1.2 Syst` emes lin´ eaires hyperboliques ` a coefficients discontinus (Chapitre
1.2.1 Syst` emes lin´ eaires hyperboliques ` a coefficients discontinus sans
Ma pr´eoccupation premi`ere a ´et´e de donner un sens au probl`eme suiv-ant: Hu = f, (t, y, x) ∈ Ω, u|t<0 = 0 , o`u H := ∂t+ d X j=1 Aj(t, y, x)∂j,
et avec Ω = {(t, y, x) ∈ (0, T ) × Rd−1× R}, T > 0 ´etant fix´e une fois pour toutes. Je note :
H±:= ∂t+ d X j=1 A±j (t, y, x)∂j, o`u A±j est la restriction de Aj `a ±x > 0.
L’inconnue du probl`eme, u(t, y, x) appartient `a RN et les matrices Aj appartiennent `a MN(R). Je suppose que les coefficients Aj sont con-stants en dehors d’un compact, C∞ par morceaux, et que la disconti-nuit´e du coefficient est localis´ee sur l’hypersurface d’´equation x = 0. Les matrices Bj,k d´ependent de mani`ere C∞ de (t, y, x) et sont con-stantes en dehors d’un compact.
Le terme source f appartient `a H∞((0, T )×Rd), et est tel que f |t<0= 0. L’une des difficult´es majeures, vis-`a-vis de l’interpr´etation du prob-l`eme, r´eside dans la d´efinition du produit non-conservatif: Ad∂xu, dans le cas o`u u est discontinue en {x = 0}. En revanche, ce probl`eme ne se pose plus lorsque je consid`ere le probl`eme visqueux, parabolique `a ε > 0 fix´e, suivant:
(1.2.1)
Hεuε = f, (t, y, x) ∈ Ω, uε|t<0 = 0,
o`u la pertubation visqueuse de l’op´erateur hyperbolique H que j’envisage est donn´ee par:
Hε := ∂t+ d−1 X j=1 Aj∂j + Ad∂x− ε X 1≤j,k≤d ∂j(Bj,k∂k.)
Les hypoth`eses faites ici, inspir´ees de celles faites lors de l’´etude visqueuse des chocs, se d´ecoupent en des hypoth`eses de structure et des hypoth`eses g´eom´etriques. Commen¸cons par les hypoth`eses struc-turelles. Tout d’abord, pr´ecisons l’hypoth`ese d’hyperbolicit´e pour H, ainsi que l’hypoth`ese d’hyperbolicit´e-parabolicit´e qui assure la com-patibilit´e entre la parabolicit´e de Hε pour ε > 0 et l’hyperbolicit´e de H = Hε|ε=0.
Hypoth`ese 1.2.1 (Hyperbolicit´e `a multiplicit´e constante de H). Pour tout (t, y, x) ∈ (0, T ) × Rd−1× R∗ et (η, ξ) 6= 0Rd, la matrice
d−1 X
j=1
ηjAj(t, y, x) + ξAd(t, y, x)
doit ˆetre diagonalisable sur R. De plus, ses valeurs propres ont une multiplicit´e constante.
Le symbole de la partie parabolique, B, est d´efini par: B(t, y, x, η, ξ) := X j,k<d ηjηkBj,k(t, y, x) +X j<d ξηj(Bj,d(t, y, x) + Bd,j(t, y, x)) + ξ2Bd,d(t, y, x).
Je suppose la condition de Majda et Pego ([MP85]) satisfaite ; on a donc :
Hypoth`ese 1.2.2 (Hyperbolicit´e-Parabolicit´e de Hε).
Il existe c > 0 tel que pour tout (t, y, x) ∈ (0, T ) × Rd−1× R∗ et (η, ξ) ∈ Rd, les valeurs propres de la matrice
i d−1 X j=1 ηjAj(t, y, x) + ξAd(t, y, x) ! + B(t, y, x, η, ξ) v´erifient <e µ ≥ c(|η|2+ ξ2).
Je suppose ensuite que l’hypersurface sur laquelle se produit la dis-continuit´e du coefficient, d’´equation x = 0, est non-caract´eristique pour l’op´erateur H, ce qui signifie :
Hypoth`ese 1.2.3 (Bord non-caract´eristique). ∀t ∈ (0, T ), det Ad|x=0+(t) 6= 0 et det Ad|x=0−(t) 6= 0.
Les deux hypoth`eses g´eom´etriques (signe et transversalit´e) que je vais introduire maintenant apparaissent naturellement dans l’´etude des chocs qui est un probl`eme math´ematiquement tr`es voisin. Dans le cas que je traite, on verra que cette hypoth`ese empˆeche l’apparition de modes expansifs. La notion d’expansivit´e de la discontinuit´e pour des syst`emes non diagonaux sera dˆument explicit´ee lors du chapitre suivant. Je noterai A±d la restriction de Ad `a {±x > 0}.
