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Toute personne projetant de mener des entretiens de recherche doit s’y préparer afin de pouvoir guider l’entretien de manière productive et, par la suite, d’analyser les données recueillies de manière pertinente. Blanchet & Gotman définissent « trois opérations de préparation de l’enquête : définition de la population et du corpus, choix du mode d’accès aux interviewés et élaboration du plan d’entretien » (2010, p. 36).

Définition de la population et du corpus

Dans le cadre de ce travail, je vais m’adresser à une population de professionnel-le-s, soit les pédagogues en éducation précoce spécialisée (peps) des SEI. Ces peps représentent donc, en d’autres termes, l’échantillon de recherche pour mon travail. J’avais d’abord pour intention de me concentrer uniquement sur les peps travaillant au sein du SEI de la Fondation de Verdeil. Cependant, j’ai finalement opté pour une recherche plus globale, incluant les peps des trois SEI généralistes du canton de Vaud : ceux des fondations de Verdeil, de Vernand et Entre-Lacs (Centre d’enseignement et d’éducation spécialisés Florère). Ces fondations prennent toutes en charge des enfants en difficulté dans leur développement. À eux trois, leurs SEI couvrent l’ensemble du canton de Vaud.

Quant au corpus, il s’agit du nombre d’entretiens que je vais effectuer. Cela dépendra du nombre de personnes acceptant de prendre part à l’enquête ; je souhaite cependant pouvoir interviewer six peps appartenant aux différents SEI afin d’obtenir une représentation assez complète du travail qu’ils effectuent auprès des enfants et de leurs familles.

Choix du mode d’accès aux interviewés

La manière de prendre contact avec les interviewés a également son importance, comme le décrivent Blanchet et Gotman (2010, pp. 52-57). Les modes d’accès les plus neutres sont les modes d’accès directs, c’est-à-dire ceux où lesquels la personne qui mène l’enquête contacte directement la population qu’elle souhaite interviewer, soit en face-à-face ou alors par le biais de diverses listes. Cette méthode n’est cependant pas adaptée à l’enquête que j’effectue ici et j’ai donc décidé de passer par les responsables des SEI afin de contacter les peps. Ce mode d’accès a pour avantage de maximiser les chances d’acceptation ; il engendre cependant le risque d’amener un aspect de contrainte à la démarche, avec des conséquences parfois non négligeables sur la relation à l’interviewer et sur le déroulement de l’entretien. Dans le cadre d’un travail de Bachelor, cependant, la contrainte est moindre et le risque d’influencer la relation de manière négative est donc minimisé.

Élaboration du plan d’entretien

Afin d’assurer la qualité et la pertinence des données recueillies, il me faut élaborer un plan d’entretien. Celui-ci peut être plus ou moins structuré. Un entretien peu structuré requiert d’avoir défini une consigne ainsi que des axes thématiques. Ce type d’entretien est utilisé lorsque l’interviewer a une connaissance limitée dans le sujet traité, notamment dans le cadre d’entretiens exploratoires. Dans un entretien plus structuré, il est important d’avoir formalisé un guide thématique plus complet, comprenant des thèmes, des opérateurs et des indicateurs. On anticipera également les stratégies d’écoute et d’intervention adaptées à la question de recherche (relances). Dans le cadre de la recherche menée ici, les premiers entretiens seront peu structurés, puis les données recueillies me permettront de compléter le guide thématique et les stratégies utilisées.

