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Chapitre 1 Contexte industriel français

1. Une industrie de proximité à taille humaine

1.4. La matière première

Les produits de l'industrie de la terre cuite sont élaborés à partir de matériaux argileux prélevés en carrière auxquels peuvent être ajoutés, si besoin, des dégraissants et/ou additifs de diverses natures. Le mélange ainsi obtenu est appelé "mélange de production". Le terme de "mélange argileux" sera utilisé pour décrire le mélange des matériaux argileux naturels prélevés au sein d’une ou plusieurs carrières. L'extraction des matériaux argileux est réalisée au cours de campagnes de courte durée (de l’ordre du mois), environ une fois par an, afin d'extraire le volume de matériaux nécessaire à la production annuelle dans de bonnes conditions climatiques (mois secs de l’été), à partir de formations géologiques les plus homogènes possibles. Les propriétés des formations géologiques pouvant varier d’une zone à l’autre d’une carrière ou entre carrières, une caractérisation de la matière première est réalisée après chaque campagne de prélèvement (durée moyenne d'exploitation d’une carrière entre 10 à 30 ans). La courte période d'extraction permet aussi de limiter dans le temps les impacts écologiques, sociétaux et économiques qui y sont liés (Circulation importante de camion, poussières,...).

Les mélanges argileux utilisés dans la fabrication des produits en terre cuite sont majoritairement constitués de minéraux argileux, et en moindre proportion de quartz, silicates et oxydes. Leur granulométrie doit être fine (majoritairement inférieure à 25 µm), mais suffisamment étalée pour permettre un bon empilement de particules, une bonne cohésion et éviter les fissures au séchage.

33 Les roches sédimentaires généralement employées dans l’industrie de la terre cuite comprennent les minéraux argileux suivants : une proportion importante de kaolinites et d'illites, et dans une moindre part des smectites et des chlorites. Il s'agit de phyllosilicates qui présentent la caractéristique d'être formés d'un empilement plus ou moins régulier de feuillets constitués de tétraèdres T (reliés entre eux par 3 sommets) et dont le quatrième sommet est généralement relié à un autre feuillet constitué d’ octaèdres O (Meunier, 2005) :

Tableau 1 : Principales caractéristiques structurales des principaux phyllosilicates composant les mélanges argileux utilisés dans l'industrie de la terre cuite

Structure (couches tétraédriques T et couches octaédriques O) Epaisseur interfoliaire Formule structurale

Kaolinite T-O 7 Å [Si2O5]Al2(OH)4

Illite T-O-T 10 Å KxAl2[Si4-xAlxO10](OH)2- yH2O

Smectite T-O-T 10 - 21 Å Mx+ [(Al2-xMgx)Si4O10(OH)2]-x.nH2O

Chlorite T-O-T-O 14 Å (Fe,Mg,Al)6(Si,Al)4O10(OH)8

• Les kaolinites qui présentent une forte teneur en aluminium (environ 46 %), contribuent à donner une bonne plasticité facilitant le façonnage et présentent un faible retrait au séchage et à la cuisson. Elles nécessitent des températures de cuisson élevées (au-dessus de 1 000°C) et possèdent de bonnes propriétés réfractaires après cuisson ;

• les illites apportent de la plasticité au mélange argileux. C'est le type d'argile le plus répandu et le plus utilisé dans la terre cuite. La présence de potassium K dans leur structure cristalline peut abaisser la température de début de fusion vers 1 050°C ;

• les smectites, parmi lesquelles se trouve la montmorillonite, sont des argiles gonflantes, c'est-à- dire qui peuvent absorber de l’eau dans leur structure. Elles apportent une très grande plasticité et une grande cohésion au mélange argileux, par contre le séchage de celui-ci est rendu difficile par le retrait important et la forte rétention d'eau capillaire ;

• les chlorites offrent des propriétés glissantes et absorbantes.

