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Branche Technique Input Output

Photogravure Scannerisation (numérisation de l’image) Image ordinaire (papier) Support informatique (disquette) PAO (Publication Assistée par Ordinateur) Montage, traitement informatique de l’imagea Disquette Disquette

Photogravure Flashage Disquette Film

Imprimerie Reproduction de

l’image

Film Documents imprimés

Note :

a- Peut comporter une combinaison entre images et textes, ou entre plusieurs images.

La photogravure, en tant qu’industrie, occupe donc deux positions dans cette filière, entre lesquelles s’intercale éventuellement la PAO, à tel point que l’entreprise d’Abdelmajid T. intègre en fait les trois phases (puisqu’elle possède un secteur de PAO).

La PAO prise isolément est une activité ne présentant pas, ou beaucoup moins que la photogravure, la barrière à l’entrée constituée par la lourdeur de l’investissement : 5 000 dinars suffisent, le métier est facile à apprendre (d’autant qu’il existe à Tunis des centres privés de formation). Il en résulte que cette activité a connu une prolifération de petites entreprises encore beaucoup plus rapide qu’elle n’a été dans la photogravure : il s’est agi, à partir de 1993-1994, d’une véritable explosion, d’ailleurs accompagnée d’un nombre également impressionnant de disparitions d’entreprises. Abdelmajid T. en estime le nombre restant en 1998 à « facilement 200 à 250 sur tout le pays » (mais surtout dans les villes littorales et le Nord). Mais, estime-t-il encore, au plus fort du mouvement, on pouvait en compter quatre à cinq fois plus, soit 1 000 à 1 500. Il cite encore cette anecdote en tant qu’indice de prolifération : la célèbre firme Apple s’inquiéta du nombre d’ordinateurs Mac Intosh écoulés sur le marché tunisien, craignant que ces appareils ne soient revendus à la Libye ou à l’Irak, et ce en infraction de l’embargo qui frappait alors ces deux pays. C’est que cette inondation du marché intérieur tunisien aboutissait à un taux d’équipement si exceptionnel en matériel micro-informatique qu’il parut improbable et éveilla les soupçons

13

Notre interlocuteur semble cependant oublier (ou ignorer) l’existence de 2 unités créées à Sfax en 1995, ce que signale un de ses collègue, M. I. (Ben Arous).

auxquels il vient d’être fait allusion. Ce taux reflétait en fait, parmi d’autres facteurs, la décision d’un nombre croissant de Tunisiens d’investir dans la PAO, comme sans doute dans d’autres activités informatiques.

Mais le nombre impressionnant de disparitions montre aussi les limites de ce type de prolifération qui ne semble cependant pas relever, pour l’essentiel, de l’« essaimage ». En effet, toujours selon M. T., beaucoup d’ « intrus » ont été attirés par ce métier, quittant celui qu’ils exerçaient auparavant (médecin, commandant de bord, vétérinaire…)14

. La compétence n’était pas forcément au rendez-vous, les calculs de coûts étaient fantaisistes ou inexistants, tandis que la surenchère induite par la concurrence conduisait à des ventes à perte.

Il n’en est pas de même dans l’activité de la photogravure proprement dite. Abdelmajid T. affirme que la majorité de ses concurrents, qui se sont installés à sa suite, étaient d’anciens salariés de sa propre entreprise. « A peine ont-ils appris le métier qu’ils désirent se mettre à leur compte». Il rattache ce désir à la frénésie de consommation qui gagne la jeunesse tunisienne et la pousse à rechercher les moyens du gain d’argent facile15

. Mais le ton employé par lui ne laisse pas supposer de sa part une acceptation facile de ce phénomène, encore moins une quelconque collaboration avec ses anciens employés. Il relie spontanément, dans le discours, cette question à celle de la concurrence et des « coups bas » qu’elle lui porte, dont il donne l’explication suivante : « A petit pays, petit esprit». Tout le monde se connaît sur le marché, les coups bas sont faciles et visibles. Il faut aussi replacer les relations entre M. T. et ses anciens employés dans un contexte particulier qui a été relaté dans une autre partie de ce travail16 : Abdelmajid T. a dû faire face à un débauchage massif des techniciens qu’il avait formés, l’obligeant à élever contre toute nouvelle tentative une véritable forteresse de précautions.

