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Ethique, respect de la vie priv´ee

10.2 Apprentissage renforc´e indirect

11.1.2 Ethique, respect de la vie priv´ee

L’´etude de la faisabilit´e des sc´enarios d’intelligence ambiante a ´et´e ma principale priorit´e. De mani`ere un peu simpliste, on pourrait r´esumer cette approche par : ”voyons d’abord si ¸ca marche, on se demandera ensuite si c’est ´ethiquement correct”.

Les probl`emes d’´ethique et de respect de la vie priv´ee ont ´et´e abord´es tr`es tˆot dans le domaine de l’intelligence ambiante (voir (Bellotti & Sellen,1993) par exemple). L’´evo-lution rapide de notre soci´et´e et de nos comportements face aux technologies de l’infor-mation me conduit `a reconsid´erer mes priorit´es.

Pour la plupart des gens, le terme ”priv´e” d´esigne le droit de chacun de d´ecider quelle information le concernant est connue et par qui. La notion de ”priv´ee” est une notion qui a ´evolu´e au cours de l’histoire en s’adaptant en particulier aux ´evolutions technologiques (Langheinrich, 2001). On retrouve des premi`eres traces en 1361 `a travers un arrˆet de la justice anglaise `a l’encontre des voyeurs et des personnes ´ecoutant aux portes ou aux fenˆetres β. Au 18eme si`ecle, le parlementaire Anglais William Pitt d´efinit le droit de chacun `a ce que sa maison soit une zone privil´egi´ee o`u mˆeme le roi et ses gardes ne peuvent entrer. On parle de territorial privacy. Au 19emesi`ecle, le d´eveloppement de la presse ´ecrite a apport´e de nouvelles d´erives. Samuel Warren et Louis Brandeis, dans leur article de r´ef´erence ”The Right of Privacy” (Warren & Brandeis, 1890) d´efinissent ”the right to be let alone”. Ils d´enoncent en particulier la possibilit´e, grˆace aux progr`es de la photographie, de pouvoir prendre quelqu’un `a la vol´ee sans sa permission. Initialement,

β

. peeping toms and eaves-droppers

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la prise en photo d’une personne n´ecessitait qu’elle reste assise sans bouger un long moment, sinon, la photo ´etait floue. Dans les ann´ees 30 est apparu la communication privacy dans le cadre du proc`es Olmstead contre le gouvernement des Etats-Unis. Il s’agissait de d´eterminer la l´egalit´e de la mise en place d’enregistrements t´el´ephoniques. Depuis les ann´ees 60− 70, avec l’arriv´ee et la g´en´eralisation des outils informatiques pour le stockage et l’automatisation du traitement des donn´ees (par les gouvernements puis par les acteurs priv´es), nous sommes maintenant dans l’information privacy.

Le respect des donn´ees priv´ees est-il important ? Est-ce une pr´eoccupation g´en´erale ? Scott McNealy, PDG de SUN, r´esume ainsi une attitude que l’on rencontre fr´equemment face aux d´eveloppements tr`es rapides de la technologie : « You already have zero-privacy anyway, get over it. ». Peter Cochrane, ancien dirigeant du laboratoire avanc´e de re-cherche de British Telecom soutient que la vie serait actuellement meilleure sans vie priv´ee. Il argumente en particulier les aspects pratiques qui en d´ecouleraient :

«We have never enjoyed total anonymity in the past world of paper, so why should we expect it to be remotely possible in a world of bits ? Not only might it be infeasible to put into effect most of the well intended privacy legislation, it might actually do more harm than good : Should I be knocked unconscious in a road traffic accident in New York – please let the ambulance have my medical record »

Amitai Etzioni se place sur le plan du bien pour la soci´et´e :

«If the FBI is able to decipher secret email messages, it can better prevent ter-rorists from planning their operations. If newborns are tested for HIV, imme-diate treatment can significantly increase their life expectancy while revealing information about their parents that those would rather avoid »

Cet argument pr´esuppose la pr´esence d’un gouvernement dont le contrˆole d´emocratique est suffisant pour garantir qu’il n’agit que dans l’int´erˆet de ses citoyens et qu’il n’abuse pas de son pouvoir.

