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Ce chapitre se veut une présentation des différentes techniques de caractérisation et leur mise en contexte dans le cadre du projet, les spécifications techniques et expérimentales étant contenues dans les articles. En plus d’être une technique unique de déposition de film, la cuve de Langmuir permet l’étude du film en temps réel à l’interface air-eau. Tel que mentionné précédemment, cette technique constitue le cœur et l’aspect original du projet et elle sera donc expliqué en détail dans ce chapitre. Ensuite, une section du chapitre se penche sur la microscopie électronique en transmission (TEM) et une autre sur la microscopie à force atomique (AFM) qui sont les techniques toutes indiquées afin de caractériser les films composites présentant des détails de l’ordre du nanomètre. La microscopie à angle de Brewster (BAM) a aussi été utilisé afin de caractériser les films directement à l’interface air-eau. Quoique très peu utilisée au cours du projet, il vaut la peine de présenter cette technique puisqu’elle est en général peu connue. De plus, comme aucune expérience BAM n’a été incluse dans les articles cités aux chapitres 3 et 4, les détails techniques seront présentés ici. Finalement, en supplément à ces techniques, des analyses en thermogravimétrie pour caractériser les NPs et des mesures d’angle de contact sur des substrats revêtus de monocouche composite ont été effectuées. Comme ces techniques n’ont pas été systématiquement utilisées au cours du projet, qu’elles sont relativement connues et qu’elles sont déjà présentées dans l’article cité au chapitre 4, aucune section ne leur est consacrée dans le présent chapitre.

Cuve de Langmuir et technique de transfert Langmuir-Blodgett

La cuve de Langmuir est nommée d’après Irving Langmuir et Katharine Burr Blodgett pour leurs travaux sur la déposition de couches minces. La cuve de Langmuir a deux utilités générales : la déposition de monocouches ou multicouches sur des surfaces pour des applications technologiques ou l’étude de molécules directement à l’interface pour modéliser des systèmes, par exemple biologiques35.

Composantes

L’appareil est composé des éléments suivants : une cuve de téflon, des barrières mobiles et une balance (Figure 12). L’hydrophobicité du téflon permet d’avoir un ménisque concave lorsque la cuve est remplie d’eau, ceci facilite le contact entre l’interface air/eau et les barrières mobiles. Ces dernières sont faites de polyoxyméthylène, un matériau hydrophile qui permet un contact adéquat avec l’interface. Ces barrières définissent l’aire de l’interface où les molécules sont déposées. Quant à elle, la balance permet de mesurer une tension de surface (Υ), donc une pression de surface (Π). Une plaque de Wilhelmy est la sonde

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de papier. Il est possible de transférer les monocouches sur un substrat solide, dans ce cas le substrat est mis en place grâce à une pince de téflon située au bout d’une tige métallique et actionnée par un moteur.

Figure 12. Cuve de Langmuir et ses principales composantes

Déroulement d’une expérience LB

Les molécules et/ou nanoparticules à étudier par LB sont tout d’abord mises en solution ou en suspension très diluée, de l’ordre de 1 mg par mL. Le solvant utilisé est le chloroforme car il s’étale très bien sur l’eau et s’évapore rapidement. La solution est déposée sur l’eau goutte à goutte à l’aide d’une seringue. Suite à l’évaporation du solvant, les molécules sont très dispersées à l’interface et la pression de surface est idéalement nulle. Les barrières mobiles sont déplacées à l’aide d’un moteur qui permet une compression symétrique de l’interface air-eau à vitesse constante. La balance et la plaque de Wilhelmy permettent de connaître la pression de surface en fonction de l’aire totale d’interface comprise entre les deux barrières. Pour réaliser un transfert de monocouche sur un substrat hydrophile, il faut au préalable transpercer l’interface avec le substrat puis effectuer une montée verticale une fois que la monocouche est assemblée. La montée du substrat s’effectue à vitesse constante une fois que la pression de surface cible est atteinte (Figure 13). Lors du transfert, les barrières mobiles sont déplacées afin de conserver une pression de surface constante.

