F) LES AUTRES ORGANES
1.3. TECHNIQUES DE LA METABOLOMIQUE
Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 45 Tableau 1 : Définition des différentes techniques d’analyse du métabolome regroupées sous l’appelation générale métabolomique. 1.3. TECHNIQUES DE LA METABOLOMIQUE.
Comme cela a été dit en introduction de ce chapitre la métabolomique est comprise comme un ensemble regroupant (i) l’acquisition des données métaboliques et (ii) leurs traitements statistiques.
(i) Pour qu’une méthode analytique puisse contribuer efficacement à un projet de métabolomique, celle‐ci doit impérativement être caractérisée par un haut pouvoir de résolution permettant l’identification et l’analyse qualitative et/ou quantitative d’un grand nombre de constituants. Elle doit être rapide pour permettre l’analyse de nombreux échantillons nécessaires pour le traitement statistique. Ce sont des méthodes qualifiées de haut débit.
La RMN n'est pas la seule technique employée pour l'analyse en métabolomique. Ainsi, les technologies couramment utilisées pour l'analyse métabolomique incluent, principalement, en plus de la RMN, la chromatographie (gazeuse, GC ou liquide, LC) et la spectroscopie de masse (Masse spectroscopy – MS) souvent couplée à la chromatographie, et plus rarement la spectroscopie Raman.
Chapitre I. Introduction. Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 46 Figure 2: Caractéristiques principales des techniques analytiques les plus couramment utilisées en métabolomique (Dunn et al., 2005).
La MS est une technique analytique par laquelle les substances chimiques sont identifiées par classement en fonction du rapport masse/charge des ions placés dans les champs électriques et magnétiques. Les spectromètres de masse sont constitués de quatre parties fondamentales, un système de manipulation destiné à introduire l’échantillon dans le dispositif, une source d’ions, dans laquelle un faisceau de particules caractéristiques de l’échantillon est produit, un analyseur qui sépare les particules en fonction d’une masse et un détecteur, dans lequel les composants des ions séparés sont récupérés et caractérisés.
La MS est une technique destructive, nécessitant de surcroît une mise en forme de l’échantillon. Ainsi pour les techniques couplant GC et MS la couverture métabolique est liée à la volatilité des métabolites. Lors d’analyses par LC/MS et GC/MS, les échantillons sont issus d’extractions cellulaires ou de précipitations à l’aide de solvants spécifiques, dont la représentativité métabolique de l’échantillon d’origine est difficilement vérifiable. De plus, seuls les métabolites que l’on peut ioniser en retirant ou ajoutant un proton ou une autre espèce ionisée sont observables.
Néanmoins, les progrès récents, notament liés à l’emploi de la technique de type MALDI (Matrix Laser Desorption Ionistaion), ont permis d’optimiser la phase préparatoire des échantillons, en évitant l’emploi de procédures d’extractions des métabolites dans une phase liquide, même si l’étape d’ionisation reste encore et toujours indispensable. Enfin, les dernières évolution de cette technique ont permis d’accéder à une dimension spatiale lors de l’étude d’échantillons biologiques directement positionnés sur une matrice. Cependant ces approches nécessitent une préparation importante de l’échantillon tissulaire et sont pour le moment peu accessibles et très coûteuses
Finalement, l’un des points essentiels qui apparaît lorsque l’on parcourt la bibliographie faisant référence à la métabolomique est l’absence de plateformes d’analyses répondant à la définition même de cette science, c’est‐à‐dire permettant d’obtenir un profil métabolique complet et non biaisé du système étudié (Dunn et al., 2005; Hollywood et al., 2006; Oldiges et al., 2007; Teahan et al., 2006). Chacune de ces techniques présente des limitations significatives, que ce soit pour la quantification (MS, chromatographie), la reproductibilité (MS), la sensibilité (RMN) (Dunn et al., 2005; Lindon et al., 2004a). De cette observation découle aujourd’hui deux écoles distinctes quant à l’approche de la métabolomique : l’une visant à l’analyse exhaustive du métabolome, l’autre, plus ciblée, visant à analyser un reflet fidèle du métabolome global au traves d’une empreinte partielle de celui‐ci (Tableau 1). C’est dans cette optique que s’entend le choix de la technique analytique en métabolomique.
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Ainsi, J.C. Pérez, directeur du développement du marché de LC MS de la société Waters Corp, décrit la situation de la sorte: “avec la RMN nous pouvons voir des choses que nous ne pouvons pas voir par MS, et vis et versa”. Il rajoute que “plus le nombre d’informations extraites d’un système est important, meilleur en sera l’interprétation”. Ce dernier argument, compte tenu de la sensibilté inférieure de la RMN à celle de la MS d’un ordre de grandeur 4 plaide pour l’emploi de la MS. Ceci explique pourquoi, aujourd’hui, la MS, combinée ou non avec des systèmes de chromatographie gazeuse ou liquide (GC et LC/MS), est la technique la plus utilisée pour l’enregistrement des profils métaboliques. Dans un article de 2005, Villas‐Boas se propose de dresser un portrait complet de l’application de la spectroscopie de masse à l’étude du métabolome (Villas‐Boas et al., 2005). Néanmois la technique MS n’est pas exempte de défauts et la Figure 3 adaptée d’un article de revue de Robertson (Robertson, 2005) se propose de lister, pragmatiquement, les avantages et inconvénients de la RMN et de la MS. Figure 3 : Comparatif entre la RMN et MS lors d’une utilisation en métabolomique (Robertson, 2005). Il apparaît clairement que le principal désavantage de la RMN par rapport à la MS est son manque de sensibilité.