Consigne initiale : « Vous intervenez à domicile auprès d’enfants présentant un TSA. Pouvez-vous me dire comment cela se passe ? » Cette consigne assez large permet à l’interviewé de mettre en avant les éléments qu’il estime importants dans son intervention, sans biaiser son propos, donnant l’opportunité à l’interviewer non-expert de compléter sa vision de la situation. Il sera cependant important, par la suite, de rediriger la discussion vers le sujet de la recherche. C’est en cela qu’il est essentiel de garder en tête les axes thématiques à aborder durant l’entretien :

- Les enjeux et particularités de l’intervention à domicile - La prise en charge quotidienne d’enfants présentant un TSA

- Les méthodes pédagogiques utilisées par les peps dans la prise en charge des TSA - La prise en compte des besoins / attentes des familles dans l’intervention à domicile - Le soutien de la fonction parentale

- La transmission de savoirs et savoir-faire

Guide thématique : Dans le cadre de ce travail, j’ai élaboré une grille qui m’a permis de diriger mes entretiens. Cette grille est décrite dans le corps du travail er figure également en annexe.

Stratégies d’écoute et d’intervention : Blanchet & Gotman décrivent l’écoute de

l’interviewer comme une « activité de diagnostic » (2010, p. 76). En effet, l’interviewer devra au préalable imaginer quel pourra être le discours de l’interviewé et construire son guide d’intervention en fonction de ce diagnostic. De plus, il ne s’agit pas d’une écoute passive, l’enquêteur effectuant une série d’opérations (sélection, inférence, comparaison…) lui permettant d’interpréter les propos de l’interviewé et, éventuellement, de remettre en question ses propres présupposés. Cette écoute active permet également à l’interviewer de rediriger l’entretien et de préparer ses prochaines interventions. « Le pilotage d’un entretien s’effectue donc à la fois au coup par coup, car l’écoute est diagnostic et entraîne un travail d’interprétation et de problématisation en temps réel, et par anticipation, car le fonctionnement interlocutoire de l’entretien s’effectue dans un système interlocutoire à réponses différées. » (Blanchet & Gotman, 2010, p. 88)

Pour ce qui est des stratégies d’intervention, Blanchet & Gotman en définissent trois : la contradiction, la consigne et la relance. La contradiction, cependant, n’est pas favorable à un entretien de recherche, celui-ci ayant pour but de recueillir des informations auprès de l’interviewé et non de lui faire produire une argumentation. La consigne définit, au début de l’entretien, le thème sur lequel le discours de l’interviewé devra se baser. Dans le cadre de ce travail, la consigne induit un discours de narration ou de description (« Comment cela se passe-t-il ? ») et non d’opinion (« Qu’en pensez-vous ? »). Par la suite, de nouvelles consignes (ou questions externes) auront pour but de rediriger l’entretien sur un thème nouveau. Elles peuvent cependant engendrer des ruptures dans le discours de l’interviewé, le rendant moins riche. Quant aux relances, il s’agit du mode d’intervention le mieux adapté à un entretien de recherche. Accomplies par l’interviewer en réaction au discours de l’interviewé, elles lui permettent de revenir sur son propre discours, d’y réagir, de le compléter, le développer, l’expliciter… Blanchet & Gotman (2010, pp. 79-81) décrivent six relances que peut utiliser l’interviewer en fonction du but recherché. « Chaque type de relance acquiert (…) pour l’interviewé une valeur informative à laquelle son discours répondra nécessairement. Les relances guident le discours, l’influencent dans son contenu et sont également susceptibles d’entraîner des modifications de l’opinion des interviewés. » (Blanchet & Gotman, 2010, p. 81) Ces relances peuvent être catégorisées de la manière suivante : Registre référentiel (objet) Registre modal (position de l’interviewé) A ct e de lan ga ge acco m pl i pa r l’i nter vi ew

er Réitération Écho Reflet

Déclaration Complémentation Interprétation

La réitération : « le locuteur reprend, en le répétant, un point de vue énoncé par l’interlocuteur » (Blanchet & Gotman, 2010, p. 80). De manière générale, les réitérations n’ont pas beaucoup d’effet dans le cas d’un récit d’expérience (ou énoncé narratif).