En complément de la caractérisation minéralogique, l'analyse chimique des éléments majeurs de la matière première permet à partir du diagramme d’Augustinik (Augustinik, 1957) (Figure 1-6) d’identifier le potentiel du mélange pour la fabrication de produits en terre cuite ou de donner des indications sur les ajouts ou les mélanges à réaliser pour s’approcher des domaines compatibles avec la production de tuiles ou briques :

• le diagramme d’Augustinik présente en ordonnées l’appauvrissement en silice exprimé par le rapport des teneurs massiques en Al2O3/SiO2 et en abscisses la somme des teneurs en alcalins

R2O (K2O + Na2O), en alcalino-terreux RO (CaO + MgO + MnO) et en oxydes de fer (Fe2O3) ;

• les domaines correspondant aux différents produits de l‘industrie de la terre cuite ont été définis à partir de mélanges de production (Augustinik, 1957). Le rapport [Al2O3]/[SiO2] doit être

34 proportions de minéraux argileux présents dans le mélange (Smectite rapport Si/Al entre 2 à 2,4 ; illite 1,5), la composition du mélange doit comprendre d’autres silicates dans des proportions adéquates qui peuvent être ajustées par des ajouts ;

• le domaine de valeurs acceptables sur l’axe des ordonnées est assez restreint pour les tuiles (entre 0,09 et 0,17) et nettement plus large pour les briques (entre 0,06 et 0,25). L’ajout de silice, ou de kaolinite diminue la valeur du mélange alors que celui de l’illite, de la chlorite ou de la smectite l’augmente.

Figure 1-6 : Diagramme Augustinik (source CTMNC)

L'analyse granulométrique permet d’évaluer la distribution des différentes classes granulométriques de

la matière première et éventuellement de la modifier pour obtenir un mélange aux caractéristiques compatible avec une production de qualité. Les résultats de cette analyse sont représentés sur un diagramme ternaire couramment utilisé au CTMNC, le diagramme de Winkler (Winkler, 1954) (Figure 1-7) :

• les trois pôles correspondent à la fraction fine inférieure ou égale à 2,5 µm (argiles), la fraction entre 2,5 et 25 µm (limons) et la fraction plus grossière supérieure à 25 µm (limons grossiers, sables et graviers). Il convient de noter que le terme "argiles" ne fait ici aucune référence à la minéralogie et peut correspondre à différents minéraux.

• Une démarche analogue à celle présentée sur le diagramme d’Augustinik a permis de définir les distributions granulométriques correspondant aux critères des industriels de production de tuiles et briques établis par Winkler durant les années 50 à partir de mélanges de production d'Allemagne. La proportion de grains de la classe "argiles" (<2.5 µm ici) augmente entre les

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 0 0,05 0,1 0,15 0,2 0,25 0,3 Tuiles Briques Argiles réfractaires Produits creux Poteries - Faïences Grès (R2O +RO + Fe2O3) / 100 (%) avec R2O = K2O + Na2O et RO = CaO + MgO + MnO Al2O3/SiO2(%)

35 briques pleines (10 à 20 %), les briques creuses (20 à 40 %) et les tuiles (30 à 60 %). La proportion d’éléments de la classe des limons fins (entre 2,5 et 25 µm) qui est au minimum de 15-20 %, reste faible pour les briques pleines (max 35 %) et peut atteindre 55 % pour les autres matériaux. Quant à la fraction la plus grossière (>25 µm), sa proportion comprise entre 10 et 60 % dans les tuiles monte à plus de 70 % dans les briques creuses.

Figure 1-7 : Diagramme de Winkler (source CTMNC)

Cependant, l'information sur la distribution granulométrique apportée par ce diagramme n'est pas suffisante pour une caractérisation en vue d’une utilisation de la matière première par l'industrie de la terre cuite. Il est en effet nécessaire de connaître la teneur en dégraissants efficaces, éléments non plastiques qui vont faciliter la mise en forme de la pâte et qui joue un rôle important au niveau du séchage mais aussi pour la maîtrise des dimensions des produits et de la porosité. Les dégraissants efficaces correspondent à la fraction supérieure à 200 µm qui est incluse dans la fraction supérieure à 25 µm dans le diagramme de Winkler.