Nous restons dans la même filière avec l’imprimeur Hédi I. Celui-ci raconte17

que, en 1995, il était sur le point de licencier un cadre de son entreprise qui ne « foutait rien » quand ce dernier est parti de lui-même. Ce n’est que plus tard que Hédi I. apprit que ce cadre avait monté sa propre affaire et que le peu d’intérêt porté à son travail salarié dans la période qui précéda immédiatement son départ n’avait pas d’autre explication. « Je l’avais formé », conclut Hédi I. « Je forme très bien les gens ; je ne cache rien». Le même phénomène s’est produit dans une autre imprimerie possédée par la famille de M. I. à Tunis.

Pas de trace de consentement mutuel non plus lors du départ de la fonderie J. de ce technicien du service d’entretien des moules qui se lança à son compte dans la fabrication de ces moules. C’était une personne « gourmande et ambitieuse », qui s’était associée en 1991 à M. J. , propriétaire de la fonderie. « Mais il y avait de l’égoïsme, il en voulait toujours plus » (des bénéfices), alors il a monté sa propre affaire en 1996. Où ? Moncef J. l’ignore.18 La production de moules nécessite beaucoup moins d’investissements que la fonderie qui les utilise. Un fort taux de valeur ajoutée permet à un petit entrepreneur de tirer son épingle du jeu dans ce domaine (« les produits sont précieux » ; on peut très bien vivre d’une production annuelle très réduite, de cinq unités par an, avance Moncef J. à titre d’exemple). S’ajoute à la fabrication de moules une production d’articles en plastique pour utiliser en partie sa

14 Ce qui jette par avance une lumière sur l’origine professionnelle des entrepreneurs et sur l’enjeu qu’elle représente pour la compréhension des conditions de construction du tissu industriel à Tunis (cf, infra : 2ème partie, III-A-b).

15

Cf. infra. 2ème partie,III, conclusion.

16 Cf., supra, même Partie, II-B-b.

17 Ben Arous, les 18 mai 1995 et 16 juillet 1998.

18

Frère et associé du fondateur de l’entreprise ; entretien du 21 juillet 1998 à Ben Arous ; une première rencontre avait eu lieu le 22 juin 1995.

production de moules. Il est significatif que les productions respectives mises en œuvre par M. J. et par son ex-employeur auraient pu être complémentaires, puisque la fonderie utilise des moules. Mais en fait il n’en est rien, puisque le nouvel entrepreneur semble avoir changé de filière, passant de la métallurgie à la plasturgie. De toute façon, complémentarité ou non, il ne nous est aucunement donné d’assister à des relations commerciales, ni même de quelque nature que ce soit, entre ces deux acteurs, puisque Moncef J. ignore jusqu’à la région d’implantation de son collaborateur.

Une tentative de mesure du phénomène de l’essaimage dans la région de Tunis se heurte donc au caractère flou et partiel de la connaissance qu’en ont les intéressés eux-mêmes, même si ce caractère est en soi révélateur des limites qualitatives de l’essaimage : la collaboration entre entrepreneurs et ex-salariés apparaît ainsi exceptionnelle.

Nous pouvons pallier les limites de la connaissance empirique du phénomène par une démarche analytique, qui consiste à l’approcher par la recherche fine des conditions de sa réalisation.

B. Conditions de l’essaimage.

C’est demeurer fidèle à notre démarche qui donne tout son poids aux choix des acteurs en situation que de poser que, pour qu’une action sociale ait lieu, il faut d’abord qu’elle se situe dans le champ des possibles pour un acteur et il faut ensuite que cet acteur ait la volonté de prendre la ou les décisions correspondantes. En d’autres termes, il faut que soient réunies des conditions permissives et des conditions incitatives.

a. Conditions permissives de l’essaimage : âge, taille et encadrement.

Adel B.Y. , ancien élève de HEC à Tunis, dirige à La Soukra une entreprise d’ emballages alimentaires qu’il a fondée en 1986 et qui emploie 40 personnes19

. Il propose une analyse, illustrée par son propre cas, de ces conditions d’essaimage. Pour lui, l’entreprise est trop récente pour avoir été en mesure de susciter des mises à leur compte d’ouvriers ou de cadres. Elle n’a pas disposé, en effet, d’un temps suffisant pour embaucher un nombre de cadres qui puisse représenter un potentiel conséquent de créateurs d’entreprise, pas plus qu’elle n’a été en mesure de les rémunérer suffisamment pour leur permettre de réunir une épargne suffisante. Seules les grandes entreprises, selon notre interlocuteur, sont à même de jouer un tel rôle.

