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Systématisation#et#traitement#des#informations#

Dans le document La promotion de l'origine au Brésil (Page 52-57)

le terrain, dans le but de ne pas perdre d’informations, de faire une première synthèse de chaque entretien et de voir s’il manquait des données essentielles à la compréhension de l’étude de cas. L’objectif méthodologique de départ visait une retranscription intégrale des entretiens. Or, il est rapidement apparu qu’il s’agissait d’une tâche démesurément fastidieuse. En effet, du fait de la langue étrangère et de la durée des entretiens (de 30 minutes à 3 heures), j’ai rapidement été incapable d’assumer la retranscription intégrale. Je n’ai pourtant pas abandonné pour autant l’idée de faire une analyse de contenu. D’une part, chaque entretien était non seulement accompagné d’une prise de notes aussi minutieuse que le contexte environnant le permettait, mais en plus enregistré, sauf avis contraire de la personne interrogée. D’autre part, je veillais à relever le temps d’enregistrement lors des interventions les plus pertinentes pour pouvoir me référer plus tard au discours des acteurs.

63 Carolina ANDION, Atuação das ONGs…, ouv. cité, 2007, 385 p.

64 Milton Luiz SILVESTRO, Ricardo ABRAMOVAY, Márcio Antônio de MELLO, Clovis DORIGON et Ivan T. BALDISSERA, Os impasses sociais da sucessão hereditária na agricultura familiar, Florianópolis, Epagri, Brasília, NEAD/ Ministério do Desenvolvimento Agrário, 2001, 102 p.

L’analyse de contenu ne demande pas de décomposer toutes les informations contenues dans un entretien. Au contraire, elle consiste à dégager uniquement celles qui sont importantes par rapport à la problématique. L’objectif est de repérer, les pratiques, les représentations, les attitudes, les opinions, les connaissances, le sens que les producteurs et les institutionnels donne à leurs actes et aux initiatives de différenciation. Sans retranscription intégrale, j’ai préféré ne pas me référer à des méthodes dont l’unité d’analyse est le mot ou la phrase. L’analyse thématique s’est ainsi imposée. La systématisation des données obtenues au cours des entretiens a aboutit à la formulation de huit catégories thématiques : depuis la description des acteurs et de la caractérisation des produits vers la présentation des démarches de valorisation, dans leur contexte politique et réglementaire (cf. Encadré 2).

Encadré 2. Systématisation des informations sous forme thématique

Thématique 1 : Caractérisation des acteurs impliqués dans les démarches

Description et localisation objective des acteurs, position, implication et rôle, motivation dans la mise en place d’une démarche de différenciation de leur produit, nombre de personnes impliquées et formes organisationnelles, évolution en fonction du temps.

Thématique 2 : Caractérisation du produit

Construction et ancrage historique, caractéristiques du produit, réputation, typicité, savoir-faire, mise en place d’innovations, évolution progressive du produit (imposée ou recherchée), stratégie concurrentielle, acquisition de nouvelles compétences, formation de la main-d’œuvre, confrontation tradition/modernisme, spécificité du produit par rapport à ses concurrents, relation à l’environnement et au territoire, représentation de la part de l’interviewé de la notion de « terroir » et d’origine.

Thématique 3 : Évaluation du contexte institutionnel et des normes

Recensement des lois et des décrets en vigueur, type de protection mise en place, structure et cahier des charges, utilisation de marques, existence de contrôle (qui, comment), perception et compréhension des instruments développés ou à disposition, connaissances des outils juridiques des acteurs des filières.

Thématique 4 : Conditions d’émergence des démarches de valorisation, de leur demande ou de leur simple étude

Comment et pourquoi sont apparues ces initiatives ? Qui en est à l’origine ? S’agit-il d’une démarche des producteurs eux-mêmes ou des institutions locales ? Existe-il des leaders ? Quel est/était (alors) le contexte économique ? Les initiatives ont-elles un rapport avec le maintien, le soutien ou le développement du tissu social de la région ? Quelles sont/étaient les menaces et opportunités de marché (légitimité) ?

Thématique 5 : Caractérisation de la commercialisation

Description des formes, des circuits de commercialisation, des marchés cibles, des prix, des motivations des acteurs de la commercialisation pour la mise en place des stratégies, du nombre de personnes impliquées (évolution au cours du temps), de leur organisation (évolution), du type de promotion mise en place, de la divulgation de l’information, des consommateurs.

Thématique 6 : Évaluation des résultats

Nombre et type d’agriculteurs impliqués, logiques d’adhésion et initiatives, dispositifs formels et informels, valeur ajoutée, volume de ventes, bénéfices et distribution des bénéfices le long de la filière, influence des démarches sur les conditions économiques et sociales des acteurs, impacts potentiels des démarches sur le développement local, construction collective d’une production localisée.

Thématique 7 : Évaluation de la pérennité de la démarche

Mise en place ou non de dispositifs de contrôle, indépendance et niveau d’efficacité de ces dispositifs (crédibilité), compétitivité, niveau de confiance entre les acteurs des différents réseaux, logiques d’apprentissage, fidélisation de la clientèle, reproductibilité et durabilité, implication des producteurs, appropriation par les acteurs de la notion d’origine.

Thématique 8 : Évaluation de la dynamique territoriale

Existence d’une dynamique à l’échelle du territoire, coordination entre les acteurs, démarches de valorisation du territoire, promotion du tourisme, articulation de la stratégie de valorisation de l’origine avec l’offre globale du territoire

Intégrées dans mon cadre d’analyse et confrontées aux critères et à leurs indicateurs, ces huit thématiques ont permis de « déconstruire » les représentations des acteurs et les données secondaires de manière à en donner une nouvelle lecture.