La taille maximale des particules formant le dégraissant dépend de l’aspect final souhaité pour le produit :

• des particules de granulométrie comprise entre 0,5 et 1 mm seront utilisées pour la fabrication des tuiles pour lesquelles la peau extérieure est importante pour des questions esthétiques et pour des réseaux poreux compatibles avec l'usage (imperméabilité et résistance au gel) ;

• des particules d’environ 2 mm pourront entrer dans la composition des mélanges de fabrication de briques, pour lesquelles l’aspect de surface n’est pas primordial puisqu’elles seront enduites lors de la construction.

Les dégraissants permettent de diminuer la plasticité de la pâte, de réduire l'apport en eau de façonnage, de diminuer le retrait de séchage, de faciliter l’évacuation de l’eau au cours du séchage, de

10 100% < 2.5 µm 100% 100% 80 70 60 50 90 40 30 20 10 80 70 60 50 90 40 20 80 70 60 50 90 40 30 20 10 0 0 0 Tuiles Briques Briques pleines 30 > 25 µm 2.5 - 25 µm

36 faciliter le dégagement des gaz au cours de la cuisson, d’obtenir une meilleure oxydation au cœur du produit durant la cuisson et d’améliorer la tenue des produits à haute température.

Les dégraissants les plus couramment employés sont : les sables quartzeux, les sables feldspathiques ou micacés, les chamottes qui sont des déchets de produits de terre cuite broyés à la granulométrie souhaitée, les basaltes, les micaschistes et les gores (granites en cours de décomposition).

En complément des dégraissants, afin de corriger un défaut lié à la nature de certaines matières premières et/ou pour réaliser des produits avec des propriétés particulières, il est parfois nécessaire d’ajouter aux mélanges des constituants appelés additifs. Il peut s’agir de :

• carbonate de baryum qui précipite les sels solubles pouvant causer le phénomène d'efflorescence ;

• fluorure de calcium et dérivés du bore (borax), qui améliorent des propriétés fondantes du mélange ;

• chaux vive qui réduit l'humidité du mélange ;

• calcaire broyé fin qui augmente la porosité et éclaircit la couleur ;

• lignosulfonates qui permettent une régulation du séchage en devenant plus uniforme et qui améliore la plasticité du mélange ;

• carbonate de sodium qui améliore aussi la plasticité du mélange ;

• dioxyde de manganèse et dioxyde de titane qui permettent une coloration respective en brun (avec une argile ferrugineuse) ou en gris (avec une argile calcaire) et en orangé, jaune ou crème. Afin de diminuer la conductivité thermique et donc d'améliorer les résistances thermiques des briques,

des porosants peuvent être aussi ajoutés, il peut s'agir de :

• calcaires ou carbonates ;

• composés déjà poreux, inertes et stables thermiquement (perlite, vermiculite, diatomée, kieselguhr, argile poreuse, verre poreux). L'inconvénient de ces composés est qu'ils doivent être incorporés avec une teneur assez élevée pour être efficace ce qui peut affecter les propriétés du mélange ;

• composés organiques qui vont se décomposer, brûler et dégager du CO2 à la cuisson (Sciures et

écorces de bois, déchets végétaux, papier, polystyrène expansé, déchets organiques, poudres de charbon, cendres de combustions non entièrement oxydées...). Leur addition doit être limitée car ils augmentent les difficultés de contrôle de la cuisson en augmentant le pouvoir combustible du mélange.

Les diagrammes présentés dans les Figure 1-6Figure 1-7 donnent une idée des proportions de minéraux argileux, dégraissants et additifs dans les mélanges de production. Celles-ci diffèrent selon les sites de production et ne sont pas diffusées même auprès du CTMNC, il s'agit de "secret de fabrication" qui permet à chaque producteur de proposer des produits de la meilleure qualité à partir des carrières qu’ils exploitent.

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