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Chapitre 2 Les matériaux argileux, une ressource renouvelable en France ?

1. Le renouvellement de la source en matériaux argileux

1.2. Les zones d’accumulation de matériaux argileux

1.2.2. Les sytèmes fluviaux lacustres

1.2.2.3. Des systèmes fortement aménagés

Les cours d'eau français ont été fortement aménagés que ce soit pour la navigation, la protection vis-à- vis des crues, la production d'électricité et l'irrigation. Ces aménagements ont modifié de façon significative la dynamique sédimentaire fluviatile naturelle présentée dans le sous-chapitre 1.2.2. , notamment en ce qui concerne les zones de dépôts.

Le premier barrage mis en service en France, en 1675, est celui de Saint Ferréol (31) sur le Lautot, un sous affluent de l'Agout, du Tarn et de la Garonne. S'il est toujours en service aujourd'hui, moins de 1 % des barrages actuels existaient avant 1850. En effet, les aménagements des cours d'eau sont relativement récents, avec 24 % des barrages actuels construits entre 1850 et 1950, 60 % entre 1950 et 1990 et 16 % depuis 1990. Malgré cela, le réseau fluvial est fortement aménagé et il existe plus de 500 barrages en France selon le Comité Français des Barrages et Réservoirs (CFBR). Même si la plupart remplissent plusieurs objectifs, plus de la moitié permet de produire de l'hydroélectricité, 19 % servent pour l'irrigation, 18 % pour l'alimentation en eau des villes, 6 % pour le tourisme, 4 % seulement pour l'écrêtement des crues et 3 % pour la navigation (CFBR and Réservoirs).

65 Selon le type d'aménagement, les effets sur la dynamique sédimentaire sont plus ou moins importants. Les ouvrages destinés à l'écrêtement des crues sont conçus pour diminuer le débit maximum du cours d'eau pendant la crue en stockant une partie de l'eau des précipitations dans de grands bassins maintenus, préalablement à la période des pluies, à un bas niveau. Cette eau est ensuite restituée au cours lorsque la crue diminue.

• Sur le bassin versant de la Seine, certains de ces aménagements sont en dérivation du cours d'eau (le lac d'Orient en dérivation de la Seine, les lacs d'Amance et d'Auzon Temple en dérivation de l'Aube et le lac du Der en dérivation de la Marne), alors que d’autres barrages interrompent l’écoulement comme le barrage de Pannecière sur l'Yonne (qui en plus d'écrêter des crues, produit de l'hydroélectricité) et celui de Crescent sur la Cure. L’installation des ouvrages pour l'écrêtement des crues diminue nettement les débordements dans les plaines d'inondation du bassin versant de la Seine, plaines qui ne sont plus alimentées en sédiments de façon régulière et sont affamées.

o Ces aménagements sont d'une très grande efficacité pour les crues moyennes (ou normales) qui reviennent tous les ans empêchant ainsi les débordements grâce à une capacité totale pour les grands lacs de Seine d'environ 850 millions de m3 d'eau. Par

contre, leur efficacité est plus limitée pour la gestion des crues centennales comme celle qui a touché Paris en 1910 avec un débit maximum de 2 400 m3/s soit 10 fois plus que le

débit normal de la Seine à Paris avant les aménagements et une hauteur maximale de 8,65 m (sous le Pont d'Austerlitz). L'Etablissement Public Territorial du Bassin Seine Grands Lacs (SeineGrandsLacs, 2015) estime que pour une crue centennale similaire, la montée du niveau de l’eau serait réduite de 0,7 m, diminuant les surfaces inondées de 17 % ;

o les aménagements en dérivation prélèvent des eaux peu chargées en MES dans les canaux d'amenée (canaux permettant l'alimentation des barrages réservoirs). Les taux de sédimentation sont ainsi très faibles dans les retenues des lacs-réservoirs ;

o à la différence des barrages en dérivation, les ouvrages qui barrent le lit moyen coupent la dynamique sédimentaire, c'est notamment le cas pour le barrage de Pannecière sur l'Yonne. Située dans une zone à faible taux d’érosion, la retenue est faiblement envasée. • Plus généralement, les cours d'eau du bassin versant du Rhône (notamment la Durance, l'Isère,