Hypoth`ese 1.2.4 (Hypoth`ese de signe). Il existe p ≤ N − 1 et q ≥ 0 tels que :
• Les valeurs propres de la matrice A−
d(t, y, 0), ordonn´ees par ordre croissant not´ees par (λ−i (t, y))1≤i≤N, sont telles que λ−p < 0 et λ−p+1> 0.
• Les valeurs propres de la matrice A+
d(t, y, 0), ordonn´ees par or-dre croissant not´ees par (λ+i (t, y))1≤i≤N, v´erifient λ+p+q < 0 et λ+p+q+1> 0.
L’Hypoth`ese 1.2.4 interdit en particulier le cas o`u A+d(t, y, 0) a toutes ses valeurs propres positives et A−d(t, y, 0) a toutes ses valeurs propres n´egatives. Cette hypoth`ese ne suffit pas `a interdire l’apparition de modes expansifs. Cette notion de modes expansifs est claire pour des matrices diagonales (on est ramen´e dans ce cas `a la d´efinition donn´ee lors du chapitre pr´ec´edent pour des ´equations scalaires). On se place par exemple dans le cas des syst`emes 2 × 2, avec Bd,d = Id (de mˆeme que pour la r´egularisation visqueuse des ´equations scalaires du chapitre pr´ec´edent) et on consid`ere un coefficient Ad:= A+d1x>0+ A−d1x<0 diag-onal et constant de part et d’autre de {x = 0}. Si A−d et A+d ont toutes deux une valeur propre < 0 et une valeur propre > 0, l’hypoth`ese de signe est bien v´erifi´ee. Pourtant, deux cas de figure satisfont ces hy-poth`eses. Prenons, par exemple,
A−d = 1 0 0 −1
.
Alors, si
A+d = 2 0 0 −2
,
deux modes traversants sont pr´esents. Par contre, si A+d = −2 0
0 2
,
je me trouve dans le cas d’un mode compressif et d’un mode expansif. L’hypoth`ese de transversalit´e donn´ee ci-dessous interdit la pr´esence de modes expansifs dans l’exemple qui vient d’ˆetre d´ecrit.
Soit Gd := (Bd,d)−1Ad. L’espace vectoriel E−(Gd) [resp E+(Gd)] est d´efini comme l’espace g´en´er´e par les vecteurs propres associ´es aux valeurs propres < 0 [resp > 0] de Gd. L’hypoth`ese de transversalit´e s’´ecrit alors :
Hypoth`ese 1.2.5 (Transversalit´e).
Les espaces E−(Gd|x=0+) et E+(Gd|x=0−) s’intersectent transversale-ment dans RN, ce qui s’exprime ´egalement ainsi:
E−(Gd|x=0+) + E+(Gd|x=0−) = RN.
Je vais maintenant donner l’hypoth`ese de stabilit´e, qui est de na-ture g´eom´etrique. Pour cela, je vais au pr´ealable introduire quelques notations. Dans ce qui suit, η := (η1, . . . , ηd−1) sera la variable Fourier duale de y et ξ la variable Fourier duale de x. De plus, γ servira `a noter un param`etre ≥ 0. Le param`etre ζ sera alors d´efini par ζ := (τ, γ, η). Notons A± la matrice de M2N(C) donn´ee par :
A±(t, y, x; ζ) = 0 Id M±(t, y, x; ζ) A±(t, y, x; η) , avec M±(t, y, x; ζ) = Bd,d−1A±d(t, y, x)A±(t, y, x; ζ)+Bd,d−1(t, y, x) d−1 X j,k=1 ηjηkBj,k(t, y, x),
o`u A± est le symbole hyperbolique tangentiel d´efini par : A±(t, y, x; ζ) := (A±d)−1(t, y) (iτ + γ)Id + d−1 X j=1 iηjAj(t, y, x) ! .
Finalement, notons : A±(t, y, x; η) = Bd,d−1A±d(t, y, x)−B−1d,d(t, y, x) d−1 X j=1 iηj(Bj,d(t, y, x) + Bd,j(t, y, x)) .
J’introduis le poids Λ(ζ) utilis´e pour une remise `a l’´echelle quand j’´etudie le comportement haute fr´equence, c’est-`a-dire pour |ζ| grand :
Λ(ζ) = 1 + τ2+ γ2+ |η|4
1 4 .
L’application JΛ est d´efinie de CN × CN dans CN × CN par : (u, v) 7→ (u, Λ−1v).
Les espaces positifs et n´egatifs des matrices A±(t, y, x; η), remis `a l’´echelle sont d´efinis par :
e
E±(A±) := JΛE±(A±).
L’hypoth`ese de stabilit´e, de nature spectrale, s’´ecrit alors : Hypoth`ese 1.2.6 (Condition d’Evans uniforme).
Supposons que pour tout (t, y) ∈ (0, T ) × Rd−1 et ζ = (τ, η, γ) ∈ Rd× R+− {0Rd+1}, on a: e D(t, y, ζ) = detEe−(A+(t, y, 0; ζ)), eE+(A−(t, y, 0; ζ)) ≥ C > 0.
