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Chapitre II. Stratégie d’échantillonnage d’un système méandriforme anthropisé

II.1. Fonctionnement des systèmes fluviaux méandriformes

II.1.2. Les systèmes méandriformes

II.1.2.a. Principales caractéristiques

Les systèmes fluviaux méandriformes sont les plus communs dans la nature avec les systèmes en tresses (Leopold & Wolman, 1957; Allen, 1965; Bridge, 2003). Ils se caractérisent par un chenal unique et une sinuosité prononcée (supérieure à 1,5, Figure II.4a). Les systèmes méandriformes se classent en position intermédiaire par rapport aux systèmes rectilignes et en tresses, en termes de stabilité, de taille et de quantité de sédiments transportés (Figure II.4a). Les cours d’eau méandriformes se forment généralement sur des pentes faibles à modérées (inférieures à 2 % et généralement autour de 1 ‰). Plus le débit est important, plus la pente nécessaire à la formation des méandres est faible (Figure II.4b) (Leopold & Wolman, 1957; Rosgen, 1994; Church, 1996; Paccaud & Roulier, 2010).

La quantité, la distribution de taille des particules sédimentaires et le mode de transport influent également sur la morphologie des cours d’eau. Dans les systèmes méandriformes, la charge sédimentaire est essentiellement composée de limons et de sables fins (Figure II.4a) soient des sédiments dont la taille des grains est comprise entre 4 et 250 µm (Wentworth, 1922).

La proportion de charge de fond, si elle peut être importante, n’est pas dominante et représente en général moins de 35 % de la charge sédimentaire totale. On distingue cependant deux modes de transport sédimentaire dans les systèmes méandriformes selon la proportion de la charge de fond (Schumm, 1963) :

- Le mode de transport « suspended load » où la charge de fond représente 0 à 15 % de la charge totale. Ce mode de transport concerne généralement les cours méandriformes aux chenaux étroits (rapport largeur/profondeur du chenal inférieur à 7) et fortement sinueux (sinuosité supérieure à 2,1).

- Le mode de transport « mixed load » où la charge de fond représente entre 15 et 35 % de la charge totale. Ce mode de transport est généralement présent dans les cours méandriformes aux chenaux plus larges et moins sinueux que pour le mode « suspended load » (Figure II.5).

Les méandres se développent au cours du temps. La berge de la rive externe est érodée et le matériel est transporté en aval où il sera en partie déposé dans les rives internes où les turbulences sont plus faibles en formant des barres sédimentaires de convexité (Figure II.6a). Lors du processus de migration des méandres, leur amplitude croit jusqu’à ce que les branches se recoupent par tangence, donnant alors naissance à un bras mort (boucle de méandre abandonné) (Figure II.6b). Lorsque la migration est libre, le chenal va balayer la plaine alluviale à la faveur de ces recoupements de boucles de méandres (bande active), et des avulsions (vallée active) qui lors des crues permettent au cours d’eau d’emprunter un nouveau tracé suite à une rupture de levée et au développement d’un lobe de crevasse. De ce fait, dans un environnement sans contrainte comme une plaine alluviale, le tracé des méandres évolue progressivement : on parle de migration des méandres.

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Figure II.4: (a) Classification morphologique des principaux cours d'eau, figure issue de Church, (1996). (b) Classification en fonction de la pente et du débit, figure issue de Paccaud & Roulier, (2010).

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Le phénomène de migration des méandres, plus ou moins rapide selon les conditions, a fait et fait encore aujourd’hui l’objet de nombreuses études (ref. in Bridge, 2003). En effet, la migration des méandres induit des destructions d'aménagements et les dispositifs mis en place par l’Homme pour lutter contre ce phénomène affectent significativement le fonctionnement des écoulements. Le système cherchant perpétuellement l’équilibre, des aménagements locaux peuvent avoir des répercussions non-désirées sur le reste du cours d’eau et la plaine alluviale (Dzana, 2000). Les chenaux actifs ou abandonnés contrôlent également divers écosystèmes, certaines espèces ne vivant que dans ou autour de ces systèmes (Paccaud & Roulier, 2010).

