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La fiabilité d’un composant est souvent associé au MTTF (Mean Time To Failure), l’espé-rance mathématique de la durée de fonctionnement avant la défaillance. C’est une approche statistique dont les résultats suivent une loi de distribution souvent de type log-normal ou Wei-bull. L’approche peut être prédictive mais elle est surtout basée sur des données expérimentales. Les résultats dépendent du choix de la condition de défaillance, des conditions d’essais et du nombre de composants sous test. En électronique de puissance, la diversité des technologies et le faible nombre d’unité rendent parfois difficile une approche statistique [12]. Les ordres de grandeurs de durée de fonctionnement sont d’environ 20 000 heures pour l’automobile, 90 000 heures en aéronautique civil, et les durées de vie sont respectivement de 5 et 25 ans.

L’augmentation de la température ambiante est très pénalisante pour les condensateurs. Les gammes de températures classiques s’étendent de -55 C à 85 C, voire 125 C. Le passage à 200 C de la température ambiante engendre une contrainte forte sur la fiabilité. D’une part,

les composants du marché ne sont pas compatibles avec ce besoin, ou seulement sur des niches comme par exemple avec le Mica ou le PTFE. D’autre part, les phénomènes physiques qui sont à l’origine des défaillances sont amplifiés et le manque de retour d’expérience nous amène à nous interroger sur de nouvelles défaillances. Il y a donc une nécessité de mettre en évidence les modes de défaillances qui sont prépondérants pour mieux orienter le choix d’une technologie lors de la conception, et pour trouver des solutions permettant de répondre aux besoins des applications. Dans un second temps, il faudra normaliser des essais accélérés pour ces applications "haute température". Les travaux présentés n’étudient pas cet aspect mais il peut être utile d’exposer quelques considérations. Les phénomènes physiques, à l’origine des mécanismes de défaillances, et influencés directement par l’augmentation de la température sont :

la conduction. Les résistivités des diélectriques diminuent de 2 à 3 décades entre 25 C

et 200◦C. L’Equation empirique I.26illustre typiquement cette tendance. Le courant de fuite augmente, et accentue l’élévation de température dans le composant. A l’opposé, pour les métaux qui composent les électrodes et les terminaisons, la résistivité s’accroît.

ρ=ρ0.exp(Ea

k.T) (I.26)

T, la température absolue en K Ea, l’énergie d’activation en J

k = 1,38 ×10−23 J.K1, la constante de Boltzman

le claquage. La rigidité diélectrique (ou champ disruptif) diminue avec la

tempéra-ture [13]. Ce phénomène est amplifié par la combinaison d’une conductivité et de pertes plus importantes en présence de défauts inhérents aux procédés de fabrication [14]. Il est aussi important de considérer les phénomènes liés à l’association de l’augmentation de la température et du temps :

les différences de CTE. A cause des différences de CTE, les procédés de fabrication

induisent des contraintes résiduelles dans l’assemblage du condensateur. Typiquement après le frittage pour les céramiques, ou pendant le procédé de report, ce qui peut conduire à des fissures au sein des terminaisons ou de la céramique. Les fortes excursions répétées en température provoquent des contraintes supplémentaires par des effets de cyclage au cours de la vie du composant. Des déformations plastiques répétées peuvent mener à des dégradations irréversibles. On peut qualifier ces contraintes de fatigue thermo-mécanique.

la diffusion. L’agitation thermique est plus grande, les métaux diffusent plus rapidement.

Ce phénomène intervient surtout entre la brasure et les terminaisons, et justifie l’utili-sation de la barrière de Nickel (N i) dans les condensateurs céramiques. La figure I.12

montre, pour des métaux utilisés aux électrodes et aux terminaisons, le taux de dissolu-tion dans une brasure SnP b typique. La diffusion des lacunes (trous) ou des donneurs dans un réseau cristallin est aussi accélérée (par exemple les lacunes d’oxygène dans les grains de BaT iO3). Cela entraine la diminution de la résistivité du matériau.

l’électromigration, les fortes densités de courant qui peuvent apparaitre dans les

beaucoup utilisé comme métal d’électrode, est particulièrement sensible à ce phénomène qui est accéléré par l’élévation de la température. Les électrodes peuvent donc se dissoudre dans les terminaisons ou la brasure.

