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Evolution de la taille des magnétites le long de la Seine

Chapitre V. Traçage spatio-temporel des particules ferrugineuses dans la Seine avec les

V.2. Variabilité de la fraction magnétique à l’échelle du bassin versant

V.2.3. Evolution de la taille des magnétites le long de la Seine

Les paramètres d’hystérésis mesurés sur la totalité des échantillons de 2011-2012 et sur les échantillons complémentaires prélevés en 2015 sont projetés sur les diagrammes de Day/Dunlop (Figure V.4a, b et c). Comme expliqué dans le Chapitre III, les magnétites de la Seine se situent entre les pôles pseudo-mono-domaines (PSD) et légèrement au-delà de la limite théorique des multi-domaines (MD). La Figure V.4d présente plusieurs diagrammes de FORC obtenus sur les échantillons de MES sélectionnés. Ces échantillons ont été choisis à partir de leurs paramètres d’hystérésis : ce sont ainsi les échantillons dont l’emplacement sur les diagrammes de Day sont les plus proches de la taille moyenne des magnétites des MES de chaque site (Figure V.4c). Les FORCs ayant été traités avec le même "smoothing factor" (SF = 4), la netteté des diagrammes est ainsi fonction de la concentration en magnétites, qui sera étudiée dans la sous-partie suivante.

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Bien que pour un échantillon de MES donné, la taille moyenne des magnétites varie dans le temps, nous avons vu dans la partie V.1.3 que ces variations ne sont pas significatives par rapport aux incertitudes de mesure. Les diagrammes de Day des moyennes de chaque site (Figure V.4c) et les FORCs (Figure V.4d) permettent de séparer les échantillons de la Seine et ses affluents dans les différentes catégories décrites dans le Chapitre III :

- Les magnétites des MES prélevées dans l’Aube à Saron (site 1), l’Yonne à Cannes- Ecluse (4), le Loing à Saint-Mammès (5), la Marne à Trilbardou (11) et la Seine à Marnay (2), Jaulnes (3) et Thomery (6), correspondent à la classe « PSD fin ». Elles correspondent à des particules (de taille homogène) pseudo-mono-domaines significativement plus fines que dans le reste de la Seine.

- Les magnétites des MES de la Seine à Draveil (site 7), Andrésy (18), Denouval (19) et Amfreville (20) et dans l’Oise à Pontoise (17) correspondent à la classe « PSD ». - Les magnétites des MES de l’Orge à Viry-Châtillon (site 8) et de la Seine à Bougival

(15 et 16) font partie de la classe PSD « grossier ». Leur position dans le diagramme théorique de Day les situe autour de la limite PSD/MD selon les échantillons mais les diagrammes de FORCs montrent qu’en moyenne, les magnétites de ces trois sites sont encore PSD, bien que plus grossières que les magnétites présentes dans les autres sites. Les échantillons de 2015 (sites 9, 10, 12, 13 et 14) n’ayant été prélevés que lors d’une campagne et n’ayant pas donné de FORCs interprétables, ils ne peuvent pas être classés avec autant de précision que les échantillons de 2011-2012, mais la position de ces échantillons sur le diagramme de Day (cercles rouges sur la Figure V.4c) suggère qu’ils font également partie de la classe des PSD grossiers.

Un contraste granulométrique s’observe donc entre les magnétites des MES de la partie amont de la Seine (de Marnay à Thomery inclus), celles des MES prélevées à l’approche et à la sortie de l’agglomération parisienne, et celles prélevées dans l’agglomération. La partie amont de la Seine, ainsi que l’Aube, l’Yonne, le Loing et la Marne, ont comme point commun de drainer des milieux majoritairement ruraux et semi-naturels (voir Chapitre I). Les FORCs de ces milieux ne montrant pas d’hétérogénéité granulométrique significative, nous pouvons considérer que les activités agricoles ne sont pas sources de magnétites ou qu’elles n’apportent pas des magnétites différentes des magnétites d’origine naturelle.

Nous pouvons noter que, parmi ces sites de la Seine amont et sur les affluents, la navigation et les aménagements du cours d’eau sont significativement moins importants sur l’Aube, le Loing (où elle se fait essentiellement via le canal) et la Seine à Marnay que dans les autres sites. Ce contraste entre zones navigables/aménagées et zones naturelles ne se retrouve pas dans les variations de taille des magnétites. Cela signifie probablement que la navigation et les aménagements sur la Seine ne sont pas des sources de magnétites différentes (du moins en termes de taille) de celles que transporte la Seine dans des conditions naturelles. Cela peut s’expliquer par le fait que si ces différentes activités affectent significativement les mécanismes hydrodynamiques du cours d’eau, le matériel transporté (et donc les particules magnétiques) ne diffère pas en termes de taille.