Trois conditions apparaissent donc à la lumière de ce discours : une condition de

dimension, une condition d’âge et une condition d’encadrement. Il paraît clair que ces

conditions se trouvent étroitement liées entre elles : d’anciens cadres ont plus de facilités que d’anciens ouvriers à fonder leur propre entreprise ; les entreprises de grande taille ont plus de possibilités que les petites de disposer d’un encadrement salarié ; enfin, la dimension d’une entreprise est liée à son âge : on ne naît pas grande entreprise, on le devient.

L’affirmation de cette triple relation peut paraître quelque peu péremptoire. Aussi allons-nous essayer de la justifier en revenant sur chacune des articulations qui la composent.

Le privilège de l’encadrement sur le personnel d’exécution quant à sa possibilité de créer une entreprise s’exprime à la fois en termes financier et de compétence. Nous avons vu qu’ Adel B.Y. insistait sur le premier de ces deux aspects : seuls les cadres peuvent percevoir un salaire suffisamment élevé pour constituer l’épargne nécessaire à l’investissement dans une

entreprise. Cette proposition serait cependant à nuancer en fonction de l’existence éventuelle d’autres sources de financement et, surtout, de l’ampleur réelle du besoin en capital, laquelle dépend en particulier de la nature de la branche choisie ; toutefois, l’ambition industrielle

sera, semble-t-il, toujours plus coûteuse que l’entrée dans le commerce ou les services. C’est sans doute un facteur qui explique que, comme il a été noté plus haut, la

plupart des mises à leur compte de salariés se produisent de préférence dans le secteur tertiaire. Mais au sein même de l’industrie, toutes les branches ne sont pas également capitalistiques. Et d’autres facteurs interviennent, qui conduisent également à nuancer l’importance attachée par M. B.Y. à la contrainte financière : l’ « industrialisation rampante » (BOUCHRARA M., 1985) offre ainsi de multiples exemples de créations de petites entreprises, voire de micro-entreprises, qui ne sont pas forcément appelées à le demeurer, mais dont la création a été rendue possible par la modestie du projet initial. Enfin et surtout, c’est le concept même d’essaimage qui suggère la solution la plus éclatante au problème financier : la collaboration entre le nouvel entrepreneur et son ancien employeur peut atténuer le besoin financier du premier par une aide qui n’est pas forcément monétaire (prêt ou mise à disposition de matériel par exemple).

Au bout du compte, le deuxième aspect du privilège des cadres apparaît plus déterminant : il s’agit de la compétence. C’est en tout cas sur cet aspect-là qu’insiste Mme Férida G. qui, tout comme Adel B.Y., nie l’existence de l’essaimage à partir de sa propre entreprise. « Cela demande trop de moyens », explique-t-elle. « Il y en aurait peut-être avec des cadres». Or, l’encadrement, en dehors d’une dame de confiance, recrutée par affinité, et qui seconde la patronne sans être dotée de fonctions spécifiques, n’existe pratiquement pas dans cette entreprise, créée en 1984 et où travaillent 24 salariés20.

Mme G. relie précisément la faiblesse de l’encadrement à la faiblesse de la dimension de l’entreprise : dans une PME, explique-t-elle, les cadres spécialisés se trouvent automatiquement sous-utilisés, et si on veut leur confier une autre fonction, « ils s’ennuient ». Il conviendrait malgré tout de ne pas exagérer la relation qui peut exister entre la taille des entreprises et le taux de leur encadrement. Nous avons en effet trouvé, dans notre propre échantillon, plusieurs exemples de très petites entreprises, et pourtant très bien dotées en personnel compétent de haut niveau. En fait, le risque est grand de confondre compétence et spécialisation. C’est la prétention à proposer à un membre du personnel une fonction spécifique, étroitement définie, qui se heurte à la faible dimension d’une entreprise. Dès lors que polyvalence et compétence sont rendues compatibles, l’accès des petites entreprises à l’encadrement qualifié n’est plus aussi fermé qu’il y paraît.

