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Chapitre 3. Méthodologie et objectifs

2. La chaîne opératoire et la technologie de la pierre polie

2.2. Les techniques de fabrication et les traitements de surface

Dans la visée d’identifier une tradition technologique régionale dans la fabrication des haches, des herminettes et des gouges des sites Muldoon et Lamoureux, nous observerons quels traitements de surface furent employés. Nous pourrons ensuite dresser un portrait des techniques de fabrication les plus courantes.

Outre la taille, il existe quatre techniques principales de traitement de surface dans la technologie de la pierre polie : le piquetage, le bouchardage, l’abrasion et le polissage. Ces techniques sont utilisées dans la mise en forme et dans la finition de l’objet. Une définition de ces différentes techniques et la description des marques qu’elles laissent sur l’objet s’imposent avant de continuer.

2.2.1. La taille

La taille est une technique de mise en forme qui s’observe fréquemment dans la technologie de la pierre polie, surtout pour le dégrossissage rapide aux carrières (Adams 2002 : 163 ; Pétrequin et Pétrequin 2000 : 364-365). L’artisan utilise un percuteur, l’outil de base, pour percuter la roche et en détacher des éclats (Piel-Desruisseaux 1990 : 9 ; Tassé 2000 : 44). Il peut exister une frontière mal définie entre la taille et le piquetage, leur application sur la matière étant très semblable (Hayden 1987 : 27). Or, en se référant au vocabulaire développé par Leroi-Gourhan (1943[1971] : 57), la taille au percuteur est une percussion diffuse, puisque la partie percutante, le percuteur (dur ou tendre), est une large masse qui entre en contact avec la matière. Il en résulte le détachement de larges éclats ou de plus fins selon le type de taille. Dans l’industrie de la pierre polie, la taille est utilisée à des fins de dégrossissage, donc le détachement de gros éclats.

2.2.2. Le piquetage

Le piquetage est une technique de mise en forme qui permet de sculpter ou creuser la pierre. C’est l’équivalent de l’anglais pecking. Le piquetage s’effectue à l’aide d’un pic de pierre que l’artisan utilise pour percuter l’objet. Hayden (1987 : 53-58) distingue deux utilisations des pics. Dans une première utilisation, le pic s’emploie au détachement de gros éclats ; il nécessite surtout un pic qui se manipule à l’aide des deux mains (Hayden 1987 : 54). Il s’agit d’une utilisation semblable du percuteur. Par conséquent, nous préférons limité l’utilisation du terme piquetage en référence au deuxième utilisation du pic. Celle-ci s’effectue surtout avec un pic qui se manipule à l’aide d’une main. Les pics sont utilisés

pour piqueter, piocher ou creuser la surface (peck away), détachant des grains individuels ou de petits agrégats (Hayden 1987 : 58). Son action sur la matière est une percussion punctiforme (Leroi-Gourhan 1943[1971] : 57), l’extrémité du pic étant aménagée en pointe trièdre ou non (Hayden 1987 : 52). Les termes « nodules bouchardés » (battered nodules) (Borstel 1982; Sanger 1996 : 19-21; Sanger, et al. 1994) et « percuteurs à arêtes » (ridged hammerstones) (Sanger, et al. 2001 : 656-657; Sanger et Newsom 2000; Will 2002 : 32) furent aussi employés pour décrire les pics. Cette technique s’observe par la présence de cicatrices circulaires ou ovoïdes d’une longueur maximale d’environ 1 mm qui marquent la surface (Will 2002 : 35). Les marques sont plutôt profondes et laissent la surface rugueuse, puisque le pic pénètre la surface de la masse pierreuse (Hayden 1987 : 54).

2.2.3. Le bouchardage

Le bouchardage, pour sa part, est autant une technique de mise en forme que de finition. C’est l’équivalent de l’anglais battering. Cette technique consiste à frapper une surface de pierre avec un percuteur dans le but d’écraser les arêtes et les saillies pierreuses (Piel-Desruisseaux 1990 : 162). Son application sur la pierre peut s’observer à deux niveaux (Adams 2002 : 30), selon l’intensité de son utilisation et en fonction des minéraux présents dans la pierre. Un premier niveau s’observe à l’œil nu, il affecte la macrotopographie de la surface : la macrotopographie étant le relief macroscopique d’une surface pierreuse. À ce niveau, l’application du bouchardage laisse une surface rugueuse. L’observation au microscope (40X) ne permet pas vraiment de noter une différence sur la microtopographie, cette dernière étant le relief microscopique formé des arêtes minérales d’une surface pierreuse (Adams 2002 : 29). Les marques rapprochées d’un piquetage concentré peuvent être confondues avec les marques macroscopiques de bouchardage. La différence s’observe dans la profondeur plus importante des marques oblongues du piquetage (Will 2002 : 35). L’autre niveau, quant à lui, affecte la microtopographie, mais est toujours accompagné de marques de bouchardage macroscopique, c’est-à-dire d’une surface rugueuse. Une microtopographie marquée par l’affaissement des arêtes des minéraux formant la pierre caractérise le bouchardage microscopique. Il s’agit d’une usure