l'Ain, la Saône,...) et ceux de la rive droite du bassin versant de la Garonne (notamment le Tarn, le Lot, l'Aveyron, la Dordogne,...) sont très aménagés pour produire de l'hydroélectricité et écrêter les crues, ce qui limite là encore les apports dans leurs plaines d’inondation ;

o comme nous le verrons par la suite, le bassin versant de la Durance est situé dans la région de France qui possède les taux d'érosion les plus élevés du territoire français. Les apports en MES sont très conséquents et les retenues s’envasent rapidement, comblées par un matériel en grande majorité de granulométrie fine. La construction de ces barrages a été très efficace pour l'écrêtement des crues de la Durance en réduisant par 3 les débits de crue maximum passant de 6 000 m3/s au XIXème siècle (avant les aménagements) à environ 1 900 m3/s en 1994 (après l'ensemble des aménagements de la Durance), valeur qui correspond encore à une crue très importante. Le principal effet

66 de cet écrêtement sur la dynamique sédimentaire est l'appauvrissement en sédiments des plaines d'inondation de la basse Durance (à l'aval de la retenue de Cadarache). Finalement, les besoins d'écrêtements des crues, de production d'électricité, d'irrigation, de réserve en eau potable ont conduit à la construction de barrages qui créent des retenues temporaires d'eau, modifient l'écoulement du cours d'eau et le transport des sédiments et favorisent la formation d'atterrissements dans les parties amont des lacs de retenue créés par ces ouvrages. La régulation des débits des cours d'eau et l'écrêtement des crues contribuent par ailleurs à une réduction de l'apport en sédiments dans les plaines d'inondation.

D'autres aménagements sur le territoire peuvent modifier la dynamique sédimentaire générale des bassins versants et notamment créer des atterrissements d'argiles, ce sont les aménagements liés à la navigation et plus particulièrement les canaux qui ont été créés pour favoriser le transport fluvial moins coûteux que la plupart des autres moyens de transport. Ces canaux sont jalonnés de barrages et d'écluses qui peuvent être des pièges à sédiments provenant d'environnements proches ou des cours d'eau qui alimentent le canal. Les taux d'envasement de ces canaux ne sont pas élevés étant donné que les gérants de canaux filtrent une bonne partie des particules qui pourraient y pénétrer mais le besoin d'entretien régulier de ces canaux pour la navigation, en font de véritables sources de sédiments "dragués" que l’on peut considérer très certainement comme pérennes dans le contexte de développement actuel des canaux à large gabarit (VNF, 2010).

Le territoire français est riche en retenues susceptibles d'être de véritables pièges à sédiments et qui nécessitent pour chacune d’entre elles des études fines en les replaçant dans leur contexte régional (climat, taux d'érosion, formations géologiques, topographie du bassin versant…) dans l’objectif de quantifier leurs taux d'envasement.

Figure 2-6 : A) Carte de répartition des retenues EDF, VNF et Vendée Eau en France. B) Carte de l'aléa érosion des sols en France par petite région agricole estimé à l'aide du modèle Mesales (Montier et al., 1998)

67 Afin d'évaluer ces taux d'envasement fortement liés aux taux d'érosion, l'ensemble des retenues gérées par EDF, Voies Navigables de France et Vendée Eau sont reportées dans la Figure 2-6 qui permet de réaliser une analyse croisée entre la localisation des retenues, celle des sites de production des tuiles et briques et les valeurs des aléas érosion. Cette figure donne une première idée du potentiel d'accumulation des sédiments dans les ouvrages selon les régions. Une analyse quantifiée est proposée dans la partie 2. de ce chapitre.