Le d´eterminant de deux espaces vectoriels se calcule en choisissant une base orthonorm´ee directe pour chacun d’entre eux. L’hypoth`ese de stabilit´e introduite ci-dessus ne d´epend pas, bien sˆur, du choix de ces bases. Les z´eros de eD repr´esentent les fr´equences pour lesquelles le probl`eme symbolique associ´e est instable. Ce type d’hypoth`ese a ´et´e d´egag´e lors de travaux sur les ondes de choc. On peut notamment se r´ef´erer aux travaux de D. Serre et K. Zumbrun ([SZ01],[ZS99]), de S. Benzoni, D. Serre et K. Zumbrun ([BGSZ06],[BGSZ01]), de F. Rousset [Rou03], ainsi qu’aux travaux de O. Gu`es, G. M´etivier, K. Zumbrun et M. Williams ([GMWZ05] par exemple), de G. M´etivier et K. Zumbrun ([MZ05], [MZ04]) et au livre de G. M´etivier ([M´et04]).
Sous ces hypoth`eses, pour tout ε > 0 fix´e, le probl`eme parabolique (1.2.1) a une unique solution uε. Cette solution appartient `a H∞((0, T )×
Rd−1× R∗); de plus, elle appartient globalement `a C1((0, T ) × R). Si l’on note uε± la restriction de uε `a {±x > 0}, uε satisfait les conditions de transmission `a l’interface :
uε+|x=0+ − uε−|x=0− = 0,
∂xuε+|x=0+− ∂xuε−|x=0− = 0 .
Je montre que les conditions au bord r´esiduelles obtenues sur u s’´ecrivent alors:
u|x=0+ − u|x=0− ∈ Σ,
o`u Σ est un sous-espace de RN, d´ependant du choix du tenseur de viscosit´e.
Le sous-espace Σ est donn´e par : Σ := (Gd|x=0+)−1− (Gd|x=0−)−1
E−(Gd|x=0+)\E+(Gd|x=0−). Je prouve ainsi le Th´eor`eme 3.2.9 de la Th`ese, que l’on rappelle ici: Th´eor`eme 1.2.1. Il existe C > 0 tel que, pour tout 0 < ε < 1,
kuε− ukL2(Ω) ≤ Cε,
o`u uε est la solution de 1.2.1 et u := u+1x>0+ u−1x<0 la solution du probl`eme de transmission bien pos´e suivant:
H+u+= f+, (t, y, x) ∈ (0, T ) × Rd+, H−u−= f−, (t, y, x) ∈ (0, T ) × Rd−, u|x=0+ − u|x=0− ∈ Σ, u|t<0= 0 .
Cette preuve se fait sans avoir recours au calcul pseudo-diff´erentiel dans le cas o`u les coefficients sont constants de part et d’autre de {x = 0}. Dans ce cas, je prouve d’abord des estimations, en variables de Fourier, par sym´etriseur de Kreiss, qui donnent ensuite l’estimation voulue via le th´eor`eme de Fourier-Plancherel.
Ce th´eor`eme montre que, pour un tenseur de viscosit´e donn´e, l’appro-che `a viscosit´e ´evanescente s´electionne une solution. La dimension de l’espace vectoriel Σ (ind´ependante des variables tangentielles) exprime
le nombre de modes compressifs pr´esents dans la discontinuit´e.
Si la discontinuit´e n’a que des modes traversants, alors Σ = {0}, et donc la solution u s´electionn´ee appartient `a C0((0, T ) × Rd) mais n’appartient pas `a C1((0, T ) × Rd). Quand des modes compressifs sont pr´esents, u est en g´en´eral discontinue sur l’hypersurface d’´equation x = 0.
Dans tous les cas, la solution u obtenue appartient `a H∞((0, T ) × Rd−1× R∗); on n’a donc aucune perte de r´egularit´e sur les demi-espaces {x > 0} et {x < 0} en passant `a la limite visqueuse. Cela montre que les seules couches limites pr´esentes se forment le long de l’hypersurface non-caract´eristique {x = 0}.
En l’absence de modes compressifs, les couches limites form´ees sont de faible amplitude.
Remarquons que l’´etude du probl`eme dans sa formulation non-conservative fournit des r´esultats diff´erents de ceux obtenus par l’´etude des probl`emes pris dans leur forme conservative. En effet, comme je l’ai montr´e dans le chapitre pr´ec´edent, pour une formulation conserva-tive du probl`eme, la pr´esence de modes compressifs induit la formation d’une masse de Dirac, quand ε → 0+. A contrario, les seules singular-it´es observ´ees ici sont des sauts de la fonction ou de ses d´eriv´ees.
J’ai choisi d’imposer que u|t<0 = 0 et que f |t<0, afin que les condi-tions de compatibilit´e soient trivialement satisfaites. Si ce n’´etait pas le cas, pour chaque mode traversant, une singularit´e se formerait en (t = 0, x = 0) puis se propagerait le long des caract´eristiques issues de ce point. Supposer que les conditions de compatibilit´e sont satis-faites permet d’isoler les singularit´es provoqu´ees par les discontinuit´es de coefficients.