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5. Description et analyse des données

5.2. Hypothèse 2

5.2.1. Sous-hypothèse 2.1

Par la mise en lien avec des groupes sociaux, les peps permettent aux parents et à la fratrie de l’enfant TSA suivi à domicile de bénéficier de soutien social informel.

Comment les peps permettent-ils aux familles de réintégrer un réseau social ?

Pour commencer, alors qu’un peps estime que cet isolement n’est pas une généralité, un autre relève qu’il est très présent chez les parents. Un autre encore estime que le travail diffère si les familles n’osent pas sortir à cause de leur enfant TSA ou si elles ont été isolées, rejetées par leur entourage à cause de cet enfant.

La moitié des peps proposent aux familles un accompagnement lors de sorties régulières, qui font partie de leur quotidien. « On travaille à domicile, mais à domicile, c’est aussi aller au parc, c’est aussi aller jouer dans le jardin, c’est aussi, des fois, aller faire des courses à la Migros avec maman ». Un autre organise des activités annuelles, par exemple, avec les

familles. En effet, un peps relève que « dans le travail qu’on fait avec l’enfant et la famille, on va avoir l’objectif qu’il y ait la possibilité de sortir et de vivre une vie à peu près normale ».

Pour ce qui est de la prise de contact avec des associations ou des groupes de parole, que ce soit pour les parents ou les fratries, la moitié des peps renseigne souvent, informe les familles de l’existence de ces groupes, mais deux d’entre eux relèvent qu’il est encore souvent trop tôt pour les familles pour y adhérer. En effet, les parents craignent de stigmatiser l’enfant, d’entendre le pire au sujet du trouble dont ils ne savent pas encore comment il va évoluer.

Tous les peps proposent de faire appel à un réseau de relève, permettant de placer l’enfant ou de le faire garder quelques heures afin que les parents bénéficient de temps pour eux. « Ce qu’on essaie, parfois, c’est de passer le message aux parents qu’ils ont le droit, aussi, de penser à eux. » Un peps relève d’ailleurs que, lorsque l’enfant est encore jeune, les parents ont plus besoin de se retrouver en tant que couple conjugal que de rencontrer des amis.

Deux peps estiment que le fait de pouvoir faire appel à une forme de relève professionnelle déculpabilise les parents, leur permettant de profiter d’un moment pour eux. « On propose toujours des histoires de relève, qui sont parfois une première étape pour se

dire : Ben, tiens, quelqu’un d’autre peut s’occuper de mon enfant. Donc, je peux peut-être aller boire un verre avec une copine, je peux trouver du soutien. » Deux peps remarquent

cependant que, parfois, les parents refusent de faire appel à une quelconque forme de relève, que ce soit pour des raisons personnelles ou culturelles. « Des fois, on ne peut pas

du tout aborder ces questions-là. Des fois, ils refusent complètements, (…) ils ne veulent pas qu’on rentre dans leur sphère privée. (…) Des fois, on n’y arrive jamais. » Dans tous les cas,

un peps précise qu’avant de proposer quoi que ce soit, il faut que le souhait soit exprimé par les parents de bénéficier d’une aide à ce niveau-là.

D’autres accompagnent les familles à un Point Rencontre1

, en Maison Verte2, ou encore, à un Espace Prévention3, leur permettant d’entamer une démarche régulière auprès de ces services.

Deux peps discutent avec les parents de la manière d’expliquer à leur entourage le trouble de leur enfant. Cependant, seules les situations dans lesquelles un diagnostic a été posé permettent d’aborder cela. Un peps propose également aux parents de trouver un moyen d’exprimer leur colère face aux réactions que peuvent avoir certaines personnes face aux comportements de leur enfant. « J’encourage un peu, aussi, à exprimer sa colère face aux gens qui font des remarques un peu faciles. De montrer que ce n’est pas facile, de s’énerver, on a aussi le droit. » Enfin, un peps raconte qu’il lui arrive de prêter aux familles

des livres explicatifs très simples permettant d’expliquer à l’entourage et à la fratrie les comportements de l’enfant TSA.

Analyse

Pour commencer, on note qu’un peps estime que les familles sont rarement en situation d’isolement social et que celles qui rencontrent des difficultés d’intégration en raison du trouble de leur enfant sont généralement en mesure de trouver elles-mêmes des stratégies pour y faire face. Cela va à l’encontre des différentes études mentionnées dans le chapitre 2.4 concernant l’impact du trouble sur la qualité de vie des familles. En effet, on y constatait que les comportements particuliers des enfants TSA et leurs difficultés sociales engendrait un isolement des familles, un rejet de la part de l’entourage (Pelchat, Lefebre et Levert, 2005 ; Griot et al, 2010). La majorité des peps observent cependant cette difficulté des familles à entretenir un réseau social.

Certains relèvent un refus de la part de certains parents de faire appel à des espaces-ressources ou de bénéficier d’une ou l’autre forme de soutien social. Dans tous les cas, comme pour les stratégies éducatives à adopter face à l’enfant, les peps proposent certaines choses, informent les parents sur les différentes formes de soutien existantes, mais ne peuvent en aucun cas les obliger à y faire appel. Plusieurs hypothèses peuvent être émises quant aux raisons de ce refus, notamment le sentiment de se défaire d’une responsabilité qui est la leur, provoquant un sentiment de culpabilité, ou encore le risque perçu de mettre en péril un équilibre familial déjà précaire (Devault & Fréchette, 2002). D’autres facteurs, liés à la culture d’origine de la famille, par exemple, pourraient également expliquer une telle réticence.