Si l’interviewer cherche à connaître des informations sur l’objet de l’entretien, il utilisera l’écho, soit la répétition ou la reformulation d’éléments référentiels du discours de l’interlocuteur. La technique de l’écho met en avant la sélection qu’opère le locuteur, généralement inconsciemment, dans le discours de l’interviewé, et peut donc provoquer une réaction de résistance ou de soumission. Elle peut être perçue comme offensive et il convient d’en faire un usage modéré dans les entretiens de recherche, au risque de provoquer un discours artificiel.

Si l’interviewer cherche à connaître la position de l’interviewé quant à l’objet de l’entretien, il inclura un préfixe modal (« vous pensez que… ») à l’énoncé répété ou reformulé, incitant ainsi l’interviewé à réagir en explicitant son point de vue personnel. Il s’agit du reflet. Ces relances sont plus adaptées pour relancer un discours informatif (ou d’opinion), manifestant alors de la part de l’interviewer une écoute active et incitant l’interviewé à expliciter son propos. Elles peuvent cependant amener l’interviewé à nuancer ou, au contraire, à renforcer son propos, en fonction de son degré de compétence concernant le thème traité. En effet, en utilisant cette technique, l’interviewé met ou semble mettre en doute la sincérité de l’interviewer.

La réitération sera donc utilisée avec prudence dans les entretiens de recherche.

La déclaration : l’enquêteur fait connaître à l’interviewé son point de vue sur son discours (et non sur le thème de la recherche).

La complémentation reprend l’énoncé de l’interviewé en y ajoutant un élément permettant de situer la référence. Cette technique ne laisse pas place à une interprétation de la part de l’interviewer, qui laisse supposer son point de vue sans toutefois le formuler explicitement. Les auteurs mentionnent à titre d’exemples : la déduction (ou synthèse) partielle, « sorte de reformulation conclusive et généralisante » (Blanchet & Gotman, 2010, p. 85) ; l’anticipation incertaine (notamment la complémentation), « déduction incertaine et hâtive, (…) afin que l’interviewé apporte un développement supplémentaire et comble une lacune apparente » (Blanchet & Gotman, id.) ; l’inférence logique ou pragmatique sur le contenu. Les

complémentations tendent à pousser l’interviewé à compléter son discours.

L’interprétation, quant à elle, permet à l’interviewer de proposer un élément qui n’a pas été explicité par l’interviewé, cette suggestion pouvant être ou non validée par ce-dernier. L’interprétation pousse l’interviewé à rendre son discours plus cohérent. Cette intervention se concentre sur les chaînes causales ; l’interviewer est attentif à l’intentionnalité de l’interviewé. Les interprétations peuvent être confirmatives ou infirmatives. « Les interprétations confirmatives sont en général validées par l’interviewé ; elles tendent à orienter le discours vers le registre modal et l’expression de pensées intimes et privées. Les interprétations infirmatives contraignent parfois l’interviewé à rétablir une certaine cohérence et orientent le discours vers la construction d’une version remaniée de la chaîne causale. » (Blanchet & Gotman, 2010, pp. 85-86)

L’interrogation : dans l’interrogation référentielle, l’interviewer demande à l’interviewé une précision concernant la référence (« Dans quelle situation ? À quel moment ? »). Dans l’interrogation modale, il lui demande d’expliciter son point de vue (« Qu’en pensez-vous ? »).

A trop interroger, l’interviewer risque de perturber le déroulement de l’entretien. Il convient donc d’utiliser cette technique avec parcimonie afin d’éviter que l’entretien de recherche ne se transforme en interrogatoire. Il arrive cependant que l’interviewé adopte une position passive, dans l’attente de questions de la part de l’interviewer ; dans ces cas-là, l’usage de l’interrogation peut devenir inévitable mais doit rester occasionnel.

Les paramètres de la situation d’entretien

Blanchet & Gotman distinguent trois niveaux de contextes à prendre en compte dans la situation d’entretien. Le premier niveau est l’environnement matériel et social dans lequel se déroule l’entretien ; le second est le cadre contractuel de la communication entre interviewer et interviewé ; le dernier est l’ensemble des interventions de l’interviewer.

