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II. PRATIQUE DE L’ELEVAGE EXTENSIF

III.1. Technicité et savoir-faire

Les élevages extensifs dont les résultats de production sont les plus satisfaisants sont ceux dont les éleveurs ont à la fois de bonnes connaissances techniques sur les animaux et les végétaux et une longue expérience en matière d’élevage extensif et surtout d’élevage plein air.

III.1.1. Planification de l’alimentation

Comme on l’a vu précédemment, la gestion de l’alimentation consiste à faire coïncider au mieux la demande d’un troupeau avec l’offre en herbe pâturée ou issue des stocks. Le but étant de limiter au maximum les déficits énergétiques des animaux et/ou l’utilisation d’intrants (en cas d’insuffisance des stocks). Ceci nécessite une planification rigoureuse de l’utilisation des surfaces.

La première étape est de savoir quel est le rendement potentiel des surfaces disponibles en fonction des traitements qui y sont réalisées (fertilisation, déprimage) et de leur mode d’utilisation (fauchage, pâturage continu, pâturage tournant,…). Les éleveurs se basent généralement sur les rendements obtenus après fauchage bien qu’ils sachent, par exemple, que la disponibilité sera un peu plus importante pour des animaux en pâturage tournant (plutôt qu’en pâturage continu) sur des parcelles de ces surfaces, mais ils n’en tiennent généralement pas compte pour ne pas risquer de surestimer les quantités d’aliment disponibles. Il est plus intéressant et plus facile, notamment pour réaliser la planification de l’alimentation, de diviser l’année en deux trimestres, en considérant le rendement de printemps-été et celui d’automne- hiver.

Ensuite les éleveurs calculent ou connaissent d’expérience les besoins des animaux et donc du troupeau. Ils peuvent ainsi rapidement se rendre compte si la disponibilité en herbe sera suffisante pour assurer les besoins du troupeau tout au long de l’année ou si il est nécessaire de vendre des animaux ou d’acheter de l’aliment. La planification de l’alimentation implique d’estimer le besoin quotidien des animaux. Les éleveurs expriment généralement directement ce besoin en matière sèche, sans tenir compte de différents besoins des animaux et de la qualité de l’aliment disponible. Selon la catégorie et le stade physiologique, le besoin sera différent. Il est donc plus facile et plus stratégique de diviser le troupeau en lots selon leur

âge. En fonction de la main d’œuvre disponible et de la stratégie de l’éleveur, il pourra décider de diviser ces lots en sous-unités.

L’objectif de ces étapes préalables est d’attribuer les surfaces aux animaux. Les surfaces qui sont mises au repos sont tout d’abord écartées. Ensuite les éleveurs font le choix, pour chaque semestre, entre les surfaces qui seront pâturées et celles qui seront fauchées. Ce choix dépend de la stratégie de l’éleveur qui peut décider de favoriser la qualité du pâturage de printemps aux dépens des stocks d’hiver ou au contraire de favoriser les stocks dans le but d’homogénéiser les ressources sur l’année. La première stratégie est de plus en plus pratiquée car les besoins sont beaucoup plus importants à cette période (lactation, reprise de l’activité ovarienne) et leur couverture détermine les performances de production de l’année (IVV et taux de gestation). Ensuite, les surfaces sont attribuées aux lots en essayant de faire coïncider les meilleures parcelles avec les lots dont les besoins sont les plus importants (génisses). La stratégie de l’éleveur intervient encore une fois puisqu’il peut choisir d’assurer une alimentation moyenne à toutes les catégories ou d’assurer une très bonne alimentation aux jeunes animaux et une plus médiocre aux plus âgés.

Lorsque l’éleveur choisit de pratiquer un pâturage continu, la planification consiste simplement à attribuer successivement chaque surface à chaque lot. Lorsque l’éleveur choisit de morceler les surfaces en parcelles, la taille de celles-ci et le temps de séjour des animaux sur chacune doivent être précisés.

En hiver, les quantités d’aliments distribués en sus des quantités pâturées doivent aussi être planifiées.

Toutes ces informations peuvent être indiquées sur un calendrier de l‘alimentation.

