Les syst`emes attentionnels pr´esents dans la litt´erature utilisent une estimation de l’attention des personnes comme donn´ee d’entr´ee. Ces diff´erents syst`emes proposent par exemple la r´ealisation d’interfaces attentionnelles pour le contrˆole du d´emarrage ou de l’arrˆet d’un service (Shell et al.,2004), la cr´eation d’un syst`eme de notification d’informa-tion (Horvitz et al., 2003), la gestion d’interruption (Mcfarlane, 2002) . . . Ces syst`emes, d´esign´es sous le nom “Attention User Interface” (AUI) regroupent plusieurs fonctionnali-t´es qui sont : percevoir l’´etat attentionnel de l’utilisateur, raisonner `a partir de cet ´etat, communiquer, n´egocier graduellement le passage du focus de la p´eriph´erie au centre (Shell et al., 2003). Ils ont besoin entre autres :
– de d´etecter l’´etat attentionnel du sujet : vers quel objectif ou tˆache courante est dirig´ee l’attention de l’utilisateur
– de choisir des strat´egies de pr´esentation de l’information pour maintenir l’attention ou au contraire, modifier l’´etat actuel de l’attention de l’utilisateur.
8.2.1 D´etection de l’´etat attentionnel
La d´etection de l’´etat attentionnel s’appuie sur le recueil d’indices perceptibles par le syst`eme. Ces indices peuvent ˆetre de bas niveau (orientation des capteurs sensoriels de l’individu) ou de plus haut niveau (reconnaissance d’activit´e afin de d´eduire l’attention associ´ee).
Concernant le bas niveau, la d´etection de l’´etat attentionnel se r´esume tr`es souvent `a la d´etection de l’orientation du regard ou de la tˆete. Cette mesure est tr`es complexe (difficult´e `a d´etecter les yeux, faible r´esolution des images . . . ). Mais la direction du
Mod`ele attentionnel
gard est effectivement une indication de l’attention dans de nombreux cas comme par exemple, lors de l’interaction verbale en face `a face avec une autre personne. De mˆeme, une saccade oculaire provoqu´ee par un ´ev´enement surprenant (bruit, flash lumineux etc.) s’accompagne n´ecessairement d’un d´eplacement de l’attention vers la source de cet ´ev´ene-ment. Cela ne reste n´eanmoins pas une mesure totalement fiable. Dans certaines situations publiques o`u l’espace est r´eduit (un tramway par exemple), les regards ont tendance `a se fuir. Ils risquent sinon d’ˆetre per¸cus de mani`ere n´egative en empi´etant l’espace personnel des autres. La direction du regard dans ce cadre ne refl`ete pas l’attention de la personne.
La d´etection de l’attention auditive reste ´egalement une tˆache d´elicate. De mˆeme que pour le regard, la direction de la tˆete n’est pas un indice totalement fiable. Un conducteur aura par exemple son regard dirig´e vers la route alors que son attention auditive pourra ˆetre totalement dirig´ee vers son passager avec lequel il est en conversation.
8.2.2 Strat´egies de pr´esentation
La prolif´eration des moyens informatiques ne doit pas devenir un handicap mais au contraire fournir plus de moyens et cr´eer plus d’opportunit´es pour interagir de fa¸con souple et discr`ete avec les utilisateurs. Chaque objet communiquant disposant de moyens d’interagir avec l’utilisateur constitue une opportunit´e. La strat´egie de pr´esentation va chercher `a concilier des contraintes comme l’urgence du service, la confidentialit´e etc., avec l’´etat attentionnel estim´e de l’utilisateur. Les questions pos´ees pour la strat´egie de pr´esentation sont qui, o`u, comment et quand :
Qui ?
La plupart des travaux s’int´eressent `a des applications mono-utilisateur et ne se posent donc pas cette question. En situation multi-utilisateur, les individus appartiennent `a un r´eseau de relations o`u tous les individus en interaction se prˆetent plus ou moins atten-tion. Si le syst`eme interrompt un utilisateur en interaction, tous les individus en interac-tion avec lui risquent d’ˆetre interrompus. Par exemple, lors d’un s´eminaire, un t´el´ephone portable interrompant une personne de l’assistance ne va perturber que cette personne. Un t´el´ephone mobile interrompant l’orateur va perturber la totalit´e de l’assistance. C’est donc un point qu’il est important de prendre en compte.
Les syst`emes attentionnels
O`u ?