Le principal avantage de la RMN HRMAS par rapport à l’ensemble des techniques d’analyses de la métabolomique réside dans la simplicité de préparation de l’échantillon. Ainsi contrairement aux phases de préparations fastidieuses nécessaires en MS et en RMN des liquides
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pour l’étude du métabolome d’échantillons tissulaire, notament les protocoles d’extration chimique des métabolites, la RMN HRMAS permet l’analyse de l’échantillon en l’état, sans aucune modification. Ceci entraîne un gain en temps lié à l’emploi de la technique RMN HRMAS qui n’est pas négligeable comparé aux autres techniques (quelques minutes comparés à plus de 2 heures pour l’extraction PCA par exemple).
De plus, la technique présente l’avantage considérable de pouvoir transposer facilement les résultats obtenus d’une espèce (animale ou végétale) à l’autre et finalement à l’homme. Par ailleurs, la RMN HRMAS reposant sur les mêmes principes physiques que la SRM in vivo les résultats obtenus par ces deux techniques sont directement comparables et permettent ainsi de mieux comprendre les observations faites en SRM in vivo (Barton et al., 1999; Swanson et al., 2003 ; Tugnoli et al., 2006b).
L’analyse simultanée de métabolites de nature physico chimique différents par opposition avec la technique MS, couplé à l’accès direct à des données structurales en cas de mise en évidence de pics « anormaux » est encore un avantage primordiale de la RMN, et donc de la RMN HRMAS, principalement lors d’études prospectives où les métabolites d’intérêts ne sont pas connus a priori.
Bien que la sensibilité de la technique RMN HRMAS soit largement plus faible que pour la MS, le développement de sondes plus sensibles dans les prochaines années (sondes cryogéniques) (Griffin et al., 2003a; Keun et al., 2002a), l’augmentation du champ magnétique principal (les spectromètres 500, 600MHz voir 700MHz sont maintenant courants), la diminution des volumes nécessaires (10μL en RMN liquide, 12 μL en HRMAS) et potentiellement l’utilisation de techniques d’acquisitions parallèles dérivant de ce qui se pratique couramment en IRM de nos jours, pourraient réduire cet écart dans le futur (Grivet et al., 2003). Ainsi article de revue datant de 1999 (Lacey et al., 1999) rapporte un seuil de détection, en RMN 1H, sur un spectromètre RMN 600Mhz sans accumulation, à 0.54nmol. De plus, le problème posé par a faible résolution spectrale, notament en spectroscopie du proton, entraînant un fort chevauchement des pics dans certaines régions du spectre (principalement entre 3 et 4ppm) trouve une réponse dans l’emploi de champs magnétiques de plus en plus intenses (700 à 800MHz et même supérieur dans certains cas) ainsi qu’avec l’utilisation de séquences RMN spécifique comme la J‐RES ou l’emploi de techniques multidimensionnelles (homo ou hétéronucléaire).
La reproductibilité intra‐laboratoire, mais aussi et surtout inter‐laboratoire, (Keun et al., 2002b) est aussi un autre avantage prépondérant pour l’utilisation de la métabolomique (qui plus est dans une optique clinique).
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Enfin le caractère non destructif de la RMN HRMAS permet d’envisager l’étude de systèmes biologiques en évolution ce qui pourrait s’avérer d’un grand intérêt dans l’étude, par exemple, de la réponse du tissu à un traitement thérapeutique. De plus, la conservation de l’intégrité du tissu permet aussi la réalisation d’examens complémentaires (en anatomie pathologique, biologie moléculaire, MS, ou tout autre examen envisageable sur ce type d’échantillons). Ainsi le rapprochement des analyses métaboliques effectuées en RMN HRMAS avec les données in vivo fournis par les marqueurs métaboliques utilisés aujourd’hui en clinique (FDG, carbone 11, choline marqué au fluor 18), ou les analyses complémentaires réalisées sur la même pièce biologique pourrait s’avérer intéressant dans l’optique du développement de nouveaux marqueurs métaboliques de diagnostic, de pronostic ou encore de réponse au traitement.