la croissance des grains, l’augmentation de la granulosité. Dans un réseau

polycristal-lin, l’augmentation de la température favorise la croissance des grains. C’est un mécanisme irréversible. L’augmentation de la taille des grains engendre des pertes dynamiques plus importantes. Sur une métallisation d’électrode, l’augmentation de la granulosité avec la température forme des aspérités à l’interface métal/diélectrique qui contribuent à des élé-vations locales du champ électrique. Le matériau diélectrique est plus contraint, ce qui accélère son vieillissement.

l’oxydation. Les terminaisons métalliques, les brasures ou les électrodes sont plus

sen-sibles à l’oxydation lorsque la température s’élève (aggravée fortement par une humidité saline).

la polymérisation. Pour les films plastiques l’augmentation de la température peut

ac-célérer la polymérisation, et indirectement induire un durcissement excessif du film. On peut considérer cela comme un vieillissement prématuré du film.

Ces phénomènes physiques sont intrinsèques au matériau (ou une association de matériaux) et la combinaison des contraintes (température, champ électrique, densité de courant...) les amplifieront davantage. On peut alors estimer les limites théoriques des assemblages que forment les composants si l’on considère les matériaux idéaux ou une fabrication parfaite. Cependant, de nombreuses imperfections et défauts sont introduits lors des procédés de fabrication. Les performances et l’évolution des grandeurs caractéristiques du TableauI.1au cours du temps sont fortement dépendantes des défauts et imperfections. Les défaillances sont les conséquences des sollicitations de ces défauts et sont liées à l’utilisation du composant. Il devient alors beaucoup plus difficile de prendre tous les paramètres en compte pour estimer la durée de vie d’un composant et ses modes de défaillance.

Il y a trois niveaux pour agir sur la fiabilité d’un composant : le dimensionnement, la fabri-cation et l’utilisation. Pour le dimensionnement, les qualités intrinsèques des matériaux et leurs limites sont connues a priori. Le choix initial des matériaux, des dimensions et de la structure du composant sont des degrés de liberté dont on dispose. Par exemple, choisir un métal précieux d’électrode ou une barrière deN iplus épaisse [15]. Deuxièmement, on peut influencer la fiabilité d’un composant à partir des procédés de fabrication. Cela peut se traduire par des traitements thermiques mieux maîtrisés ou des poudres de meilleure qualité. Le déverminage est aussi une méthode efficace car les composants les plus fragiles sont écartés avant leur utilisation. Et enfin, l’utilisation du composant, qui comprend ses contraintes électriques et environnementales ainsi que son mode de report et son packaging (contact électrique, maintien mécanique, protection mécanique...) constitue le troisième niveau agissant sur la fiabilité. Ce dernier niveau est très dépendant des applications.

Pour garantir la fiabilité des composants après la fabrication, les fabricants respectent des normes (du type MIL-STD-202, MIL-PRF-49467 ou Guide FIDES 2009) qui se rapprochent des contraintes typiques auxquelles sont soumis les composants. Mais respecter ces normes ne signifie pas que le composant respectera les besoins de l’utilisateur en terme de fiabilité et

Figure I.12 Taux de dissolution (en µm/s) de différents métaux dans une brasure 60Sn-40P b en fonction de la température (W. G. Bader, Weld. J. Res. Suppl., vol. 28 , no. 12, p551-557, 1969).

de durée de vie car le mode de report est peu ou pas pris en compte. La difficulté est donc reportée sur l’utilisateur du composant. Pour le secteur automobile, les industriels ont défini des normes (AEC-Q200-REV B) tenant compte du mode de report et de leurs contraintes environnementales. Les applications "haute température" ne représentent pas un marché assez important pour imposer leur cahier des charges aux fabricants. De plus, les applications sont très variées (spatial, militaire, aéronautique...). Un important travail est donc à réaliser par l’utilisateur qui doit dans un premier temps trouver des tests représentatifs de ses besoins, identifier les modes de défaillance et ensuite trouver des solutions. Des solutions qui peuvent être trouvées à chaque niveau : dimensionnement, fabrication et utilisation.