Figure II.6 : Effet de la migration des méandres sur le paysage. (a) Représentation 3D des systèmes méandriformes et des différents mécanismes de dépôt et d’érosion. Source : Cojan & Renard (1997). (b) Exemple de migration de méandre jusqu’à recoupement et formation de chenal abandonné. Photographies aériennes prises sur Google Earth, utilisées dans la thèse de Dieras (2013).

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II.1.2.b. Ecoulements dans les systèmes méandriformes

Dans les systèmes fluviaux et particulièrement les systèmes méandriformes, les écoulements sont affectés par l’ensemble des forces gravitationnelles, de frottement et centrifuges produites par la morphologie du cours d’eau. Il en résulte d’une part une répartition inégale de l’écoulement principal et d’autre part la formation d’écoulements secondaires (perpendiculaires à l’écoulement principal). Ces écoulements secondaires forment des cellules de recirculation (Figure II.7).

Figure II.7 : Représentation schématique des écoulements principaux et des cellules de recirculation (écoulements secondaires). La morphologie du lit du cours d'eau dépend de l'intensité de ces cellules. Source : Nezu & Nakagawa (1993).

La distribution et l’intensité des écoulements dépendent de la courbure des méandres, de la profondeur et de la morphologie du lit (Tilston & Biron, 2006; Abad & Garcia, 2009; Sukhodolov, 2012).

- Dans une section de cours d’eau au niveau du point d’inflexion (entre deux boucles de méandre), l’écoulement principal est généralement maximal en surface et au milieu du cours d’eau. Le niveau de turbulence est relativement faible (Figure II.8).

- En revanche, au niveau des apex (au milieu d’une boucle), les forces centrifuges couplées à la forte asymétrie du lit produisent une déviation des lignes de courant et de ce fait une augmentation significative de la turbulence. De manière générale pour l’écoulement principal, le maximum est situé plus profondément qu’au niveau des points d’inflexion, et se rapproche davantage de la rive en érosion. Les écoulements

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secondaires sont significatifs ce qui entraîne une forte turbulence (Figure II.8). La migration des méandres est ainsi généralement maximisée au niveau des apex.

Cette distribution inégale des vitesses d’écoulement produit ainsi des zones où la vitesse et la turbulence sont suffisamment élevées pour déplacer les particules du lit du cours d’eau et les transporter vers l’aval par traction, saltation, voir suspension en fonction de leur taille. De ce fait, les écoulements secondaires sont une composante essentielle, jouant un rôle majeur dans l’érosion des berges et de mise en suspension des sédiments (Dzana & Gaillard, 1996; Tilston & Biron, 2006; Chauvet et al., 2014).

Figure II.8 : Distribution schématique des écoulements secondaires dans un méandre situé à Méry-sur- Seine (Seine Supérieure). Figure issue de Dzana & Gaillard (1996). L’amplitude de circulation secondaire M est calculée avec le rapport écoulement secondaire/primaire selon la méthode de Hickin (1978). L’amplitude M est ainsi significativement plus élevée au niveau des apex (profils 1, 2 et 4) qu’au niveau des points d’inflexion (profils 3 et 5).

La vitesse de migration des méandres dépend de leur état de développement, de l’environnement, mais également du régime hydrologique. La migration est effective lorsque

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le débit atteint une certaine valeur, souvent rapportée au débit à pleins bords (débit maximal dans le chenal avant le débordement de l’écoulement sur la plaine alluviale) (Dzana & Gaillard, 1996; Smith, 1998). A ce débit est associée une charge sédimentaire dite de plein bord et c’est cette dernière qui est considérée comme contribuant physiquement à l’évolution du tracé du chenal. Cette notion de débit morphogène est en fait plus complexe car il faut également prendre en compte la durée de l’évènement ainsi que l’évolution de la charge sédimentaire au cours de la crue. C’est donc la relation interactive entre morphologie et dynamique hydraulique, ainsi que l’influence de l’hydrologie sur la charge sédimentaire qui contribue à la formation et la migration des méandres.