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Au sein de l’agglomération parisienne dans la partie aval de la confluence avec la petite rivière très urbanisée de l’Orge, les magnétites transportées sont de taille significativement plus élevée que dans la partie amont. Plusieurs études ayant montré que les rivières urbaines, dont l’Orge, ainsi que l’agglomération parisienne présentent des enrichissements en contaminants métalliques, dont le fer (notamment Thévenot et al., 2009; Carré et al., 2011; Le Pape, 2012; Chen et al., 2014), il est possible que cette augmentation de taille des magnétites dans les milieux fortement urbanisés et industrialisés témoigne de nouveaux apports de magnétites. Celles-ci sont plus grossières en milieu urbain et masquent la contribution des magnétites rurales et naturelles plus fines, soit parce que les particules d’origine urbaine sont proportionnellement beaucoup plus importantes, soit parce que les magnétites d’origine rurale et naturelle ont été bloquées par les ouvrages avant l’arrivée dans l’agglomération parisienne ce qui semble difficile car du fait de leur faible taille, ce sont des particules qui sont transportées quel que soit le débit.

A l’amont et à l’aval de l’agglomération parisienne (à l’entrée à Draveil et à la sortie d’Andrésy à Amfreville) les magnétites montrent des tailles intermédiaires entre les magnétites naturelles/rurales et les magnétites urbaines. Si l’hypothèse de l’origine des magnétites de tailles grossières est correcte, les milieux de transition devraient intégrer un mélange des deux sources. Or les FORCs ne montrent pas de mélanges. Ceci peut être dû au fait que les FORCs ne permettent pas de distinguer les mélanges de PSD fins et PSD grossiers, les spectres étant trop proches (en comparaison des spectres SD et MD) pour être distingués dans un même diagramme.

Une autre explication serait que les magnétites d’origine anthropique qui arrivent dans la Seine sont trop grosses donc trop lourdes pour être maintenues en suspension à 0,5-2 m de profondeur (notamment en régime de basses eaux) et se déposent rapidement lorsqu’elles arrivent dans le cours de la Seine et que chaque site intègre des sources plus ou moins locales et non un mélange. Cette dernière hypothèse est cohérente avec la perte de contribution de magnétites grossières en aval de l’Oise. Pour la transition entre l’amont de la Seine et l’agglomération parisienne, les interprétations sont plus compliquées en raison du biais d’échantillonnage de la charge de ruissellement. A Marnay, la taille des magnétites de la charge de ruissellement ne varie pas significativement par rapport à celle de la charge en suspension, ce qui n’affecte donc en théorie pas la distribution granulométrique des magnétites échantillonnées mais les conditions hydrodynamiques et les vitesses de transport sont peut-être différentes dans les autres sites.

Figure V.4 (page suivante): Evolution de la taille des magnétites des MES de la Seine. Projection sur le diagramme de Day des échantillons de 2011-2012 de (a) : la Seine, (b) : les affluents et (c) : moyenne par site (échelle zoomée). Les courbes théoriques de mélanges SD, PSD et MD de Dunlop & Carter-Stiglitz (2006). Les échantillons complémentaires prélevés sont représentés avec les ronds en 2015 sur la Figure (c). (d) Evolution d’amont (droite) en aval (gauche) de la distribution granulométrique des magnétiques d’après les diagrammes de FORCs effectués sur les échantillons sélectionnés (traités avec un « smoothing factor » de 4). La flèche bleue représente la Seine dans le sens d’écoulement. L’ensemble des diagrammes de Day et FORCs des échantillons de MES sont présentés dans l’Annexe E.

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Pour résumer, le changement de taille des magnétites le long de la Seine n’est pas progressif : il se fait par « étapes » d’amont en aval. Les MES prélevées en zones rurales contiennent des magnétites PSD fines, celles prélevées dans des milieux partiellement urbanisés montrent des magnétites un peu plus grossières et celles des milieux fortement urbanisés et industrialisés présentent les plus grosses magnétites. Les zones de transition sont encore incomprises : elles semblent marquer une contribution progressive à l’entrée et régressive à la sortie de l’agglomération parisienne mais ne semblent pas correspondre à des mélanges rural/urbain. Concernant la taille exacte des magnétites, les diagrammes de Day ne permettent pas une caractérisation granulométrique précise, car l’état des domaines magnétique est contrôlé par plusieurs paramètres comme la forme et le rapport longueur/largeur des particules (voir Chapitre III). Toutefois, dans l’ensemble, les magnétites les plus grossières observées dépassent rarement la limite multi-domaines. Les magnétites issues des activités industrielles et des rejets urbains qui se déposent à proximité des sources qui ont généralement des tailles comprises entre 1 et 50°µm sont souvent en moyenne plus grossières que les particules d’origine naturelle (Strzyszcz et al., 1996; Lecoanet et al., 2001; Meena et al., 2011; Zhang et

al., 2012). Les paramètres d’hystérésis et les FORCs des échantillons de la Seine semblent

illustrer l’impact local de l’agglomération parisienne sur le bassin de la Seine.