L'analyse croisée de la carte de l’aléa « érosion » et de la répartition des aménagements hydrauliques en France conduit à l’identification de quatre contextes :

• le premier contexte correspond aux régions avec un taux d'érosion élevé et un fort aménagement. Ce sont les zones où les taux d'envasement des ouvrages hydrauliques sont susceptibles d'être les plus élevés. On le retrouve dans 3 secteurs :

o le Sud-Est de la France, en rive Gauche du bassin versant du Rhône et sur le bassin versant de la Saône. Ces lacs de retenues, dont les ouvrages sont principalement gérées par EDF, possèdent des superficies importantes ;

o le Sud-Ouest de la France, en rive droite du bassin versant de la Garonne jusqu'en Gironde, une partie des retenues de tailles importantes sont gérées par EDF avec les mêmes objectifs que pour les retenues du Sud-Est et une autre partie par les conseils généraux locaux principalement pour l'irrigation. On peut ajouter à ces retenues, les barrages et écluses gérés par VNF en particulier le long du canal du Midi. Ce sont des retenues de tailles plus modestes mais qui pourraient présenter un intérêt pour cette étude en fonction des volumes de sédiments qui s'y accumulent ;

o le nord de la France (Nord Pas de Calais et Picardie), les barrages et écluses gérés par VNF sont du même type que ceux du canal du Midi afin d'assurer la navigation ;

• le second contexte résulte de la combinaison d’un taux d'érosion élevé et d’un faible aménagement. Les flux de matières en suspension des cours d'eau sont élevés et le restent jusqu’à l'exutoire, car peu de sédiments sont piégés. Il s'agit de systèmes fluviatiles relativement naturels qui alimentent les plaines d'inondation. Les zones correspondant à ce contexte sont localisées dans deux grands secteurs :

o la région Bretagne où les précipitations intenses dans la durée érodent particulièrement les sols et où peu d'aménagements permettent le piégeage des sédiments ;

o l’Aquitaine avec le bassin versant de l'Adour, et la partie de la rive Gauche du bassin versant de la Garonne qui est non aménagée (bassins versants relativement étroits de la Gélisse, de l'Osse, de la Baïse, du Gers, de l'Arrats et de la Gimone) ;

• le troisième contexte correspond aux zones avec un taux d'érosion faible ou moyen et un fort aménagement. Ce sont les zones où la gestion des sédiments liés aux ouvrages hydrauliques pose moins de problèmes sauf pour des activités économiques ciblées comme la navigation dans les canaux. On retrouve ce contexte dans 3 secteurs :

o l'Est de la France (régions Champagne Ardennes, Lorraine, Alsace et Bourgogne) où les aménagements comprennent les lacs réservoirs du bassin de la Seine gérés par Seine Grands Lacs qui ont été évoqués précédemment, les canaux utilisés pour la navigation fluviale et

68 l’endiguement des berges (Rhin) qui réduit les apports dans la plaine d’inondation et favorise l’envasement au niveau des barrages même si les volumes sont très faibles ;

o le Massif Central, dans lequel les vallées encaissées ont été aménagées avec principalement des retenues hydroélectriques gérées par EDF. Le faible taux d’érosion réduit considérablement leur taux d'envasement et les lacs de retenue ne nécessitent pas de gestion récurrente des sédiments. D'autres retenues ne présentant pas de taux d'envasement conséquents non plus sont gérées par les Conseils Généraux locaux pour la gestion de l'irrigation comme en Charente ; o la région Pays de la Loire (Vendée et Loire Atlantique) dans laquelle les barrages et écluses du

canal de Nantes à Brest (Loire Atlantique) gérés par VNF, présentent des taux d'envasement minimes. Les retenues hydrauliques gérées par Vendée Eau et la commune de La Roche s/ Yon en Vendée dont les superficies sont moyennes (de 0,7 à 2,2 km²) sont situées dans des secteurs avec des taux d'érosion plutôt faibles. Une évaluation devrait être réalisée prochainement par les autorités locales car certaines pré-retenues (retenues en amont d'autres retenues permettant de diminuer l'envasement) montrent un envasement anormalement conséquent ; • le quatrième contexte recouvre les zones avec un faible taux d'érosion et peu d'aménagements. Ce

sont les zones correspondant principalement aux bassins Parisien et Aquitain.

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