Figure 13. Schéma présentant la compression et le transfert d’une monocouche de PS-b-PMMA à l’interface air-eau. Les blocs noirs représentent les barrières mobiles et les flèches blanches leur mouvement. La flèche noire représente la montée du

Pression de surface, aire moléculaire et isotherme de surface

Au départ d’une expérience LB, la pression de surface est idéalement nulle, c’est-à-dire que les molécules déposées sont suffisamment éloignées les unes des autres pour ne pas subir de forces intermoléculaires, donc la tension de surface correspond à celle de l’eau pure. Lorsque les molécules sont confinées sur une surface plus petite ceci augmente la pression de surface et diminue la tension de surface. Plus simplement, la pression de surface (Π) est la différence entre les tensions de surface respectives de l’eau sans monocouche (Υ0) et avec une monocouche compressée (Υ).

Π = Υ0− Υ Éq. 1

La tension de surface est mesurée à l’aide d’une balance et d’une plaque de Wilhelmy qui est à demi immergée dans l’eau. Trois forces sont exercées sur la plaque : la gravité et la tension de surface vers le bas (Fnet) et flottabilité vers le haut. La flottabilité dépend de la densité et de la géométrie de la plaque, comme la

plaque est très mince son périmètre au contact de l’eau correspond à deux fois sa largeur (L). De plus, comme la plaque est faite de platine, un matériau très hydrophile, ceci permet d’estimer l’angle de contact de l’eau avec la plaque à 0°. Avec ces deux estimations on arrive à l’équation suivante :

Π = Υ0− Υ = −∆Υ = −ΔFnet

2L∙cos 0°= −ΔFnet

2L Éq. 2

En connaissant le nombre de molécules déposées et l’aire totale de l’interface, il est possible de calculer l’aire moyenne occupée par une molécule que l’on exprime en angströms carrés (Å2). Dans le cas du PS-b-PMMA,

nous estimons que seul le bloc PMMA se retrouve à la surface de l’eau, donc nous exprimons l’aire moléculaire moyenne par unités de répétition MMA36.

Un graphique présentant la pression de surface en fonction de l’aire moléculaire moyenne se nomme isotherme de surface. Dans le cas de petites molécules amphiphiles telles que les acides gras, il est possible grâce aux isothermes de surface de distinguer clairement des changements de phases à l’interface. Il est proposé que les molécules passent par les états gazeux, liquide expansé, liquide condensé et solide au fur et à mesure de la compression37. Cependant, les isothermes de macromolécules ne présentent pas ces

changements de phases bien définis. En effet, le PS-b-PMMA présente des isothermes de surface plutôt linéaires. De plus, sur l’échelle de temps d’une expérience (quelques heures) les films de PS-b-PMMA n’atteignent jamais vraiment l’équilibre, tel que discuté au chapitre 2. Donc, il est nécessaire d’être prudent lorsque vient le temps d’analyser des isothermes de surface de polymères.

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Taux de transfert

Le taux transfert sert à exprimer le rapport entre et la quantité de matière réellement transférée et la quantité de matière théoriquement transférée lors de la montée du substrat. De manière plus pratique, ce taux correspond au ratio entre la réduction de l’aire de la monocouche par les barrières mobiles durant le transfert et l’aire du substrat. Un transfert idéal correspond à un taux de 1, un taux inférieur à l’unité correspond à un transfert incomplet et inversement un taux supérieur à l’unité signifie qu’un excès de matière a été transféré. Plusieurs facteurs influencent réellement le taux de transfert comme la propreté ou la vitesse de montée du substrat lors du transfert. Par contre, d’autres facteurs influent sur le calcul du taux de transfert sans affecter la qualité du transfert à proprement parler, par exemple une monocouche de polymère qui n’a pas atteint l’équilibre et qui continue à se réorganiser lors de la durée du transfert.

