important lorsque l’on diminue la résistance série, la puissance dissipée dans ces résistances devient importante. La caractérisation des pertes diélectriques à des fréquences élevées est donc difficile. Il est alors plus facile de travailler avec des condensateurs possédant une faible capacité et une tension nominale réduite. Une autre variante dite "résonante" peut être mise en œuvre en introduisant en série avec le condensateur sous test une inductance, pour créer une excitation sinusoïdale. Les résultats de mesure que nous présenterons sont restreints aux cycles d’hystérésis en quasi-statique sur le composant PCI-X7R. En résumé cette mesure, par ses limitations, ne reproduit pas les contraintes auxquelles est soumis le composant mais permet une analyse complémentaire à la mesure de C(V). Elle permettrait aussi de valider des modèles de matériaux dans le domaine temporel avec des excitations de forte amplitude (dits "grands signaux").

Mesure de la résistance d’isolement

La résistance d’isolementRi est estimée par la mesure du courant de fuite if uiteà la tension nominale Vnom du condensateur, Equation I.31. Pour réaliser cette mesure nous utilisons une alimentation continue de précision de type Source Meter Unit (SMU, modèle 2410) fabriquée par Keithley Instruments. Le transitoire de tension qui permet d’atteindre la tension nominale est relativement rapide (< 1s). Si l’on considère le condensateur comme un système du premier ordre soumis à un échelon de tension, ce transitoire se stabilise uniquement lorsque le courant atteint le courant de fuite que l’on souhaite mesurer. Toutefois, pour des courants de fuite très faibles (inférieurs à quelques dizaines de nanoampères) le transitoire est très long. Il est alors utile de définir un temps au bout duquel nous réalisons l’acquisition. Ce temps est fixé arbitrairement à 90 s.

L’alimentation est régulée en tension, et l’ondulation de tension provoquée par sa régulation peut induire des courants nettement supérieurs au courant de fuite. Ce phénomène est prin-cipalement constaté avec des condensateurs de forte capacité (> 10 µF). On ajoute alors une résistance série de l’ordre du mégaohm pour stabiliser l’alimentation. Parfois, les courants de fuite sont trop faibles (inférieurs à 10nA), dans ce cas nous pouvons simplement indiquer que la résistance d’isolement est supérieure à la valeur limite mesurable (environ 100 GΩ). Une autre considération pratique concerne les fils et la connectique qui parfois engendrent un courant de fuite plus important que le condensateur sous test. Une mesure différentielle est alors utile.

Ri = Vnom

if uite−90s (I.31)

Comme nous le verrons au troisième chapitre, une chute de la résistance d’isolement peut conduire à un emballement thermique. C’est donc un paramètre important qui traduit l’évolu-tion de la résistivité du diélectrique. Bien que nous n’ayons pu mener des travaux sur la rigidité diélectrique, elle est complémentaire et constitue aussi une limite physique du composant. C’est une grandeur assez proche de la résistance d’isolement pour le dimensionnement car elle influe sur la tension nominale du condensateur. Cependant, les phénomènes physiques de claquage sont très différents, et nous soulignons l’intérêt que pourraient nous fournir des travaux sur l’évolution de la rigidité diélectrique en température. Dans ce manuscrit nous avons fait l’hy-pothèse que les marges de sécurité garanties à 25 C par les fabricants étaient suffisantes pour garantir un bon fonctionnement à 200 C.