Quant aux types de soutien qui sont proposés aux familles, ils varient en fonction des peps, de leurs habitudes et de leur sensibilité, mais également en fonction des besoins des familles et de ce qui est acceptable pour elles.

Près de la moitié des peps interrogés proposent aux familles des systèmes de garde, leur permettant de passer régulièrement un moment en famille, en couple ou, plus rarement,

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Les Points Rencontres sont des espaces neutres permettant « le maintien de la relation enfants-parents en situation de séparation », notamment dans des situations conflictuelles. Une décision judiciaire en définit l’accès. (www.vaudfamille.ch)

2 Créées par Françoise Dolto (psychanalyste) en 1979, le concept des Maisons Vertes est d’offrir aux enfants en bas âge et à leurs parents un « lieu de rencontre et de loisirs » (www.dolto.fr). Ces lieux ouverts permettent aux parents isolés face aux difficultés rencontrées avec leur enfant de se rencontrer et aux enfants d’y expérimenter des compétences sociales.

3

Les Espaces Prévention sont des lieux regroupant de nombreux professionnels qui proposent des activités et des informations sur des thèmes de la santé et du social, notamment dans le cadre de la prévention dans la petite enfance. (www.espace-prevention.ch)

entre amis1, en l’absence de l’enfant TSA. Cela permet aux parents et à la fratrie de souffler, de passer du temps ensemble, mais également d’éviter de placer l’enfant TSA dans des situations trop difficiles pour lui. Les ressources proposées sont cependant limitées et demandent un investissement financier de la part de familles qui ne peuvent pas toujours se permettre ce type de dépense. De plus, un peps évoque la difficulté à faire appel à des services spécialisés lorsque le trouble de l’enfant est plus léger – l’UAT, par exemple, accueille des enfants en situation de handicap souvent assez sévère – ou lorsque les parents ne sont pas encore dans une phase d’acceptation du trouble.

Plusieurs peps accompagnent les familles lors de certaines sorties, ou encore lorsque celles-ci commencent à fréquenter certains lieux spécialisés (Maisons Vertes, Points Rencontres). Le travail des peps ne comprend donc pas uniquement un enseignement « théorique », assis à un bureau avec des exercices spécifiques à effectuer, mais également une part d’enseignement « incidental », qui s’effectue dans des activités concrètes de la vie quotidienne, que ces activités aient lieu au domicile ou à l’extérieur (cf. méthode ABA, chapitre 2.2.2 sur les méthodes d’intervention).

Quant aux associations et aux groupes de parole, leur existence est souvent mentionnée aux familles mais les peps observent généralement une certaine réticence de la part des parents à faire ce genre de démarche. En effet, les enfants suivis dans le cadre du SEI sont très jeunes et, si le diagnostic de TSA est posé, il ne l’est généralement que depuis peu. Adhérer à une association ou à un groupe de parole semble trop difficile pour ces parents qui sont encore dans la phase d’acceptation du handicap de leur enfant. De plus, l’avenir étant encore très incertain, ils redoutent l’image du handicap que pourraient leur renvoyer les familles rencontrées. Ces hypothèses sont cependant émises par les professionnels et pourraient être vérifiées auprès des familles elles-mêmes dans le cadre d’un travail ultérieur.

Bien qu’une partie importante du travail des peps consiste à sortir avec l’enfant, à accompagner les familles lors d’activités à l’extérieur du domicile, la priorité est accordée, par les peps, à la recherche d’un système de garde adapté aux besoins et possibilité des familles.

Deux peps mentionnent la possibilité de proposer aux parents un soutien dans leur manière d’exprimer à leur entourage le trouble de leur enfant, leurs difficultés à y faire face et l’ensemble des choses qui sont mises en place pour l’aider. En effet, on sait que le regard des autres peut être très dur lorsqu’un enfant d’apparence « normale » se conduit de manière très inadéquate en société. Les parents apprennent ainsi à réagir aux remarques et aux regards de l’entourage et des personnes qui exprimeraient leur désapprobation sans savoir de quoi souffre l’enfant.

Enfin, un peps relève la différence entre les familles qui s’isolent d’elles-mêmes et celles qui sont rejetées par leur entourage. Le soutien offert ne sera alors pas le même et ne sera certainement pas reçu de la même manière dans ces deux situations. Cette question n’a pas été approfondie dans le cadre de ce travail, mais pourrait l’être à l’avenir dans le cadre d’une recherche qui s’effectuerait auprès des familles et qui tendrait à comprendre leurs besoins, par exemple.

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Les peps notent un besoin accru de se retrouver en tant que couple conjugal (et non seulement parental) ou en famille, mais pas forcément avec les amis. Cela est peut-être propre à l’âge de l’enfant et au moment de l’intervention du SEI, les besoins des parents et de la famille étant susceptibles de se modifier au cours du temps et de l’évolution de la situation.