qu’Adams (2002 : 30) a appelée fatigue wear et qui s’observe au microscope (40X) par des minéraux arrondis dont la surface a une allure givrée. Il est à noter que je n’ai pas observé cette apparence givrée sur tous les minéraux, peut-être est-ce seulement la conséquence d’un grossissement insuffisant. Une analyse à l’aide d’un microscope plus puissant que celui utilisé dans cette étude (40X) pourra ultérieurement répondre à cette question. En dépit de ces limitations techniques, le groupe des feldspaths plagioclases et d’autres silicates comme le quartz sont les minéraux sur lesquels l’apparence givrée fut davantage observée.

2.2.4. L’abrasion

L’abrasion (grinding) est plutôt une technique de finition, mais peut être utilisée lors de la mise en forme des pierres plus tendres comme l’ardoise. L’abrasion consiste à aplanir une surface à l’aide d’agents abrasifs qui arrachent les minéraux en surface jusqu’à l’obtention d’une macrotopographie plane. Bien qu’Adams (2002 : 31) ne distingue qu’un type d’abrasion, les marques d’abrasion observées sur les outils de cette étude ont été divisées en deux types de marques : microscopiques ou macroscopiques. L’abrasion macroscopique n’affecte pas la microtopographie, elle s’observe par une macrotopographie plane et par une microtopographie présentant encore des aspérités. Cette technique ne laisse aucune marque microscopique sur les minéraux. L’abrasion macroscopique peut laisser des stries visibles à l’œil nu, mais ce n’est pas toujours le cas. Parfois, l’abrasion ne fait qu’aplanir la surface sans laisser de stigmate, sinon qu’une surface plane non lustrée.

Contrairement à l’abrasion macroscopique, celle qui s’observe au niveau microscopique est caractérisée par des marques microscopiques. Ces marques se traduisent par une microtopographie aux sommets minéraux aplanis. Les minéraux aplanis présentent parfois des stries et des trous (Adams 2002 : 31). Cette abrasion peut être accompagnée d’un faible lustre de polissage et de stries macroscopiques. L’abrasion microscopique est davantage une technique de finition que de mise en forme. C’est l’étape qui mènera au polissage.

Toutes ces techniques agissent de façon réductrice sur la pierre, dans ce sens où leur application détache et enlève des particules de sorte à modifier la topographie de la surface (Adams 2002 : 32).

2.2.5. Le polissage

Enfin, le polissage (polishing) est une technique purement de finition. Elle s’observe par une microtopographie parfaitement lisse et lustrée. Contrairement aux autres techniques, le polissage agit de façon additive. En effet, le polissage se produit par une réaction chimique résultant de l’interaction entre la surface polie et la surface polissant. De très fines particules sont soustraites des deux surfaces puis redéposées en un mince film bouchant toutes les cavités et les aspérités. La formation de ce film crée un aspect lustré sur la surface polie (Adams 2002 : 31).

2.2.6. Les autres marques visibles

En plus des cinq techniques ci haut, l’analyse a démontré que certaines surfaces d’outils de pierre polie présentaient parfois une absence de traitement. Le traitement était indéfinissable sur plusieurs surfaces. La catégorie « aucun traitement » fut considérée suite à son observation répétée dans la collection. La catégorie « traitement indéfinissable » englobe toutes surfaces sur lesquelles l’observation d’un traitement est impossible, comme c’est surtout le cas pour les surfaces mal préservées ou brisées. La grille d’analyse contient une dernière catégorie (autre) qui répond à un besoin occasionnel qui ne concerne pas la technologie de la pierre polie (voir annexe 2). C’est le cas, par exemple, d’une surface impossible à analyser en raison d’une couche de vernis de numérotage ou de marques produites clairement par des facteurs post-dépositionnels.