t1 t2 =V2 V1 N exp Es k . 1 T1 1 T2 (I.27) V1, la tension d’utilisation en V V2, la tension d’essai en V T1, la température d’utilisation en K T2, la température d’essai en K t1, MTTF en condition d’utilisation en s t2, MTTF en condition d’essai en s N, le facteur d’accélération en V

Es, la pseudo energie d’activation eneV

k = 8,61×10−5 eV.K1, constante de Boltzman

Quelques précisions peuvent être apportées concernant les relations fréquemment employées. Les fabricants estiment la MTTF d’un condensateur en utilisant le modèle de Prokopowicz et Vaskas [16]. Les contraintes sont combinées et amplifiées (champ électrique et température) puis les résultats extrapolés en utilisant l’Equation I.27 dont les paramètres sont identifiés à partir de résultats expérimentaux. Les essais standards qui durent entre 1000 et 2000 heures peuvent être raccourcis en utilisant une méthode dite "HALT" (Highly Accelerated Life Test) [17]. Par exemple, on applique pour un condensateur 50V-125 C, une tension de 400V à 200 C. Pour les condensateurs céramiques de type II, N est d’environ 3 et Es se situe autour de 1,2 eV. Selon la sollicitation et le type de claquage, le facteur d’accélération en tension peut varier [17]. A haute température ces coefficients sont mal connus.

Les phénomènes de vieillissement influencent également la permittivité. Pour les films, cela est lié au phénomène global de vieillissement du film plastique. La capacité et le facteur de pertes évoluent de quelques pourcents après plusieurs milliers d’heures. Les céramiques ferro-électriques subissent une réorganisation naturelle des domaines ferroferro-électriques suivant la loi empirique décrite à l’Equation I.28. La polarisation spontanée du matériau décroit naturelle-ment au cours du temps. Un passage au-delà de la température de Curie permet une restruc-turation de ces domaines et le matériau revient à son état initial. Le vieillissement thermique est alors négligeable pour les diélectriques à base de BaT iO3 (Tc ' 130 C) car, dans une application "haute température", les composants fonctionnent souvent ou ponctuellement à des

températures supérieures à la température de Curie.

r =i.M.log(t) (I.28)

L’extrapolation de la loi de Prokopowicz et Vaskas est très utile pour sélectionner un diélec-trique ou valider la qualité de fabrication. Elle donne aisément la fiabilité d’un condensateur en prenant en compte deux paramètres très importants que sont la température et tension d’utili-sation. Néanmoins, elle ne prend pas en compte d’autres contraintes comme le courant nominal ou environnementales (ex. :cyclage thermique, les vibrations ou l’humidité). Les résultats de ces tests s’affranchissent donc des contraintes thermo-mécaniques qui sont très contraignantes dans les systèmes embarqués, voire prépondérantes pour les condensateurs céramiques. Pour ces derniers, le choix du mode de report du composant et du substrat est essentiel pour la fiabilité d’un condensateur. On peut lister quelques défaillances fréquentes liées aux contraintes environnementales [18] :

– Les fissures (ou cracks) du diélectrique dans le condensateur

– Les délaminations de la brasure broches/pistes et broches/terminaisons – Les délaminations/décollement de la terminaison et des électrodes

– Les fissurations et la délamination de la résine de protection ou du boitier

En conclusion, un fonctionnement à des températures élevées affecte la fiabilité, et la com-binaison avec des contraintes environnementales sévères aggrave davantage les mécanismes de défaillance. Les phénomènes physiques sont multiples et complexes. Il apparaît aujourd’hui nécessaire d’identifier les modes de défaillance prépondérants et d’améliorer la fiabilité des condensateurs pour les applications "haute température" en agissant à tous les niveaux : di-mensionnent, fabrication, et assemblage/report (packaging).

2 Sélection des composants

Afin de comparer les performances des technologies de condensateur qui pourraient être utilisées dans un onduleur de tension "haute température", nous avons sélectionné un panel de composants. Ce panel, Tableau I.2, est étroitement lié aux différentes fonctions que nous avons identifiées, et notamment pour le filtre CEM d’entrée de l’onduleur. On observe fig. I.13, le schéma électrique d’un onduleur de tension triphasé où sont représentés les différents types de condensateurs. On peut rappeler, sans formuler un cahier des charges détaillé, que les conden-sateurs doivent fonctionner dans un environnement où la température ambiante est de 200◦C.