Mais cette réflexion ne serait pas complète si, après la mise en œuvre d’un raisonnement déductif, nous ne nous efforcions pas de vérifier statistiquement la réalité des relations entre l’essaimage et chacun de ces trois critères qui furent posés comme conditions permissives : taille, âge et taux d’encadrement des entreprises.

Commençons par les deux premiers. La méthode que nous proposons est la suivante : les deux entreprises de M. B.Y. et de Mme G. seront prises comme références. Nous en connaissons la dimension et l’âge, et nous savons qu’elles n’ont pas été sources d’essaimage. Nous y ajouterons deux autres entreprises trop récentes pour avoir pu également jouer un tel rôle. Nous aurons ainsi un premier groupe de quatre cas (appelé « groupe 1 ») que nous comparerons à un ensemble d’entreprises dont nous savons au contraire qu’elles ont donné lieu à un phénomène d’essaimage. Ce second ensemble se divise lui-même en deux groupes : un groupe d’entreprises ayant suscité la création d’autres entreprises industrielles par certains

de leurs salariés (groupe 2) et un second groupe d’entreprises dont des salariés se sont installés dans le commerce ou les services. Si l’essaimage a eu lieu à partir de ces cas, c’est que les conditions permissives étaient réunies. A l’inverse, il ne suffit pas de constater que l’essaimage ne s’est pas produit à partir d’autres cas pour en déduire que les conditions permissives n’étaient pas réunies dans ces cas-là : il manquait peut-être alors seulement la réunion de ces conditions avec des conditions incitatives. C’est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons de faire intervenir dans la comparaison d’autres groupes, qui seraient définis comme rassemblant des entreprises n’ayant pas donné lieu à essaimage.

Les résultats de cette comparaison se lisent dans le tableau n°34.

Tableau n°34 : Mise en relation entre le phénomène de l’essaimage, la taille et l’âge

des entreprises susceptibles d’essaimer.

Groupe d’appartenance des entreprises Numéro de référence des entreprises Effectif salarié maximum

Date de création Age de

l’entreprise (en nombre d’années) au moment de l’enquête Groupe1 1. 40 1986 10 2. 24 1984 14 3. 3 1995 0 4. 0 1994 3 Groupe 2 5. 56 1988 10 6. 81 1979 17 7. 30 1983 13 8. 130 1978 20 9. 50 1989 9 10. 135 1979 16 Groupe 3 11. 70 1979 9 12. 400 1983 13 13. 12 1988 8

14. 200 Non connu Non connua

15. 150 1945 51

Notes :

a- Il s’agit d’une ex-filiale du groupe BATA (chaussures), firme qui a été créée en 1885, mais dont nous ne connaissons pas la date d’implantation en Tunisie. Il ne serait guère pertinent, pour notre objet, de considérer la date de rachat de cette filiale par le groupe tunisien M’Zabi .

Source : Elaboration personnelle.

A la lecture du tableau n° 34, la pertinence du critère de dimension ne semble guère faire de doute : la plupart des entreprises des groupes 2 et 3, ayant suscité l’essaimage, possèdent un effectif salarié supérieur à l’effectif maximum rencontré dans le groupe 1, qui est de 40. Seules les entreprises 7 et 13 font exception. Ces deux cas représentent précisément

deux entreprises dont le caractère réduit de l’effectif salarié n’a d’égal que le caractère élevé du niveau de qualification de la main-d’œuvre dans son ensemble : non que les diplômes possédés atteignent des sommets, mais parce que la majorité des salariés possède un diplôme de niveau moyen à élevé. L’entreprise n°7 est celle d’Abdelmajid T., et elle s’adonne à une activité de pointe, la photogravure. C’est en 1992 que l’effectif salarié a atteint son maximum de 30 : il est redescendu par la suite jusqu’à 5 en 1996. Tous ces salariés sont des techniciens recrutés au niveau du baccalauréat, en principe à la sortie des centres de formation professionnelle en arts graphiques : M. T. choisit « les plus brillants » parmi leurs stagiaires.

