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Taille d’effet évaluée par les revues quantitatives

Partie 1 : L’effet du bien-être sur la santé

3. L’effet du bien-être sur la santé

3.2. Taille d’effet évaluée par les revues quantitatives

Les revues quantitatives permettent de chiffrer la taille de l’effet entre bien-être et santé. Dans une perspective clinique, une taille d’effet entre 0,56 et 1,2 montre un effet fort, entre 0,33 et 0,55 un effet moyen, et entre 0 et 0,32 un effet faible.29

3.2.1. L’intérêt des méta-analyses

Pour un sujet donné, les méta-analyses identifient de façon systématique les publications ainsi que leur méthode objective puis synthétisent les résultats. Ces revues quantitatives sont souvent méthodologiquement plus robustes que les revues de la littérature simples.

3.2.2. Résultats

Cinq méta-analyses dont l’objectif est de synthétiser les données sur le lien entre bonheur et santé ont été publiées de 2005 à 2016. Trois sont générales et deux sont plus spécifiques, l’une d'entre elles étudiant l’effet du bien-être sur des participants malades uniquement, et l’autre sur des participants âgés uniquement. La présentation de ces travaux de recherche permet d’offrir une première approche de la littérature sur le sujet et de donner quelques chiffres sur la taille de l’effet entre bien-être et santé.

a) Méta-analyses générales

Chronologiquement, la première méta-analyse pertinente sur le sujet est publiée dans la revue Psychological Bulletin en 2005.30 L’objectif des auteurs est de montrer que les individus heureux connaissent le succès et l’accomplissement dans de nombreux domaines de la vie, dont la santé, et que cette relation est causale. Le bonheur des participants est défini par la fréquence de leurs affects positifs. Un modèle est établi dans l’objectif de valider cette

hypothèse de causalité. Différents types de preuves sont revues, à travers des études transversales, longitudinales et expérimentales. La revue des études transversales permet de confirmer une corrélation positive entre individus heureux et individus en bonne santé. Sur dix-neuf études ayant inclus 17 693 participants, une taille d’effet moyenne de 0,32 est trouvée. La méta-analyse des études longitudinales, avec vingt-six études ayant inclus 37 421 participants, conclut sur une taille d’effet moyenne de 0,18. Pour les auteurs, même si ce chiffre est moins important que celui sur les corrélations, les résultats sont tout de même impressionnants en termes de robustesse et de consistance. Les études montrent que le bonheur précède des résultats importants comme une meilleure santé mentale et physique ainsi qu’une plus longue espérance de vie. Enfin, quatorze études expérimentales ont été revues, ayant inclus 749 participants. Une taille d’effet de 0,38 a été obtenue entre les affects positifs induits expérimentalement et des résultats physiologiques, dont la réactivité du système immunitaire et la réactivité cardiaque. D’après le modèle conceptuel utilisé, l’hypothèse selon laquelle le bonheur influence la santé de façon causale est validée.

Cette méta-analyse ne se consacre pas spécifiquement à la santé, mais c’est la première revue à chiffrer une taille d’effet sur le sujet. La limite principale de ces résultats est que des études évaluant les critères de santé d’après des auto-déclarations ont été incluses. C’est une source de biais car un individu heureux sera plus susceptible de porter une évaluation positive sur tout, incluant sur sa santé.

Deux ans plus tard, une seconde méta-analyse sur le sujet permet de préciser ces premiers résultats.31 Cent-cinquante études sont incluses, et les auteurs ont choisi cette fois d’exclure les études qui comportent uniquement des mesures de santé par auto-déclaration. Les études transversales ne sont pas incluses non plus, dans la mesure où elles n’apportent pas d’informations sur la causalité. La taille d’effet globale moyenne obtenue est de 0,14. Les analyses de sous-groupes permettent d’identifier des différences entre les critères de santé.

La tolérance à la douleur et l’amélioration de la fonction immunitaire sont les critères les plus impactés par le bien-être, avec des tailles d’effet respectivement de 0,320 et 0,332.

La troisième revue quantitative générale est publiée en 2008, et les auteurs étudient l’effet du bien-être sur la mortalité uniquement.10 L’étude a été divisée en deux méta-analyses, l’une sur patients en bonne santé, incluant vingt-et-une études et l’autre sur patients malades, incluant dix-neuf études. De nouvelles données sont apportées.

Tout d’abord, si la population en bonne santé bénéficie des effets favorables du bien-être sur la durée de vie, avec un HR (hazard ratio) combiné de 0,82, cet effet semble beaucoup moins marqué dans la population malade, pour laquelle le HR combiné diffère peu de 1. Cette tendance se confirme avec d’autres chiffres, puisque 51,4% des études sur population en bonne santé ont démontré un effet protecteur significatif du bien-être sur la mortalité, alors que cette proportion est de 31,4% pour les études sur population malade.

Par ailleurs, dans la population en bonne santé, le bien-être est associé de manière significative à une réduction de la mortalité de toute cause de 19%. Cette réduction est encore plus marquée pour la mortalité cardiovasculaire, pour laquelle elle est de 29%. En revanche, les résultats ne montrent pas de réduction de la mortalité pour les patients présentant initialement une pathologie cardiovasculaire.

Pour explorer l’influence de l’âge, une analyse a été réalisée sur un sous-groupe d’études incluant uniquement des participants en bonne santé de plus de 60 ans. Un plus fort effet protecteur du bien-être psychologique positif a été démontré dans ces études, avec un HR de 0,74 comparé au HR de l’effet global qui était de 0,82. La susceptibilité des patients âgés à être plus impactés par les effets bénéfiques du bien-être a été plus largement explorée dans la méta-analyse de Zhang, présentée plus loin dans cette partie.