Ces positions extrˆemes illustrent bien que la d´efense des donn´ees priv´ees ne va pas forc´ement de soi, d’autant plus que les usagers eux-mˆemes sont prˆets `a y renoncer si le b´en´efice qu’ils en retirent est suffisant (cet argument est repris dans la section 11.2.2).

Il y a bien ´evidemment une implication de l’informatique dans la probl´ematique du respect des donn´ees priv´ees. Cette implication s’est consid´erablement renforc´ee avec la g´en´eralisation d’internet. De part ses caract´eristiques, l’intelligence ambiante ajoute encore une part non n´egligeable de risque dans ce domaine. Comme le souligne Philip Brey (Brey, 2005), les objets intelligents γ construisent g´en´eralement un profil de leurs

utilisateurs (pr´ef´erences, comportement, etc). Ils sont par principe connect´es au r´eseau. Le risque de voir circuler librement des donn´ees personnelles est donc important.

γ

Bilan

Selon le principe de l’informatique ubiquitaire, ces objets sont appel´es `a se multiplier et `a devenir invisibles, au risque de nous faire oublier les cons´equences de leur pr´esence. Ils per¸coivent leur environnement avec une qualit´e de plus en plus importante (son, vi-d´eo) et deviennent capables de m´emoriser et indexer nos activit´es pour une consultation ult´erieure.

Comme le souligne Brey (Brey, 2005), l’intelligence ambiante offre ´egalement un grand potentiel pour les entreprises commerciales, leur promettant la transparence totale du march´e et un acc`es direct aux consommateurs. Elle leur offre des moyens de connaˆıtre leurs clients et de les atteindre avec des publicit´es cibl´ees. Par exemple, la plupart des hypermarch´es remplacent actuellement leurs cartes de fid´elit´e par des cartes `a puce fai-sant ´egalement office de cartes bleues. Ils ont donc maintenant acc`es `a nos habitudes de consommation, non seulement dans leurs magasins (cas des anciennes cartes de fid´elit´e), mais ´egalement chez les autres commer¸cants, r´eduisant d’autant notre espace de libert´e. Pire encore, si les objets communicants deviennent des agents intelligents de confiance, les entreprises n’auront plus besoin de convaincre directement les consommateurs avec leurs arguments mais pourront s’appuyer sur l’autorit´e de ces agents intelligents pour convaincre les utilisateurs de faire des achats. Les objets dynamiques pourraient devenir des interm´ediaires entre les entreprises et les consommateurs pour influencer leur juge-ment. Pour arriver `a cela, il est important que ces entreprises puissent influencer les algorithmes par lesquels les objets communicants tirent leurs conclusions. Une telle in-fluence pourrait d´ej`a ˆetre exerc´ee lors de la phase de conception, lorsque les d´eveloppeurs travaillent avec des entreprises commerciales pour mettre en place ces nouveaux mod`eles ´economiques.

Ce tableau assez sombre pourrait conduire dans une vision pessimiste `a rejeter l’in-formatique ambiante. Faut-il jeter tout le panier si quelques fruits sont pourris ? Ce mˆeme constat pessismiste pourrait ˆetre fait pour l’Internet en g´en´eral. Mais les b´en´efices d’in-ternet pour la soci´et´e sont tels qu’il ne faut pas reculer face aux risques encourus mais plutˆot adopter une approche volontariste pour les prendre en compte et essayer de les maˆıtriser.

En r´esum´e, comme l’indique Langheinrich, la prise en compte de la protection de la vie priv´ee est de notre responsabilit´e en tant que chercheur :

«We cannot rely on lawmakers and sociologists to be fully aware of the vast possibilities and implications that the technology so obviously presents to us. It is us who need to understand the potential and danger of our advancements, and develop sound conventions and guidelines according to well-established principles that will help us drive technology into a responsible and socially acceptable direction. »

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