L’environnement matériel et social

L’environnement est constitué non seulement du lieu dans lequel se joue l’entretien, de la place attribuée à chaque acteur de la situation, mais également du temps (moment de la semaine et de la journée, durée de l’entretien) et des particularités des protagonistes (interviewer et interviewé) et de leur relation. L’ensemble de ces éléments a un impact sur le déroulement de l’entretien et influence son contenu et la forme qu’il prend.

Le lieu influence la relation entre les protagonistes. Par exemple, si l’entretien se déroule sur le lieu de travail de l’un ou l’autre des acteurs, celui-ci aura tendance à s’inscrire dans le rôle du professionnel, possédant l’expertise. Si l’entretien a lieu dans le bureau de l’interviewé, le discours produit par celui-ci sera marqué par la maîtrise du sujet abordé, le discours sera plus soutenu. Un entretien se déroulant au domicile de l’interviewé lui permet de prendre de la distance par rapport à son parcours professionnel et facilite le discours sur la vie quotidienne. Dans le cadre d’un entretien de recherche, la demande émanant de l’interviewer (et non de l’interviewé, ou patient, dans le cadre par exemple d’une thérapie), il est généralement plus adéquat que l’interviewer se déplace pour rencontrer l’interviewé, évitant ainsi de créer un déséquilibre dans la relation. La place occupée par l’interviewé et l’interviewer joue également un rôle sur le discours émis. La relation entre les protagonistes est fortement influencée par la disposition de la pièce et la signification des positions qu’ils prennent ; qu’ils soient assis de part et d’autre d’un bureau, face-à-face, de biais, sur un canapé…

La programmation temporelle influence elle aussi le déroulement de l’entretien. En effet, il faut tenir compte du fait que le discours de l’interviewé sera dans tous les cas contaminé par ce qu’il vit, a vécu ou va vivre juste avant et après l’entretien. De plus, il est important que l’interviewé soit le plus disponible possible au moment de l’entretien.

Quant à la relation entre les protagonistes, elle est influencée par leurs caractéristiques physiques (sexe, âge…) et socio-économique (position sociale…). « De manière générale, la proximité sociale, et non plus interpersonnelle, rend l’entretien plus aisé dans la mesure où interviewer et interviewé se situent dans un univers de référence partagé. » (Blanchet & Gotman, 2010, p. 71) En effet, cette proximité sociale aide à produire un discours sur des thèmes considérés plus délicats ; mais, dès lors que la proximité est plus marquée (proximité interpersonnelle), l’interviewer peut avoir tendance à ne pas enquêter sur des sujets qu’il pense déjà connaître.

Le cadre contractuel de la communication

C’est à l’interviewer, au début de la rencontre, de formuler clairement à l’interviewé le cadre contractuel, soit : les motifs de sa demande (pourquoi cette recherche ?) ; l’objet de sa demande (thème, type de questions, durée de l’entretien) ; le choix de l’interviewé et le mode d’accès à cet interviewé ; l’objectif de l’entretien (narration, opinion, raisonnement…). Il doit également préciser ou demander si l’entretien sera enregistré ou non et, dans tous les cas, garantir la confidentialité des propos qui y seront tenus. Une fois le cadre contractuel clairement défini, en accord avec les deux parties, un échange basé sur une confiance mutuelle peut avoir lieu.

Les modes d’intervention de l’interviewer

L’interviewer dispose de différents modes d’intervention, tels qu’ils ont été décrits au chapitre 3.2.3 (Stratégies d’écoute et d’intervention). Chacune de ces stratégies ayant un

effet différent sur le discours de l’interviewé, il convient de bien choisir laquelle utiliser afin d’obtenir le type d’information recherchée.

H. Compte-rendu de la rencontre du 04.10.2010 avec M. Zollinger