Néanmoins, il convient de noter qu'une technologie unique, aujourd'hui, ne peut efficacement mesurer, identifier et quantifier, avec une sensibilité et une précision suffisante, la gamme des métabolites d’un système biologique. C’est pourquoi il apparaît plus judicieux de sélectionner une technologie particulière en fonction de la problématique et du système que l’on souhaite étudier. Un choix est nécessaire quant à la stratégie à mener (étude ciblée, étude de flux, analyse de profil métabolique). L’apparition de nouvelles technologies, ou l’amélioration des technologies déjà employées, permettent et permettront d’améliorer grandement le spectre observable par l’emploi d’une technique unique. Ainsi, aujourd’hui, l’observation globale du métabolome, si celle‐ci est hypothétiquement possible, impliquerait un ensemble intégré de technologies pour dresser l'éventail exhaustif des métabolites d’un système. Cette solution serait consommatrice de temps et de moyens et donc pourrait s’avérer inapplicable dans un grand nombre de cas (système biologique en évolution par exemple).
(ii) La chimiométrie (Wold, 1991) est un outil principalement mathématique, reposant sur les statistiques et les probabilités, utilisé afin d’extraire de l’information pertinente et utile à partir de données physicochimiques mesurées ou connues brutes. Elle est basé sur la construction, puis l’exploitation d’un modèle de comportement à l’aide d’outils statistiques. Elle peut traiter des systèmes complexes et donc généralement multi‐variables (Holmes and Antti, 2002). Le terme « chimiométrie » vient de l’anglais « chemometrics », jeune discipline associant initialement analyse de données et chimie analytique (Deming, 1986). Aujourd’hui, elle recouvre l’ensemble des applications de la chimie, de la physique, des sciences de la vie, de l’économie, de la sociologie, des méthodes statistiques et de l’informatique. Aussi, on lui préfère souvent le terme moins restrictif (par rapport à la chimie) « d’analyse multi‐variable » (« multivariate
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analysis »), voire de reconnaissance de formes au sens large (« pattern recognition ») (Brindle et al., 2003; Eriksson et al., 2004). La chimiométrie en instrumentation consiste à modéliser les variations d’un certain nombre de variables dont l’obtention est délicate (dans le cas présent ces variables peuvent être le diagnostic clinique ou encore le pronostic d’évolution pathologique par exemple) en fonction d’autres variables mesurables « facilement » afin de pouvoir se passer ultérieurement de l’obtention des premières. Les méthodes les plus utilisées pour l’analyse de données issues des analyses spectroscopiques et des profils métaboliques sont l’ACP (Carey et al., 1975) et l’analyse par régression au moindre carré partielle (PLS) (Stahle and Wold, 1986) que nous détaillerons au chapitre II.
Chapitre I. Introduction. Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 51 1.4. OBJECTIFS DE LA THESE. Le terme de cancer regroupe un ensemble de maladies englobant plus de 100 types de cancers distincts, mais tous ont en commun la croissance anormale des cellules qui envahissent et détruisent les tissus normaux au lieu de les construire ou de les réparer. Aujourd’hui encore l’examen histologique reste indispensable aussi bien sur le plan du diagnostic que sur l’évaluation pronostique des tumeurs. Cette analyse donne deux informations qui sont la classification histologique (reposant sur le concept que le développement tumoral se fait à partir de cellules embryonnaires arrêtées à différents stades de leur développement) et la grading ou gradation (reposant sur la théorie de l’anaplasie). Chaque type tumoral a donc bénéficié de ce système de graduation qui s’échelonne du grade I au grade IV en fonction de la malignité tumorale.
Cependant, pour certains cancers il existe, soit une dissociation entre le diagnostic histopathologique de la tumeur et le devenir du patient, soit une discordance à la réponse thérapeutique pour un sous‐type de tumeur. Ainsi des tumeurs ayant des critères histologiques communs peuvent présenter des évolutions pathologiques variées ou des diverses réponses aux traitements. Il semble donc qu’aucun marqueur prédictif ou diagnostique sur la pièce d’exérèse ne soit, à l’heure actuelle, déterminant dans l’évaluation pronostique.
L’existence de ce type de marqueur(s), au niveau du métabolome, se base sur l’hypothèse que l’activité métabolique dans les tissus malins est différente de celle de tissus sains et que celle‐ci évolue conjointement à la pathologie.
Ainsi, le processus oncologique résulte d’une anomalie de réplication d’une cellule, non controlée, entraînant la création de néoplasme. Néanmoins il est souvent difficile d’appréhender l’ensemble des perturabtions biologiques qui en résultent. Cette complexité s’explique par le fait que, d’une part l’anomalie (ou les anomalies) génétique se situe en amont d’une cascade d’événements cellulaires qui comprend de nombreux intermédiaires (transcriptome, protéome, métabolome) mais aussi, d’autre part, parce que plusieurs voies de régulations cellulaires sont souvent perturbées simultanément.
L’étude du métabolome présente l’intérêt majeur de donner accès à la résultante finale de ces cascades d’événements. En partant de l’observation d’un « pool » métabolique correspondant à l’ensemble de métabolites observables par la technique analytique choisie (RMN HRMAS) et, en déterminant les modifications métaboliques systématiques inhérentes au processus pathologique, nous pouvons émettre l’hypothèse que nous mettrons en evidence les perturbations de certaines voies métaboliques. Comprenant le système biologique dans son