L’écart-type sur le taux de transfert est plutôt grand pour tous les transferts réalisés lors du projet (1,0 ± 0,2). Malgré cela, les analyses AFM et TEM ont montré des films constants dans leur morphologie. Nous considérons que l’AFM et le TEM font foi de la reproductibilité des transferts malgré des taux variables.

Microscopie électronique en transmission (TEM)

La microscopie électronique est analogue à la microscopie optique, cependant l’échantillon est traversé par un faisceau d’électron et non par la lumière. En effet, la résolution d’un microscope classique est limitée par la longueur d’onde de la lumière alors que celle d’un appareil TEM est limitée par la longueur d’onde des électrons, donc une définition théorique plus petite que le nanomètre. Le principe se résume comme suit : un canon propulse les électrons dans le vide et des lentilles magnétiques permettent de corriger la trajectoire du faisceau qui traverse l’échantillon puis la lentille de l’objectif avant d’être captés (Figure 14). L’image est visualisée grâce à une plaque phosphorescente ou une caméra CCD.

La TEM est utile pour l’observation de matériaux composites car les différentes composantes du système n’ont pas tous la même densité électronique, ceci permet de bien les différencier entre eux. Par exemple, pour le système qui nous intéresse, il est possible de distinguer les domaines de PS de la monocouche de PMMA (Figure 43) grâce à leur épaisseur et la plus forte densité électronique du PS qui contient un cycle benzénique par unité de répétition. Il va sans dire que les particules métalliques sont fortement contrastées par rapport au polymère.

Les échantillons observés en TEM sont supportés sur une couche de carbone elle-même supportée sur une grille circulaire de 3 mm de diamètre en cuivre ou en nickel. La préparation des échantillons revêt un caractère important dans le projet. En effet, afin d’évaporer une couche de carbone sur la grille, il est nécessaire d’y déposer une couche de polymère (Formvar) au préalable. Or comme nous observons de très petites particules (2 nm), à la limite de résolution, il est important de dissoudre ce film de polymère. Pour ce faire, les grilles sont placées à plat, couche de carbone vers le haut, sur un papier filtre; le papier est ensuite imbibé de chloroforme. Ce traitement doux permet de dissoudre la couche de Formvar tout en conservant l’intégrité de la couche de carbone. Une fois la grille prête, elle est collée au substrat de verre grâce à une petite goutte de colle liquide tout-usage placée entre sa bordure et le verre. Lors du transfert LB, le film de PS-b-PMMA se dépose uniformément sur le carbone et le verre.

Microscopie à force atomique (AFM)

À l’opposé des microscopies optiques et électroniques, la microscopie à force atomique n’utilise pas de rayonnement pour sonder un échantillon : une pointe physique trace la topographie à l’échelle nano d’une surface. La pointe à proprement parler se situe au bout d’un levier et dans notre cas est faite de silicium. Afin de mesurer le mouvement de la pointe, un faisceau laser est réfléchi sur la face opposée du levier et est récolté au centre de quatre photodiodes disposées en cadrans. Une boucle de rétroaction électronique permet d’ajuster la hauteur du scanneur piézoélectrique en temps réel afin de conserver une force constante entre la pointe et l’échantillon (Figure 15). C’est finalement le mouvement du scanneur piézoélectrique qui permet de convertir la surface de l’échantillon en image topographique.

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Figure 15. Schéma d’un microscope à force atomique

Il existe plusieurs modes selon lesquels la pointe peut interagir avec la surface, le plus simple étant le mode de contact, c’est-à-dire que l’appareil trace une topographie avec la pointe directement en contact avec l’échantillon. Ceci occasionne plusieurs inconvénients : faible vitesse de balayage, pointes abimées prématurément et forces latérales trop grandes qui déforment les échantillons mous, ce qui occasionne l’observation d’artéfacts.

Il toutefois est possible de topographier la surface sans que la pointe ne soit en contact avec cette dernière. Pour ce faire, on fait osciller la pointe au dessus de la surface et les variations d’amplitude dues aux différentes forces de courte portée lorsque la pointe approche la surface permettent d’obtenir une information topographique. On parle alors d’AFM en mode de contact intermittent (IC-AFM), l’appellation tapping mode est aussi couramment utilisée. Toutes les expériences AFM effectuées au cours du projet ont été réalisées en mode de contact intermittent.