Enfin, cette revue a également conduit une analyse pour identifier si les affects positifs de court terme et les dispositions positives de plus long terme influencent de manière différente la mortalité. L’hypothèse est écartée car pour chacun des sous-groupes réalisés, l’association à une mortalité réduite est montrée.

Au fur et à mesure des publications, les analyses se précisent, et soulèvent de nouvelles questions. Après ces méta-analyses générales, des méta-analyses plus ciblées ont été publiées et elles sont présentées dans la suite de cette partie.

b) Le cas des populations malades

En quelques années, les résultats des études ont clairement montré des effets positifs du bien-être sur la santé physique, pour des populations initialement en bonne santé. Les résultats sont cependant mixtes dans les études sur populations malades. Par exemple, dans une revue qualitative publiée en 2008, une analyse synthétique de trente études est réalisée sur le bonheur et la longévité. Les résultats montrent que le bonheur est un facteur prédictif de longévité chez les personnes en bonne santé, mais pas chez les personnes malades.32 De même, une autre revue qualitative publiée en 2005 et incluant environ soixante-dix études

suggère que les affects positifs sont associés à la santé physique et la longévité dans la population en bonne santé, mais les preuves sont mixtes en ce qui concerne la prédiction de la survie chez les patients malades initialement.33

Plusieurs études ayant été publiées après la publication des précédentes revues, une nouvelle méta-analyse sur populations malades est réalisée en 2012 afin de clarifier cette problématique.34 Le pronostic est étudié de manière très large, avec des critères d’étude comme la survie, la progression de la maladie, le rétablissement et le statut fonctionnel. Leur recherche a permis l’identification de dix-sept études éligibles à l’inclusion, dont neuf nouvelles études non prises en compte dans les revues précédentes. La combinaison méta-analytique de ces études montre que le bien-être émotionnel positif est favorablement lié au pronostic de la maladie physique avec un ratio de 1,14, ce qui indique un effet faible mais significatif du bien-être émotionnel sur l’évolution de la maladie physique. Certaines maladies étant hautement prévalentes, de faibles effets du bien-être émotionnel sur le pronostic de la maladie physique peuvent avoir un large impact dans la population. Les auteurs évoquent l’idée que des interventions pour améliorer le bien-être chez les malades pourraient améliorer leur rétablissement et leur survie.

c) Le cas des personnes âgées

En 2016, une méta-analyse de vingt-deux études étudie l’impact de l’affect positif sur le risque de mortalité chez les personnes de plus de 55 ans.35 L’hypothèse selon laquelle les personnes âgées bénéficieraient plus amplement de l’effet protecteur du bien-être sur la santé a déjà été évoquée dans certaines revues précédentes. Si les conclusions de la majorité des études sont cohérentes, il y a tout de même des exceptions. En effet, certaines études montrent qu’une vie optimiste et joyeuse est associée de manière significative à une diminution du risque de mortalité dans une population de plus de 65 ans, alors que d’autres montrent que des affects positifs intenses comme l’allégresse peuvent être délétères pour la santé. Dans cette méta-analyse, pour les dix-neuf études contrôlant l’effet de covariables, la diminution du risque de mortalité est de 15% pour les participants avec bien-être élevé. Les résultats sont cohérents avec ceux des précédentes études et revues, et suggèrent que des méthodes efficaces pour augmenter le bien-être des individus âgés dans l’objectif d’améliorer la longévité et atteindre un vieillissement sain seraient potentiellement intéressantes.

3.2.3. Synthèse

En une dizaine d’années, cinq méta-analyses ont été réalisées sur le sujet, incluant des dizaines d’études. Les caractéristiques de ces méta-analyses et leurs résultats sont synthétisés dans le Tableau 1. Cette première approche bibliographique permet de donner un aperçu des données actuellement disponibles dans ce champ de la recherche. Les résultats tendent à montrer que le bien-être influence la santé physique, de manière causale. Cet effet favorable semble bénéficier aux individus en bonne santé ainsi qu’aux individus malades, et être plus marqué pour les personnes âgées. Enfin, lorsqu’ils sont étudiés séparément, les critères de santé ne sont pas tous impactés de la même façon. Le système immunitaire, le système cardiovasculaire et les mécanismes de la douleur sont les plus susceptibles d’être influencés par le bien-être.

La taille d’effet de l’association entre bien-être et santé est généralement entre 0,10 et 0,30, ce qui indique un effet faible mais néanmoins assez important pour être pris en compte.

Tableau 1. Synthèse des caractéristiques et résultats des méta-analyses qui évaluent l'effet

Mortalité Pronostic de la

maladie (survie,

globale : 0,14 Le bien-être est un facteur prédictif d’une diminution de la mortalité, avec un effet plus marqué pour la population en bonne santé (HR population malade : 0,98 et HR population en bonne santé : 0,82)

Réduction de la mortalité CV plus marquée que la mortalité de toute causes (29% vs 19%) ; Pas de réduction de la mortalité pour les patients présentant

initialement une pathologie CV ou un cancer ; Pas de différence marquée de la réduction de la mortalité selon la nature de la construction psychologique étudiée; Réduction de la mortalité plus marquée pour les

participants de plus de 60 ans en bonne santé (HR : 0,74)

n/a = non applicable ; CV = cardiovasculaire ; IgAs = Immunoglobines A dans leur forme sécrétoire ; HR = hazard ratio ; CV = cardiovasculaire