Quant au cas n°13, il s’agit de l’entreprise de construction mécanique (fabrication de machines pour la menuiserie) appartenant à Amara M. Sur les 12 salariés présents en 1996, il faut compter 1 ingénieur, 4 « techniciens spécialisés » (dans le domaine d’activité de l’entreprise), 1 technicien spécialisé en électricité et 3 stagiaires. On peut donc considérer que plus de 50% des salariés ont une qualification technique (sinon de gestion) suffisante pour se lancer sinon dans la production, du moins dans la réparation ou le commerce comme ce fut effectivement le cas.

Le critère d’âge semble par contre beaucoup moins pertinent que celui de la taille des entreprises pour rendre compte de leur capacité à essaimer. Tout porte à croire que cette capacité n’attend pas le nombre des années, puisque trois entreprises du groupe 2 et autant du groupe 3 ont un âge inférieur à 14 ans, soit le maximum rencontré dans le groupe 1. Il faut noter toutefois qu’aucune des entreprises ayant effectivement suscité un phénomène d’essaimage n’existe depuis moins de 8 ans.

Rappelons toutefois, s’il en était besoin, que la réalisation de conditions permissives ne suffit pas à actualiser les potentialités d’essaimage qu’elles traduisent. Encore faut-il que les acteurs concernés se trouvent incités à prendre les décisions adéquates.

b. Conditions incitatives à l’essaimage.

La question fait intervenir deux catégories de partenaires : les salariés susceptibles d’entreprendre y tiennent, certes, le devant de la scène, mais les entrepreneurs en place ont aussi leur rôle à jouer. L’essaimage interviendra éventuellement comme résultant de la rencontre entre certaines aspirations portées par ces deux catégories d’acteurs, aspirations que nous allons identifier successivement.

1.Aspirations des entrepreneurs en place.

Un certain nombre d’entrepreneurs manifestent une réticence à l’expansion. Ce refus de faire croître au-delà d’un certain seuil la dimension de leur entreprise peut tenir à plusieurs raisons : parfois, il ne fait que traduire une réaction aux obstacles à l’agrandissement, dont le principal , selon eux, est le suivant : agrandir l’entreprise impliquerait de recruter de nouveaux cadres de confiance. Dans ces conditions, conclut Amara M21., « mieux vaut rester petit. » Même son de cloche chez Mme Thouraya C.22 : « Sinon, déclare-t-elle, l’extension serait possible ».

Mais des raisons sociales semblent prendre une place grandissante dans la logique du refus de l’extension. Pour Ali G.23

, qui dirige une société très ancienne (créée en 1945),

21 Construction mécanique, La Soukra, gouvernorat de l’Ariana, 12 salariés, dont 1 ingénieur et 5 techniciens. (entretien du 24 avril 1996).

22

Confection, l’Ariana ; 80 à 100 ouvrières ; entretien du 23 avril 1996.

23

employant au moment de notre entretien 150 personnes (dont 50 contractuels), les concurrents de création plus récente que son entreprise préfèrent adopter une stratégie qui consiste à minimiser l’effectif permanent et à recourir à la sous-traitance pour une part croissante du volume de travail à assurer : « Avec 20 personnes, affirme-t-il, elles peuvent produire autant qu’ici avec 150 ». Cela leur permet d’échapper à la protection que le Code du travail impose aux employeurs à l’égard des salariés titulaires et qui les place, selon lui, dans une position de force nuisant à la productivité du travail. C’est le refrain bien connu de la flexibilité, qui dépasse, on le voit, les frontières de la Tunisie !

M. K. tient sensiblement le même raisonnement, mais dans un autre domaine d’activité, celui de la climatisation, où il travaillait comme salarié entre 1967 et 1969 dans une des plus importantes sociétés de cette branche à l’époque. Cette société, représentant la firme CARRIER, employait de 200 à 300 personnes, chiffre jugé par M. K. comme traduisant un sureffectif. Le volume trop important de main-d’oeuvre aboutissait, selon lui, à déresponsabiliser les salariés. Le travail dans ce type d’entreprise - qui relève de la prestation de services - consistait à installer des systèmes de climatisation au domicile d’une clientèle qui s’étendait sur tout le territoire de la Tunisie. Ce fait impliquait des déplacements sur longues distances. Or, certains comportements irresponsables en multipliaient le coût : les salariés en déplacement n’avaient parfois pas prévu la totalité de l’équipement nécessaire (ils constataient, une fois sur le chantier, qu’il leur manquait, par exemple, une bouteille de gaz ;