La masse d’informations recueillie au cours des 215 entretiens, au long des lectures et des recherches bibliographiques n’a jamais visé à la production de quatre monographies. Le traitement des informations s’appuie sur une démarche « relationnelle » qui dépasse le seul cadre de la comparaison. Un regard croisé entre les quatre cas apparaît donc comme la méthode la plus pertinente pour exploiter la diversité des cas et des dimensions de l’origine mobilisées et pour mener une analyse fine des conditions de construction du lien à l’origine pour les productions agro-alimentaires au Brésil. Néanmoins, la présentation successive des cas me semble primordiale avant de s’essayer à un regard croisé. Dans un premier temps, elle permet de mettre en évidence les différentes dimensions de l’origine mobilisées dans chaque territoire sans compter l’appréhension diachronique et synchronique des cas, en termes de construction des stratégies (opportunités et limites). Ensuite, elle peut être dépassée afin d’analyser la construction et la diffusion du modèle de promotion de l’origine, dans une approche plus globale.

Chapitre 2. La valorisation de l’origine au

Brésil

Au Brésil, le thème de la différenciation des produits agroalimentaires et la protection de la propriété intellectuelle apparaît à la fin des années 1990, conséquence directe de l’ouverture du pays sur le monde. Contrairement aux pays du Nord, les échanges de biens ont été bien moins marqués par les grandes crises alimentaires. Toutefois, l’allongement des filières et l’ouverture des marchés à l’export ont favorisé la construction de règles d’échanges et de dispositifs nouveaux. Aussi, contre toute attente, la libéralisation de l’économie brésilienne ne s’oppose pas à l’affirmation de produits de qualité différenciée et ne confirme pas systématiquement l’hypothèse selon laquelle « l’internationalisation tend à accélérer le passage d’une convention de qualité fondée sur la confiance personnelle à un accord de type industriel »65. À mesure que les politiques brésiliennes s’inscrivent dans la politique mondiale, la promotion naissante de produits spécifiques s’appuie sur une intervention plus importante des organismes publics et le recours à de nouveaux dispositifs institutionnels autre

que la marque privée ou la reconnaissance d’une réputation66. Plusieurs formes de

qualification reflètent les dynamiques territoriales de valorisation de l’agroalimentaire brésilien : indications géographiques, agricultures biologiques et agroécologiques, patrimoine immatériel culturel, etc. (cf. Tableau 9). La réflexion sur la qualification des produits s’inscrit dans un ensemble de préoccupations économiques et sociales qui se croisent et se superposent. Le concept de lien à l’origine s’impose progressivement en prenant en compte le fait que le Brésil et son agriculture se sont construits en parallèle de l’avancée de fronts pionniers, des vagues d’immigration colonisatrices, de l’appropriation locale des territoires et

de la construction d’identités spécifiques67. Ce nouvel intérêt dérive également des difficultés

que le Brésil a connues suite au dépôt d’une marque privée par une multinationale japonaise

agroalimentaire. En enregistrant la marque cupuaçu, cette firme a, de fait, prohibé les

exportations brésiliennes du fruit du même nom. S’en sont suivies de longues négociations

65 Claire CERDAN et al., Pluralité des signes…, ouv. cité, 2009. Voir aussi John WILKINSON et Claire CERDAN, « The Institutionalization and Profile of GIs in Brazil », dans Joint Congress of the ERSA (47th) and ASRDLF (44th), Paris, 29 août-2 septembre 2007.

66 Wilson SCHMIDT, « Agricultura orgânica; entre ética e mercado? », Agroecologia e Desenvolvimento Rural Sustentável, vol. 2, n° 1, 2001, pp. 73 ; John WILKINSON, A agricultura familiar..., ouv. cité, 2004, pp. 62-87 ; Joana DIAS, A construção institucional..., ouv. cité, 2005, 158 p.; Adriana VERDI, « Proximités et gouvernances : activation et spécification des ressources dans les principaux territoires de la “cachaça” au Brésil », dans Cinquièmes Journées de la Proximité, Proximité entre Interaction et Institution, Bordeaux, 28-30 juin 2006, 21 p. ; Claire CERDAN et Delphine VITROLLES, « Valorisation des produits d’origine : contribution pour penser le développement durable dans la Pampa Gaúcha au Brésil », Géocarrefour, vol. 83, n° 3, 2008, pp. 191-200 ; Claire CERDAN et al., Pluralité des signes…, ouv. cité, 2009.

67 Voir par exemple Euclides da CUNHA, Hautes terres. La guerre de Canudos, Paris, Métailié, 1902, 528 p. ; Sérgio Buarque de HOLANDA, Racines du Brésil, Paris, Gallimard, 1936, 336 p. ; Gilberto FREYRE, Maîtres et esclaves. La formation de la société brésilienne, Paris, Gallimard, 1952, 557 p. ; Pierre MONBEIG, Pionniers et planteurs…, ouv. cité, 1952, 376 p. ; Raymond PÉBAYLE, Les Brésiliens pionniers et bâtisseurs, Paris, Flammarion, 1989, 361 p. ; Bernard BRET, « L’Amérique Latine : de la réforme agraire à l’agro-industrie », dans Jacqueline Bonnamour (ed.), Agricultures et campagnes dans le monde, Paris, SEDES, 1996, pp. 139-162.

qui ont conduit à la révocation de ce brevet. Pour en protéger l’utilisation, le gouvernement brésilien a publié, en 2006, une liste de noms de la flore et la faune originaires du Brésil et l’a diffusée auprès des Instituts de propriété intellectuelle des États membres de l’OMC.

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