F) LES AUTRES ORGANES
2.1. LES ECHANTILLONS BIOLOGIQUES:
2.1.5. STABILITE METABOLIQUE DU TISSU LORS DE L’ANALYSE RMN
Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 59 Figure 5 Préparation des rotors HRMAS pour l’analyse de tissus biologiques.
Chaque enregistrement RMN HRMAS est calibré en fréquence et en intensité à l’aide d’une référence externe. Pour ce faire, 5 microlitres d’une solution de TMSP (référence à ‐ 0.015ppm) à 2mMol/l sont préalablement introduits dans chaque rotor. La masse du TMSP introduit dans le rotor est de l’ordre de 5.5mg. La phase de préparation du tissu biologique doit être la plus courte possible afin de limiter la dégradation de celui‐ci. Le tissu est introduit dans un eppendorf contenant du D2O afin d’éliminer un surplus éventuel d’hémoglobine et/ou une trace de contaminant. Cette phase ne doit pas dépasser quelques secondes pour ne pas réchauffer le tissu de manière trop importante et ainsi le dégrader métaboliquement. L’échantillon est par la suite introduit dans le rotor et celui‐ci est pesé. La masse typique d’un échantillon est de 20mg. Une fois le tissu introduit dans le rotor et celui‐ci pesé, un complément à 50mg est effectué à l’aide de D2O. Pour ce faire, l’approximation 1mg = 1μl est utilisée. Pour finir le rotor est fermé avec l’insert, la vis d’étanchéité et le capuchon à ailettes du rotor et celui‐ ci peut être stocké à ‐80°C en attendant son utilisation en spectrométrie RMN HRMAS.
Cette phase de préparation des rotors HRMAS est une étape cruciale lors d’une étude de métabolomique. Le risque de pollution ou de dégradation de l’échantillon est maximal. Il est impératif de travailler rapidement, en n’utilisant aucun élément contaminant (alcool pour la stérilisation des instruments par exemple) et à basse température. Idéalement cette phase de préparation pourrait se faire directement au bloc opératoire afin de limiter au maximum les risques d'erreurs méthodologiques.
2.1.5. STABILITE METABOLIQUE DU TISSU LORS DE L’ANALYSE RMN
La vérification de la stabilité du métabolome au cours du temps est nécessaire compte tenu des contraintes extérieures liées à l’acquisition HRMAS. Ces contraintes sont
Chapitre II. Matériels et Méthodes. Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 60 essentiellement de trois types : Tout d’abord mécaniques compte tenu de la rotation appliquée à l’échantillon. En effet, bien que le rotor soit de dimension réduite (diamètre de 4mm), la rotation à environ 3000Hz implique une vitesse linéaire supérieure à 100 km/h et une force centrifuge appliquée au tissu de plusieurs milliers de fois la force de pesanteur. Néanmoins, des études réalisées préalablement par diverses équipes ont démontré que la structure morphologique même du tissu n’était pas fortement altérée permettant l’analyse anatomo‐pathologique d’échantillons ayant subi un enregistrement RMN HRMAS (Cheng et al., 2000a).
La seconde contrainte est une contrainte thermique. La rotation provoque une élévation de la température interne de l’échantillon qui peut conduire à une reprise de l’activité métabolique. Cet effet est limité par la réduction de la température grâce à l’emploi d’un souffle d’air refroidi ou d’azote dont la température est contrôlée et ajustée automatiquement tout au long de l’expérience. Cette température a été fixée à 273 Kelvin après une étape d’ajustement expérimental. Une température inférieure nous a amené à observer des changements de phases au cœur de l’échantillon dégradant grandement la qualité des spectres. Néanmoins il est important de noter que la température de l’échantillon n’est pas équivalente à la température du flux d’air mais qu’il faut tenir compte de l’élévation de la température liée à la rotation. Celle‐ ci peut être estimée à environ 1°C par kHz (Andrew and Russell, 2001) lorsque la vitesse de rotation reste relativement faible ce qui est le cas ici.
Enfin la troisième contrainte est une contrainte temporelle. Celle‐ci est fortement liée à la contrainte thermique précédente, le métabolisme étant lui aussi lié à la température de l’échantillon. Il apparaît néanmoins qu’indépendamment de la température il est nécessaire de limiter au maximum le temps d’acquisition pour limiter l’évolution biochimique de l’échantillon.
Les résultats présentés ci‐après sont issus de l’acquisition de spectres RMN successifs sur un échantillon de tumeur cérébrale. Cette expérience a été répétée sur trois échantillons sur des durées de 12h pour deux d’entre eux et 16h pour le cas exposé ci‐après. La séquence employée est une séquence CPMG avec une simple présaturation. Chaque spectre est acquis sur une période de 15 minutes correspondant à 64 accumulations du signal. La correction de ligne de base ainsi que l’ajustement de la phase ont été réalisés automatiquement sur le premier spectre et les paramètres d’ajustements reconduits pour le traitement de l’ensemble des données. Les spectres ont été contrôlés individuellement et n’ont pas nécessité de nouvelles corrections dans le prétraitement (Figure 6.a).
Les données ont par la suite fait l’objet d’un traitement statistique de type analyse en composantes principales (ACP, cf chapitre II, Statistiques) afin de mettre en évidence de manière
Chapitre II. Matériels et Méthodes.
Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 61
automatique les fréquences de résonances liées au maximum de variations. Un ensemble de variables liées à un nombre limité de métabolites a ainsi pu être identifié (Figure 6.b) regroupant principalement le N‐acétyl‐aspartate, le lactate, la créatine, les composés liés à la choline et à un degré moindre le myo‐Inositol.
L’évolution temporelle de ces métabolites a finalement été relevée en tenant compte de l’intégrale des pics les plus significatifs observés lors de l’ACP. Ces métabolites associés sont repérés sur les spectres de la figure 15.a. La valeur de référence pour déterminer les intervalles de confiance liée à l’incertitude de la mesure a été déterminée à l’aide de l’intégrale relevée sur la référence externe introduite dans le rotor, à savoir le TMSP. Les résultats montrent clairement une évolution “significative” au cours du temps de la concentration pour certains métabolites. La direction préférentielle déterminée par l’ACP dans sa composante 1 met en avant un ensemble de trois métabolites, respectivement et par ordre d’importance décroissante, le lactate, la créatine, et le myo‐Inositol. L’évolution temporelle de la concentration de ces trois métabolites est donnée dans la colonne de gauche de la Figure 6.c. Il apparaît clairement que les variations relevées sont principalement des variations liées aux incertitudes de la mesure compte tenu de l’absence d’évolution “systématique”. Seule la créatine semble montrer une légère évolution croissante de la concentration mais son amplitude reste relativement faible comparativement à l’évolution relevée sur la référence TMSP. De manière plus intéressante, la composante 2 de l’ACP met en avant un ensemble de deux métabolites dont l’évolution est opposée. Cette observation est corroborée par l’évolution temporelle de la concentration relative en N‐acétyl‐aspartate et en phosphocholine. En effet la concentration en phosphocholine montre une évolution croissante, amplifiée après 400 minutes environ, alors que l’évolution de la concentration en N‐acétyl‐aspartate est elle clairement décroissante.
Ces résultats démontrent nettement que dans le cadre d’une étude métabolomique la durée d’acquisition est un paramètre essentiel à prendre en compte et que celle ci, pour pouvoir être considérée comme négligeable, implique des acquisitions RMN réalisées à basse température et dans un laps de temps réduit. Il apparaît, compte tenu de ces résultats, peu réaliste de faire une étude de type métabolomique sur des enregistrements nécessitant des temps d’acquisition importants tels que des enregistrements 2D hétéronucléaires, voire même homonucléaires.
Chapitre II. Matériels et Méthodes. Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 62 Figure 6: Etude de dégradation métabolique liée à l’acquisition HRMAS. a) cinétique de dégradation sur un intervalle de 16h d’acquisition réalisée sur une biopsie de tumeur cérébrale. b) Analyse ACP sur les données issues de a). L’analyse en composante principale permet de dégager un nombre limité de métabolites responsable de la variabilité de l’ensemble des données acquises. c) Evolution de la concentration relative de métabolites d’intérêt détectés par l’ACP.
Chapitre II. Matériels et Méthodes. Applications de la RMN HRMAS en cancérologie 63 2.2. ACQUISITION DES PROFILS METABOLIQUE PAR RMN HRMAS 2.2.1. INTRODUCTION ET PRINCIPES DE LA RMN HRMAS La limitation due à la faible sensibilité et à la faible résolution pour la spectroscopie RMN in vivo ou in vitro peut être en partie écartée par l’utilisation d’expériences ex‐vivo sur des spectromètres hauts champs avec des sondes plus sensibles en détection, comparativement aux instruments classiques. Cependant, même à hauts champs la sensibilité et la résolution spectrale sont souvent limitées par les multiples mécanismes d’élargissement des raies inhérents à ces systèmes dits « mous ». Les principaux mécanismes à l’origine de ces élargissements sont le couplage dipolaire et les différences de susceptibilité magnétique hétérogène existant dans les échantillons biologiques comme les tissus et les cellules.
Une technique RMN, à l’origine développée pour la RMN du solide par E.R. Andrew (Andrew and Newing, 1958), a la capacité de moyenner les différents mécanismes d’élargissements des raies et a été utilisée afin d’acquérir avec succès des spectres de haute résolution sur des échantillons de tissus et de cellules (Cheng et al., 1996). Cette technique est la RMN HRMAS. Dans les paragraphes suivants nous allons :
1. présenter les principes de base de cette technique,
2. faire ressortir les mécanismes d’élargissement des raies pour les échantillons de tissus et de cellules 3. et discuter du « moyennement » de ces interactions par la rotation à l’angle magique. La discussion théorique se concentrera sur la rotation de l’échantillon à l’angle magique et son efficacité pour moyenner les interactions qui élargissent le signal et plus particulièrement sur le couplage dipolaire et les différences de susceptibilité magnétique.
2.2.2. THEORIE DE LA SPECTROSCOPIE RMN HAUTE RESOLUTION EN ROTATION A L’ANGLE MAGIQUE
L’élargissement des raies dans de tels échantillons provient essentiellement de l’interaction dipolaire proton‐proton, de l’interaction d’anisotropie de déplacement chimique et de la différence de susceptibilité magnétique du milieu. Pour obtenir des spectres analysables, il est nécessaire de réintroduire suffisamment de mobilité au sein de l’échantillon. Pour résoudre