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Chapitre 2 Les matériaux argileux, une ressource renouvelable en France ?

2. Les vitesses d’accumulation des sources de matériaux argileux

2.3. Les flux sédimentaires associés aux cours d’eau

2.3.2. Le piégeage dans les barrages

Les barrages constituent de véritables pièges à sédiments dont on connaît la géométrie du lac de retenue. La modélisation du taux d’envasement d’une retenue (S) peut se calculer à partir de la formule suivante (Yang and Lu, 2014) :

94 � = �� × ��

avec S (taux d’envasement annuel) en t/an et SY (production annuelle de sédiments) en t/an et TE (capacité de piégeage de la retenue) en %

La capacité de piégeage(TE) d'une retenue est pondérée par la capacité C totale en volume de la retenue et la superficie du bassin versant (A) (Brune, 1953; Yang and Lu, 2014) :

�� = 100(1 − 1

(1 +� ��)

avec TE en %, C en m3, A en km² et D sans unité (entre 0,046 et 1 selon la granulométrie)

La production annuelle de sédiments (SY) est fortement liée au taux d'érosion (SSY) et à la superficie du bassin versant (A) selon la relation suivante (Yang and Lu, 2014) :

�� = ��� × A

avec SY en t/an, SSY en t/km²/an et A en km²

Le taux d'érosion (SSY) peut être estimé d'après la littérature grâce à un modèle relativement simple développé par le département américain d'agriculture dans les années 50, l'USLE (Universal Soil Loss Equation) ou grâce au modèle développé pour l'Europe PESERA (cf. partie 2.1. ).

A l'échelle d'une retenue comme celle de Serre-Ponçon sur la Durance où les taux d'envasement sont connus, il est possible de tester l’application de ces formules.

• Le taux d'érosion estimé par Alary (1998) pour la zone amont de la Durance est de 648 t/km²/an à partir d’une formule similaire. En prenant une superficie du bassin versant amont (à Serre- Ponçon) de 3 600 km², la production annuelle de sédiments SY est de 2,3.106 t/an ;

• la capacité de piégeage est de l'ordre de 99,9 %, ce qui donne un volume d'envasement annuel de 2,3.106 t.an-1 environ. Le barrage de Serre-Ponçon a été mis en service en 1960 soit il y a 55 ans, on peut donc prévoir que 126,5. 106 t de sédiments sont retenus par le barrage soit 63 Mm3 (densité de 2). Le volume total de la retenue étant 1 200 Mm3, on peut estimer son

envasement à 5 % sans action de l'homme ce qui est en accord avec les données d'EDF qui l'estiment à 2 % environ en prenant en compte la perte de volume de sédiment par la gestion de l'envasement notamment par les chasses.

D'après le Comité Français des Barrages et Réservoirs, on recense plus de 500 retenues de barrages en France dont 331 ont un volume d'eau maximum supérieur à 1 million de m3. A partir de ces grands

barrages, de leurs bassins versant respectifs et des taux d'érosion locaux, nous estimons les taux d'envasement annuels des retenues par région à partir des formules présentées ci-dessus et détaillées en Annexe 2. Les taux d'érosion locaux sont tirés de la bibliographie et extrapolés, en cas d'absence de données, en fonction des taux d'érosion des cours d'eau à proximité.

L’application des formules fournit une estimation d’un taux d'envasement national annuel d’environ 12,5 Mt/an en prenant comme hypothèse qu'aucune gestion des sédiments n'est mise en place

95 (dragage, chasse,...) soit 6 Mm3 si l'on prend une densité de 2 pour ces matériaux fins (densité choisie comme moyenne pour des matériaux fins plus ou moins indurés selon leur milieu de dépôt) (l'estimation est en t car les taux d'érosion sont en t/km²/an). Cette valeur estimée est nettement inférieure à la valeur moyenne donnée pour la France par la commission des grands barrages (1 % ce qui donnerait 22 Mm3). Une estimation réalisée à partir des taux moyens observés en France par EDF (0,08 % du volume

des retenues ((Malavoi, 2015) communication orale congrès ASF) donne une valeur d'envasement annuel d'environ 2 Mt de sédiments. Suivant le mode d’estimation retenu, les valeurs obtenues par le calcul (sans prise en compte de dragage) sont assez proches de celles calculées à partir des pourcentages d’accumulation fournis par EDF entre 2 et 6 Mm3, alors que l’estimation à partir des données de la

commission des grands barrages est nettement supérieure.

Les deux estimations, celle d'EDF et la nôtre, sont ainsi du même ordre de grandeur et nous nous appuierons sur la valeur EDF qui prend en compte la gestion par chasses et qui est la plus pessimiste. La répartition des retenues de grande taille est très inégale sur le territoire et reflète la distribution des massifs montagneux (Figure 2-26) :

• 22 % de ces retenues se situent en région Midi-Pyrénées ; • 18 % en région Rhône-Alpes ;

• entre 5 et 10 % dans les régions Aquitaine, Auvergne, Languedoc-Roussillon, Limousin et PACA ; • enfin moins de 5 % se trouvent dans les régions Alsace, Basse Normandie, Bourgogne, Bretagne,

Centre, Champagne-Ardennes, Franche-Comté, Lorraine, Pays-de-la-Loire et Poitou-Charente) ; Il est à noter que les régions Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Ile-de-France et Haute-Normandie sont dépourvues de retenues de barrages de grande taille.

Figure 2-26 : Répartition par région A) des retenues dont le volume d'eau est supérieur à 1 Mm3 (%) B) de l'estimation de l’envasement des retenues dont le volume d'eau est supérieur à 1 Mm3

96 Le piégeage de sédiments dans les retenues est encore plus inégalement réparti sur le territoire car il traduit non seulement les capacités des retenues mais également les taux d'érosion tels qu'ils sont présentés sur la Figure 2-6.

Les résultats des estimations montrent que près des trois quarts des sédiments piégés le sont dans les Alpes et sur leur pourtour, avec plus de la moitié dans la région Rhône Alpes et plus du quart dans la région PACA (Figure 2-26). Ces chiffres reflètent d'une part le nombre élevé de retenues dans ces régions (Figure 2-26) et d'autre part, les taux d'érosion très élevés dans les régions alpines (Figure 2-6-B). Dans le quart restant, environ 18 % des sédiments sont piégés en région Languedoc Roussillon, ce qui reflète les taux d'érosion importants observés dans ces régions en liaison avec le régime climatique qui favorise les évènements orageux et les forts reliefs.

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