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Partie 1 : L’effet du bien-être sur la santé

4. Discussion

4.1. Problématiques rencontrées

Comme évoqué précédemment, le bien-être et la santé sont des concepts vastes et complexes, par conséquent l’étude scientifique de leur relation soulève nécessairement un certain nombre de problématiques méthodologiques.

4.1.1. Définir et mesurer le bien-être et la santé

La principale et première problématique rencontrée dans ces travaux de recherche est comment définir et mesurer deux concepts aussi vastes que le bien-être et la santé. La sous-partie 2. Définitions et mesures a présenté rapidement les différentes définitions et mesures utilisées dans les études de la revue bibliographique.

A l’issue de cette revue, on constate tout d’abord que les études sur le sujet diffèrent de manière importante en termes de rigueur méthodologique, et notamment dans la mesure du bien-être. Toutefois, il y a une volonté de la part des chercheurs d’obtenir des résultats de plus en plus fiables. Par exemple, l’échelle PANAS, connue pour être un outil fiable et valide pour évaluer le bien-être, est fréquemment sélectionnée.25 Certaines études essaient d’améliorer cette évaluation, soit en complémentant avec d’autres mesures que l’auto-évaluation, comme par exemple l’enregistrement des activations du cerveau, l’utilisation de photos de sourires, d’autobiographies, soit en réalisant des études expérimentales d’induction de l’humeur ou de l’émotion.27 Par ailleurs, certaines méta-analyses ont réalisé des analyses de sous-groupes en fonction de la qualité des études, afin d’exclure la possibilité que la qualité des études influence les résultats obtenus.

La santé est également un concept difficile à uniformiser, et tous les chercheurs n’abordent pas le sujet de la même façon. Certains évaluent toute une variété de critères physiologiques qui influencent la santé, d’autres se basent uniquement sur la mortalité ou la survie. Au fil de l’enrichissement de la littérature sur le sujet, les critères subjectifs de santé basés sur l’auto-déclaration sont de moins en moins utilisés, et les chercheurs se focalisent sur des critères objectifs.

4.1.2. Déterminer la nature de la relation

La deuxième grande problématique rencontrée est comment déterminer le plus précisément possible la nature de la relation entre bien-être et santé. Lorsqu’on évalue l’effet du bien-être sur la santé, il y a trois obstacles majeurs à l’obtention de résultats précis.

Tout d’abord, des causes multiples influencent la santé, il est donc difficile d’identifier le rôle spécifique du bien-être lorsque la santé d’un individu est bonne ou s’améliore. Pour limiter au mieux l’influence de ces facteurs de confusion, les études longitudinales utilisent le contrôle statistique. Les facteurs souvent contrôlés sont le statut marital, les revenus, l’alcoolisme, le tabagisme et l’exercice physique. Cependant, il faut faire particulièrement attention à ce que montrent les contrôles statistiques et interpréter les résultats avec précaution. Une publication de 2017 permet d’approfondir la problématique des enjeux du contrôle statistique dans ce domaine d’études.26 Dans tous les cas, on ne peut pas contrôler toutes les variables environnementales qui influencent la santé dans une étude, il reste toujours la possibilité de la présence d’une variable tierce. En revanche, une étude intéressante au vu de cette problématique est publiée en 2001. Il s’agit d’une analyse longitudinale sur un échantillon de nonnes catholiques. Le contenu de leurs autobiographies à l’âge de 22 ans a été évalué en termes d’émotions positives et négatives. Une association a été trouvée entre les émotions positives exprimées et une plus grande longévité. Ces résultats sont particulièrement impressionnants car les nonnes ont vécu toute leur vie dans un environnement similaire donc les variables connues pour influencer la santé comme l’alimentation ou le niveau d’activité physique sont très homogènes dans cet échantillon.61

Ensuite, la nature causale de la relation est compliquée à démontrer. Pour certains auteurs, le lien de causalité entre bonheur et santé est solidement démontré, notamment grâce à deux types d’études.27,30 Les études expérimentales, qui commencent à être assez nombreuses, montrent que l’induction d’émotions positives provoque des changements physiologiques positifs. Les études interventionnelles de long-terme permettent également d’apporter des preuves pour étayer l’hypothèse de causalité. Le principe est d’augmenter le bien-être des participants grâce à une intervention humaine et suivre l’évolution des critères de santé au cours du temps. Elles sont cependant pour l’instant moins nombreuses, et peu retrouvées dans les méta-analyses citées dans cette thèse. Pour d’autres auteurs, il est impossible d’éliminer complètement la possibilité d’une causalité inverse et la présence de facteurs de confusion.10,35

rendre heureux. De même, au niveau physiologique, des changements liés à l’affect positif comme l’augmentation des opioïdes endogènes, peuvent à leur tour influencer les émotions positives.

Enfin, le bien-être subjectif inclut divers phénomènes, comme satisfaction de vie, affect positif, optimisme, joie, sociabilité ou encore bas niveaux d’affects négatifs et il est probable que ces constructions n’exercent pas toutes une influence de nature causale sur la santé. Les différents types d’états positifs n’ont pas été clairement différenciés ni mesurés dans la plupart des recherches, il est donc impossible d’identifier celles qui sont les plus bénéfiques pour la santé.

Même en réalisant de plus amples études, cette problématique parait compliquée à étudier car les différentes constructions psychologiques du bien-être sont souvent fortement corrélées.

Toutefois, une hypothèse est retrouvée dans la majorité des publications qui s’intéressent aux différents poids de ces constructions, il s’agit de l’influence forte du soutien social sur la santé.

Des études seraient par exemple nécessaires pour démêler le rôle spécifique du soutien social, par rapport à celui du bien-être.

4.1.3. Déterminer les conditions nécessaires à cette influence

Les résultats obtenus dans la littérature à date ne sont pas toujours significatifs et il y a des inconsistances, ce qui suggère que l’influence du bien-être sur la santé opère seulement dans certaines conditions. Le troisième grand enjeu dans ce champ de la recherche est de déterminer précisément ces conditions.

Dans un premier temps, définir un profil type d’individu pour qui une augmentation du bien-être serait bénéfique à sa santé semble nécessaire. En effet, il semblerait que les individus ne soient pas forcément tous susceptibles d’être concernés par cet effet du bien-être sur la santé.

Quelques études ont commencé à étudier ces différences. Les résultats suggèrent que les individus en bonne santé bénéficieraient plus de cet effet que les individus malades. Il semblerait également que les personnes âgées y soient particulièrement sensibles. Par ailleurs, pour certains individus étant très résilients ou ayant de nombreuses ressources psychologiques, sociales et physiques, une augmentation du bien-être n’influencerait probablement pas leur santé. De même, des individus sévèrement malades auraient si peu de ressources qu’une augmentation du bien-être n’aurait pas d’impact sur leur santé.

Il semblerait également que tous les critères de santé ne soient pas impactés de la même façon. Les associations du bien-être avec le cortisol, la fonction immunitaire et la tolérance à

la douleur sont quasiment systématiquement démontrées, tandis qu’il y a plus de variabilité pour les associations avec différents critères cardiovasculaires.

Par ailleurs, il y a peut-être un seuil de bien être au-delà duquel des comportements peuvent devenir délétères pour la santé. La question se pose par exemple lors du ressenti d’émotions intenses positives, lors d’une excitation corporelle élevée, ou lorsqu’un trop grand optimisme induit des comportements à risques. En dessous de ce seuil, il semblerait qu’il y ait un effet dose, comme celui de la courbe décrite entre niveau de dépression et risque de maladie cardiovasculaire.62