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III- PHYSIOPATHOLOGIE DU TABAGISME CHEZ LA FEMME

3. Tabac et reproduction

3.1. Effets du tabac sur la fécondité

Le tabagisme est associé à une diminution de la fertilité. En effet, il est responsable d'un allongement du délai de conception avec une relation dose-effet mais une réversibilité à l'arrêt [34]. Les risques d'échec en procréation médicalement assistée sont également plus importants en cas de tabagisme en raison notamment des effets néfastes des toxiques sur la fonction ovarienne avec diminution du recueil d'ovocytes [35].

Les effets néfastes du tabac sur la fertilité impliqueraient des mécanismes complexes retrouvés au cours des différentes phases de la reproduction. Sont notamment retenues comme hypothèses une action anti-œstrogénique de la nicotine avec altération de la glaire cervicale, une action directe toxique sur l'ovaire des différents composants du tabac et une modification de la fonction ciliaire des trompes de Fallope [34].

Par ailleurs, le risque de grossesse extra-utérine est accru chez les fumeuses. Il s'agit d'une grossesse localisée en dehors de la cavité utérine, le plus souvent au niveau des trompes de Fallope. Cette complication présente une incidence de 2 % dans la population générale en France. Le tabagisme augmenterait ce risque de 75 % avec un risque relatif compris entre 1,5 et 5 chez les fumeuses, selon l'intensité de la consommation tabagique, par rapport aux non-fumeuses [35]. Ce risque est partiellement réversible à l'arrêt [34].

Enfin, le tabagisme est un facteur de risque de fausse couche spontanée (avec l'âge maternel). Le taux moyen de fausses couches spontanées est 1,5 à 3 fois supérieur chez une fumeuse par rapport à une non-fumeuse [35].

3.2. Effets du tabac sur le déroulement de la grossesse et sur le fœtus

durant la grossesse sont principalement expliqués par deux mécanismes. En premier lieu, les pics de nicotine observés lors des bouffées d'une cigarette chez la femme enceinte sont responsables d'une vasoconstriction des artères utérines et par conséquent d'une diminution de la perfusion placentaire. Par ailleurs, le tabagisme maternel est à l'origine d'une hypoxie fœtale chronique liée au passage transplacentaire du monoxyde de carbone CO et à la formation de carboxyhémoglobine HbCO chez le fœtus [36].

3.2.1. Hématome rétroplacentaire (HRP)

Le HRP, complication gravidique majeure, correspond au décollement prématuré d'un placenta normalement inséré avec formation d'un épanchement de sang entre l'utérus et le placenta et arrêt des échanges vasculaires entre la mère et le fœtus. Cette complication peut mettre en jeu le pronostic vital de la mère, ainsi que celui de l'enfant à naître.

Le tabagisme durant la grossesse serait responsable d'environ 25 % des HRP [34].

L'arrêt du tabac permet de diminuer de moitié le risque de complications vasculaires à type d'HRP par rapport à la poursuite du tabac au cours de la grossesse [33].

3.2.2. Placenta bas inséré

Le risque de placenta bas inséré, c'est-à-dire implanté à proximité du col utérin, est multiplié par deux à trois selon les études en cas de tabagisme gravidique [33].

3.2.3. Prématurité

Le tabagisme au cours de la grossesse est à l'origine d'un doublement du risque de naissance prématurée (accouchement avant 37 semaines d'aménorrhée). A nombre de cigarettes égal, ce risque sera plus élevé si la femme a plus de 35 ans.

Si l'arrêt du tabac a lieu avant la grossesse, ce risque d'accouchement prématuré n'est pas augmenté en comparaison aux non-fumeuses [33].

La prévalence plus importante de complications obstétricales telles que HRP, rupture prématurée des membranes, placenta bas inséré explique en grande partie cette élévation du risque de prématurité [34].

3.2.4. Rupture prématurée des membranes

Le tabagisme gravidique est associé à un doublement du risque de rupture prématurée des membranes. Ce risque serait dû à une stimulation de la prostaglandine E2 à l'origine de contractions utérines, ainsi qu'à une augmentation des vaginoses bactériennes [34].

3.2.5. Retard de croissance intra-utérin (RCIU)

Le tabagisme au cours de la grossesse est un facteur de risque de retard de croissance intra- utérin avec en moyenne un déficit pondéral de 200 grammes. La fréquence et l'intensité du RCIU sont liées au nombre de cigarettes fumées et donc au degré d'intoxication par le CO. L’incidence de cette complication est de 17,7 % chez une femme fumant tout au long de sa grossesse et diminue d’autant plus que l’arrêt de la consommation de tabac a lieu tôt au cours de la grossesse. Le risque de RCIU serait expliqué par plusieurs mécanismes provoqués par l'intoxication tabagique dont l'hypoxie chronique, la vasoconstriction utérine et ombilicale, la toxicité du cadmium et la sous- alimentation de la femme enceinte fumeuse [34].

3.2.6. Mort fœtale in utero

Le tabagisme maternel est associé à une augmentation du risque de mort fœtale au cours du troisième trimestre de grossesse. La majorité de ces morts sont expliquées par les complications placentaires, le RCIU et le risque de mort subite in utero [34] [33].

3.2.7. Conséquences cardiovasculaires, respiratoires et sur les mouvements fœtaux

Le tabagisme de la femme enceinte est responsable d'une hypoxie chronique chez le fœtus, et de répercussions cardiovasculaires et respiratoires. En effet, le tabagisme altère la croissance pulmonaire normale, avec pour conséquence une hyperréactivité bronchique. Suite à l'inhalation de la fumée de cigarette, le rythme et le débit cardiaque augmentent et s'accompagnent d'une vasoconstriction. L'exposition chronique du fœtus au tabagisme est également associée à une hyporéactivité fœtale avec une diminution des mouvements du fœtus [34].

3.2.8. Développement cérébral

Le tabagisme aurait des conséquences néfastes sur le développement cérébral du fœtus. Il est en effet associé à une diminution du périmètre crânien pouvant entraver le développement cérébral normal notamment quand il est diminué de 15 à 20 millimètres ou plus [34].

3.2.9. Malformations

Le tabac ne présente pas un effet tératogène important dans la mesure où il n'augmente pas la fréquence totale des malformations (environ 2 % de la population). Cependant, certaines malformations sont significativement plus nombreuses en cas de tabagisme au cours du premier trimestre de grossesse (période de l'organogenèse). C'est le cas des fentes faciales et des craniosténoses dont les fréquences augmentent faiblement [34].

3.2.10. Mort subite du nourrisson

nourrisson de moins d’1 an, apparemment en parfaite santé et dont la mort demeure inexplicable après enquête et autopsie.

De nombreuses études ont mis en évidence un lien entre tabagisme durant la grossesse et risque de survenue d'une mort subite qui serait augmenté d'un facteur 2 à 3 avec une relation dose- effet. Un sevrage tabagique au cours du premier trimestre de grossesse permet de retrouver un risque identique à celui des non-fumeuses [34].