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Les tâches transversales

B. La méthodologie du conseil officinal

1. Les tâches transversales

a) La compétence émotionnelle

Nous abordons ici la dimension émotionnelle de l’entrevue entre le pharmacien et le patient, qui est importante mais plus ou moins présente en fonction de la situation. L’essentiel est pour le pharmacien de faire preuve d’authenticité dans son approche. Les émotions ont un rôle central, elles sont évolutives. Chez le patient elles proviennent des conditions de la situation, tandis que pour le pharmacien elles sont souvent la conséquence du comportement du patient. Dans la plupart des entretiens,

69 patients et pharmaciens tentent de cacher leurs émotions pour ne laisser transparaitre que celles qui sont socialement acceptées. La confiance du patient est liée aux émotions perçues du pharmacien qui sont jugées appropriées ou pas. Dans le décryptage des émotions, il faut être particulièrement attentif aux langages verbal et non verbal qui en sont de bons reflets. Les expressions faciales sont un point tout particulièrement déterminant de la charge émotionnelle (51).

(1) Les émotions du patient

Le pharmacien doit apporter des réponses appropriées aux différentes émotions que présente le patient. Un prérequis essentiel à toute communication émotionnelle est le respect. C’est lorsque l’on accorde considération et valeur à une personne, qu’on la reconnait comme unique, en libre droit d’agir selon ses croyances et d’adopter le comportement quelle souhaite. D’un point de vue concret, ce sont les adaptations proposées par le code de déontologie qui reflète le mieux ce qu’est le respect dans la pratique. Tout d’abord, l’environnement de l’interaction doit être propre, confortable et agréable pour le patient. Puis, le comportement du pharmacien doit être courtois, poli (utilisation du vouvoiement) et attentionné. Il faut comprendre et aider plutôt que juger. Le processus de respect s’étale dans le temps et dans l’espace, ainsi il doit exister une véritable continuité dans le respect. Le patient témoigne plus de respect si le conseil est centré sur lui-même, il faut proposer un conseil sur-mesure au patient (51).

Lorsqu’un pharmacien fait face à un patient en colère il y a des attitudes à éviter : ne pas en tenir compte, s’énerver soi-même, tenter d’apaiser le patient trop tôt ou encore reconnaître et valider l’émotion prématurément. En revanche, l’utilisation de l’empathie en faisant un reflet sans résistance peut aider à apaiser le patient. Ensuite, il faut essayer de comprendre les causes du sentiment : si elles sont justifiées et que le pharmacien est fautif des excuses s’imposent, mais si elles sont injustifiées il faut essayer de faire changer le point de vue du patient. Si au cours de sa colère le patient a eu des gestes ou des paroles inappropriées alors le pharmacien doit montrer son désaccord. Face à de la tristesse ou de la peur une démarche existe : reconnaître l’émotion forte, stopper l’entretien dans sa forme normale et déterminer les causes de l’émotion, les faire confirmer par le patient, exprimer son soutien puis reprendre l’entretien (51,80).

L’empathie est un processus cognitif qui implique de comprendre la perspective du patient et comment ce dernier ressent les expériences, et la capacité à communiquer au patient cette compréhension. L’empathie n’est pas la sympathie, l’empathie est un processus neutre de compréhension et de transmission, la sympathie est le ressenti d’émotion agréable envers une personne, elle sous-entend souvent l’adhésion à ses propos. L’empathie est un processus qui permet d’éviter une escalade émotionnelle au cours d’un entretien. Le processus empathique est constitué comme suit (51) :

70 - tout d’abord le patient présente une émotion, le professionnel est libre d’y répondre ou

pas on appelle ce moment l’occasion empathique,

- puis le professionnel peut faire un reflet empathique comme vu dans la partie « Ecoute »,

- enfin le reflet empathique peut être accentué par une empathie additive lorsque le professionnel propose une hypothèse sur les causes de l’émotion. L’empathie additive est un acte fort qui peut avoir des conséquences importantes, il faut donc l’utiliser avec prudence en ayant déjà une compétence émotionnelle développée.

La confiance ou la rassurance, correspond à la capacité de rassurer ou de rendre confiance au patient. Pour être efficace, il faut combiner quatre facteurs : la pertinence (s’assurer que le patient a besoin d’être rassuré), la prévisibilité (quand le patient peut prévoir ce qui va advenir lors de l’entretien il est plus rassuré), le choix du moment et le dosage (si on rassure trop ou pas assez cela peut avoir l’effet inverse de celui escompté) (51).