Une fois l’attention d´etermin´ee, il s’agit de choisir parmi l’ensemble des p´eriph´eriques disponibles (´ecrans, projecteurs, PDA etc.) celui pr´esent dans le champ attentionnel de l’utilisateur et susceptible de pouvoir lui d´elivrer le message. Vertegaal et al. ont d´evelopp´e par exemple des objets d´edi´es `a l’attention. Ils d´etectent la pr´esence d’un regard sur eux et peuvent ˆetre ´equip´es d’une paire d’yeux artificiels simulant ainsi la prise de contact par le regard. Ce sont des “Eyepliances” (voir (Shell et al., 2004; Vertegaal et al., 2005) par exemple).
Comment ?
C’est le rˆole des “objets” ambiants ou des syst`emes d’affichage p´eriph´eriques (voir en particulier les d´efinitions propos´ees par Pousman (Pousman & Stasko, 2006)). Le probl`eme `a r´esoudre est d’apporter de l’information `a l’utilisateur en marge de sa tˆache principale en veillant `a ne pas consommer trop de ressources attentionnelles. La quantit´e d’attention d´etourn´ee de la tˆache principale doit en particulier ˆetre directement reli´ee `a l’urgence de l’information `a pr´esenter. Par rapport `a cet objectif, un syst`eme d’affichage p´eriph´erique peut se d´efinir selon trois dimensions (Matthews et al., 2004) :
1. L’abstraction : cela consiste `a r´eduire la fid´elit´e de l’information de fa¸con `a la simpli-fier afin de consommer le moins possible d’attention. De plus, elle permet d’adapter un contenu suivant les capacit´es de pr´esentation du dispositif. Ce probl`eme est particuli`erement ´etudi´e dans le cadre de la plasticit´e des interfaces.
2. Le niveau de notification : le niveau de notification est directement li´e `a l’impor-tance de l’information. Plus l’information est importante et plus le p´eriph´erique va “´emettre” avec force afin de saisir l’attention de l’utilisateur.
3. Les transitions : leur but est de faire co¨ıncider l’affichage de l’information avec le degr´e d’urgence. Les transitions peuvent par exemple ˆetre des variations lentes de couleurs pour une information peu urgente ou `a l’oppos´e la production de sons et de flashes lumineux.
A partir de ces trois dimensions, il est possible de d´efinir des objets attentionnels sol-licitant l’attention de l’utilisateur `a diff´erents niveaux : pr´eattentionnel, inattentionnel, divis´ee et focalis´ee
Quand ?
Il s’agit pour le syst`eme de d´eterminer le meilleur moment afin d’entrer en interaction avec l’utilisateur. Une approche consiste par exemple `a d´ecrire la tˆache globale sous forme d’une arborescence de tˆaches et sous-tˆaches (Adamczyk & Bailey, 2004). Le meilleur
Mod`ele attentionnel
moment pour d´eclencher une interruption est entre deux tˆaches (une interruption au cours d’une sous-tˆache est per¸cue comme intempestive). Des ´etudes ont ´egalement ´et´e men´ees afin de d´eterminer la modalit´e d’interruption pr´ef´er´ee des utilisateurs (Mcfarlane,
2002). Ces approches s’int´eressent particuli`erement aux propri´et´es de la tˆache et de ces effets sur les processus cognitifs de haut niveau des utilisateurs. Elles sont orient´ees mono-utilisateur et ne peuvent donc pas appr´ehender les r´epercutions que peuvent avoir sur un ensemble de personnes la modification de l’attention de l’une d’entre elles.
En r´esum´e, les travaux sur l’attention peuvent ˆetre regroup´es en deux cat´egories : les syst`emes raisonnant sur l’´etat attentionnel de l’individu et ceux proposant des strat´egies de pr´esentation. Les approches propos´ees sont orient´ees mono-utilisateur. Elles ne sont de plus `a notre connaissance pas coupl´ees : les modifications de l’environnement provo-qu´ees par la pr´esentation de services ne sont pas r´einject´ees dans l’estimation de l’´etat attentionnel.
L’objectif de la th`ese de J´erˆome Maisonnasse est de proposer un mod`ele attentionnel global. Global signifie que ce mod`ele n’est plus centr´e sur l’utilisateur mais sur l’environ-nement et les diff´erents utilisateurs et syst`emes interactifs pr´esents. Il permet de plus de pr´edire les cons´equences induites par une modification de l’environnement sur l’attention de l’ensemble des acteurs pr´esents. Ce mod`ele est pr´esent´e section 8.4.