Cette planification reste néanmoins très théorique et nécessite généralement des ajustements tout au long de l’année, rendus possible par les qualités et le savoir-faire de l’éleveur.

III.1.2. Ajustement et optimisation de l’alimentation

Comme on l’a vu précédemment, la production en élevage extensif est soumise à de nombreux facteurs que l’éleveur ne peut pas contrôler, en particulier les facteurs environnementaux. Selon les aléas climatiques, les prévisions de rendement des surfaces et

donc d’alimentation des animaux peuvent ainsi être assez éloignées de la réalité et la production compromise si l’éleveur ne réajuste pas ses planifications.

Ces réajustements peuvent être variés en fonction des aléas subis, de la marge de manœuvre de l’élevage et de la stratégie de l’éleveur.

Par exemple, si les précipitations au début du printemps sont très faibles, la rendement fourrager des surfaces risque d’être diminué. L’éleveur peut alors choisir de diminuer les surfaces fauchées et donc les stocks d’hiver afin d’assurer le pâturage de printemps et d’été à son troupeau. Il peut aussi choisir de maintenir les proportions de surfaces fauchées et de surfaces pâturées, quitte à distribuer une partie du stock au cours de l’été. Ces deux stratégies s’appuient sur le fait que des déficits d’apports en hiver sont moins préjudiciables pour la production que des déficits durant la belle saison (surtout pendant la période de reproduction) et que ces déficits pourront être compensés à la saison suivante, d’autant plus que les animaux sont rustiques et qu’ils vivent à l’extérieur. Pour ne pas avoir à acheter d’aliment, l’éleveur doit néanmoins savoir jusqu’à quel point il peut diminuer son stock et restreindre ses animaux au cours de l’hiver sans que cela n’ait de conséquences sur l’année suivante. Cela tient généralement plus à l’expérience qu’à des calculs précis.

Les réajustements peuvent aussi porter sur les chargements des surfaces sans modification de la proportion de surfaces fauchées et de surfaces pâturées. L’éleveur peut, par exemple, choisir de diminuer le chargement des surfaces pâturées par les animaux dont les déficits énergétiques ont plus de répercussions sur les performances de l’élevage (génisses) et d’augmenter celui des animaux plus âgés qui peuvent supporter plus de variations alimentaires. Ceci implique aussi de modifier les effectifs des lots. C’est encore une fois l’expérience de l’éleveur et la connaissance de ses animaux qui lui permettent de savoir jusqu’à quel point il peut exploiter leurs capacités d’adaptation.

L’éleveur peut aussi choisir de sacrifier certains lots au profit d’autres ou encore de modifier la nombre de parcelles de rotation au sein d’une surface.

De manière générale, plus l’élevage dispose de surfaces différentes (en qualité) et de parcelles, et de catégories et lots d’animaux, plus les possibilités de réajustements sont vastes mais aussi complexes.

En fonction de leur expérience personnelle, les éleveurs se laissent plus ou moins de marge de manœuvre pour ces réajustements lorsqu’ils réalisent la planification de l’alimentation. Certains préféreront exploiter au maximum leurs surfaces quitte à être mis en difficulté en cas

d’aléas climatiques importants et d’autres préféreront rester légèrement en deçà des capacités de l’élevage pour pouvoir plus facilement faire face à des situations critiques.

Tous ces réajustements reposent très largement sur la notion de seuils (de chargement, d’effectif d’un lot, de taille d’une parcelle, de quantité de stock,…) au delà desquels des réajustements visant à optimiser l’alimentation et donc la production s’avèrent finalement néfastes. Ces seuils ne sont bien sûr pas fixes et varient chaque année principalement en fonction des conditions climatiques. C’est souvent à leurs dépens que les éleveurs ont appris à évaluer ces seuils. Malheureusement pour les jeunes dénués d’expérience ou pour ceux qui s’intéressent à ces pratiques, ils « savent sans pouvoir expliquer ». Et, comme on va le voir par la suite, malgré les connaissances acquises dans le domaine de l’alimentation, de nombreuses notions restent nébuleuses, notamment en ce qui concerne l’impact de l’environnement ou les capacités de compensation des animaux en élevage extensif.