Le dévoilement de soi est une technique de gestion émotionnelle avancée. Elle nécessite du tact et une bonne compétence émotionnelle du pharmacien. C’est le fait de sortir d’une relation professionnelle pour la rendre légèrement plus personnelle. Elle a des avantages : le soutien apporté est renforcé, on normalise l’entretien, on encourage le patient à lui-même se dévoiler un peu plus, la motivation du patient est renforcée en prenant le pharmacien comme modèle, il y a création d’un lien plus personnalisé et la confiance mutuelle se développe. Toutefois, il a aussi des inconvénients : une extension de la relation, des risques de faire face à des comportements, demandes ou des émotions inappropriées voire indésirables, une curiosité mal orientée du patient et une dépendance psychologique du patient envers le professionnel (51).

(2) Les émotions du pharmacien

La gestion de ses émotions propres n’est pas une chose aisée. Tout d’abord il faut savoir que la neutralité émotionnelle n’existe pas. Les émotions du pharmacien sont influencées par des évènements personnels ou professionnels et ont un impact sur la qualité et l’efficacité de sa pratique. Le maître mot est de rester maître de soi et de ses émotions bien que cela ne soit pas toujours possible.

Si le pharmacien en a l’occasion, à travers un processus réflexif, il doit revenir sur l’émotion qui s’est présentée pour la comprendre et en prévenir une apparition future. Si la régulation de l’émotion doit avoir lieu au cours de l’entretien voilà quelques recommandations :

- le pharmacien doit prévenir la situation source d’émotion ou agir sur elle avant la consultation, par exemple, en favorisant un environnement apaisant.

- Quand l’émotion est ressentie, le pharmacien en premier lieu doit identifier cette émotion et essayer de la verbaliser mentalement. On peut par exemple imaginer

71 lorsque le poing et la mâchoire se crispent : « Je présente des signes d’énervement ».

- Une fois l’émotion ressentie reconnue, il faut pour le pharmacien en comprendre les causes, puis essayer de faire un effort d’empathie pour se mettre dans la perspective du patient. Cet effort réflexif a pour but de rationnaliser et de canaliser l’émotion ressentie.

- Enfin le pharmacien peut réagir à la situation en privilégiant la communication non verbale pour, par exemple, partager une gêne avec le patient.

b) Les styles communicationnels

Il existe différentes manières de conseiller ou de mener une conversation, le pharmacien et le patient peuvent y jouer un rôle plus ou moins passif. L’approche centrée sur la personne prône une relation plus égalitaire ou chacun met ses connaissances et compétences au service de la santé. Cela n’implique pas qu’un style plus dirigiste n’est jamais bon, il faut plutôt trouver la bonne attitude avec le patient et prenant en compte notre propre personnalité. Comme le soulignent Lussier et Richard, cela dépend du contexte spécifique et de la nature du problème à ce moment-là, ainsi que les besoins et les préférences du patient et du clinicien à un moment donné (51). Les styles de communication correspondent à différentes combinaisons des outils communicatifs : informer, interroger, écouter et argumenter. On peut employer différents styles de communication avec le patient au cours d’un même entretien (86). Les différences entre les styles communicationnels ne sont pas seulement théoriques. Porter a analysé des entretiens thérapeutiques et a fait classer par des experts les différentes interventions et réponses des thérapeutes selon leurs degrés de directivité. Dans l’entretien le plus directif, le thérapeute parle quatre fois plus que le patient tandis qu’à l’opposé dans l’entretien le moins directif le patient parle sept fois plus. En comparant directement ces deux thérapeutes, on observe que l’un parle presque vingt-sept fois plus que l’autre. Les techniques aussi varient, dans les entretiens directifs le thérapeute rythme l’entretien et définit l’objectif de celui-ci, les questions et informations transmises y sont nombreuses et précises, le thérapeute suggère les améliorations possibles au patient, toutefois, un espace reste toujours offert au patient pour s’exprimer sur des sujets définis préalablement. Au contraire, dans les entretiens moins directifs les thérapeutes insistent sur les moyens d’amener le patient à prendre conscience de ses attitudes et sentiments afin de mieux se connaître, ils reformulent et clarifient de nombreuses fois les propos du patient, et remettent souvent le patient au centre de la responsabilité de sa propre santé (92).

Ainsi on peut définir trois styles d’entretien menés avec un patient : le style directif, le style de suivant et le guide. Le style directif peut être adapté à la transmission d’information. Dans ce cas, le pharmacien fournit une information, vérifie sa compréhension et ajuste l’information si nécessaire. Dans un style où le pharmacien est un guide, lorsqu’il délivre de l’information, il demande ce que souhaite savoir le patient, lui donne l’information et demande si le patient est satisfait. C’est un style plus

72 collaboratif. Dans un style qui guide, les questions ont une forme socratique, c’est le patient qui trouve lui-même les réponses qu’il cherche. Cette méthode est la plus efficace quand il s’agit de faire changer un comportement de santé et à terme un style de vie.