Une extension de l’IC-AFM est l’analyse du déplacement de la phase d’oscillation du levier. Il est proposé qu’un changement dans la phase d’oscillation est dû à un changement de viscoélasticité dans la région scannée38, 39. En parallèle à l’imagerie topographique représentant la hauteur des motifs de surface, il est donc

possible de faire de l’imagerie dite de phase où les différences de viscoélasticité sont tracées. Ceci est très utile pour la caractérisation de systèmes hétérogènes et, dans notre cas, permet de bien situer les NPs, très dures, par rapport au reste de l’échantillon.

La résolution verticale de l’AFM se situe au niveau de l’angström39, par contre la résolution latérale est définie

par la finesse des pointes utilisées. La presque totalité des expériences a été réalisée avec des pointes présentant un rayon de courbure de 10 nm. Par contre, des analyses ont aussi été effectuées avec des pointes dites de haute résolution, plus fines et plus fragiles. Selon le fabricant (Mikromasch) ces pointes ont un

rayon de courbure de 1 nm. Quoique très fines ces pointes ne sont toujours pas suffisantes pour définir les plus petites NPs (2 nm) étudiées ici. Les composites comportant de plus grosses particules ont toutefois pu être caractérisés par AFM.

En somme, l’AFM est une technique de caractérisation de surface performante. Par contre, la résolution latérale ne permet pas d’analyser les détails les plus fins du système, d’où la nécessité de recourir à la microscopie électronique. L’utilisation de ces deux techniques en tandem a l’avantage de permettre la détection et le rejet des artéfacts potentiellement observés dans l’une ou l’autre des techniques.

Microscopie à angle de Brewster (BAM)

L’angle de Brewster est l’angle pour lequel une lumière polarisée p incidente est en totalité transmise au contact d’une surface transparente. La microscopie à angle de Brewster exploite ce phénomène afin de caractériser en temps réel la formation de films à l’interface air-eau40, 41. Il s’agit en fait de l’extension d’une

expérience LB car le matériel optique est monté directement au-dessus d’une cuve de Langmuir. Plus précisément, un faisceau laser polarisé est dirigé sur l’eau à l’angle de Brewster et une caméra CCD est disposée de manière à capter le faisceau potentiellement réfléchi (Figure 16).

Figure 16. Schéma du fonctionnement d’un microscope à angle de Brewster pour des analyses à l’interface air-eau

En début d’expérience, lorsque la pression de surface est nulle, aucun signal n’est capté par la caméra et l’image est noire. Lorsqu’un film se forme à l’interface, deux scénario principaux peuvent survenir : la formation d’un film uniforme qui réfléchira de plus en plus le faisceau incident et augmentera le niveau de gris de l’image ou la formation de domaines finis qui réfléchiront fortement le faisceau par rapport à l’eau adjacente. Bien entendu, pour être observés, les domaines doivent être dans les limites de résolution de la microscopie optique. Ceci limite les informations disponibles pour un film comportant des détails nanoscopiques. Toutefois d’autres informations sur la formation du film à l’interface et sa morphologie à plus grande échelle peuvent être obtenues. Finalement, il est important de noter qu’un artéfact est souvent observé en BAM, il s’agit de franges d’interférence qui peuvent laisser l’impression que des lamelles sont observées alors que ce n’est pas le cas.

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Le montage utilisé pour les expériences BAM est composé d’une cuve de Langmuir fabriquée par la compagnie KSV NIMA (Espoo, Finlande) et d’un système optique BAM2 plus distribué par Nanofilm Technologie (Göttingen, Allemagne). Le logiciel d’analyse est fourni par la même compagnie. Le laser utilisé est un Nd-YAG doublé en fréquence donnant une longueur d’onde de 532 nm.

Chapitre 2. Polystyrène-bloc-polyméthacrylate de