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CHAPITRE III - La thérapie protéique : vectorisation de protéines membranaires grâce aux

2. Les systèmes d’expression cellulaires

Les systèmes classiques cellulaires ont été les premiers développés afin de produire des protéines recombinantes. En effet, une protéine peut être produite de façon recombinante après insertion de l’ADN du gène codant cette protéine d’intérêt dans des cellules ou microorganismes servant d’ « usine de production ». Ces usines de production peuvent être de type procaryote (bactérie) ou eucaryote (levures, cellules d’insecte ou de mammifères) (Figure 15).

Figure 15. Les organismes procaryotes et eucaryotes d’expression cellulaire les plus fréquemment utilisés pour la production de protéines recombinantes : Escherichia coli pour les systèmes procaryotes, puis pour les systèmes eucaryotes, il s’agit des levures comme Saccharomyces cerevisiae et Pichia pastoris, du système baculovirus/cellule d’insecte, et enfin des cellules de mammifère comme HEK293 (human embryonic kidney), CHO (chinese hamster ovary) et COS (fibroblaste rénal de singe).

2.1.Choix du système d’expression : procaryote ou eucaryote ?

Pour produire une protéine recombinante, il faut choisir le système d’expression le plus approprié. Et pour cela, différents critères sont à prendre en compte : la quantité de protéine à produire, si celle-ci nécessite des modifications post-traductionnelles (MPT), si elle doit être soluble et fonctionnelle, si une étape de purification est nécessaire ou non, le coût, l’équipement disponible...

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Certaines MPT peuvent être essentielles pour la stabilité voire l’activité d’une protéine donnée. Les plus courantes pour une protéine sont la glycosylation, la phosphorylation, l’acétylation, la méthylation, l’ubiquitinylation... (Khoury et al., 2011). La formation de ponts disulfures est également une MPT importante puisqu’elle permet la stabilisation du repliement de nombreuses protéines (Saibil, 2013)

Les systèmes d’expression procaryotes et eucaryotes cités plus haut ne sont pas tous équivalents pour la production des protéines recombinantes. Leurs principaux avantages et inconvénients sont synthétisés dans le Tableau 5.

Tableau 5. Avantages et inconvénients des principaux systèmes d’expression cellulaires

2.1.1. Les systèmes d’expression procaryotes

Escherichia coli, un bacille Gram négatif, est le système procaryote le plus couramment répandu pour la synthèse de protéines recombinantes même si d’autres bactéries ont également été utilisées

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comme Bacillus subtilis et Ralstonia eutropha (Yin et al., 2007). Dans E. coli, les protéines peuvent être sécrétées dans le périplasme de la bactérie, ou directement dans le milieu extracellulaire, ce qui réduit la dégradation par les protéases et rend la purification plus facile. Les protéines peuvent aussi être produites sous forme de corps d’inclusion mais dans ce cas, la protéine est sous forme insoluble et souvent mal repliée ce qui nécessitera une étape de solubilisation et de renaturation (Khow and Suntrarachun, 2012). Les systèmes procaryotes sont généralement plus faciles d’utilisation, moins coûteux et avec une croissance plus rapide que les systèmes en cellules de mammifères ce qui augmente leur rendement : de l’ordre de plusieurs g/L. Cependant, aucune MPT n’est possible avec

E. coli et l’absence de protéines chaperonnes peut conduire au mauvais repliement de la protéine. 2.1.1. Les systèmes d’expression eucaryotes

Les systèmes eucaryotes présentent des avantages indéniables pour l’obtention de protéines eucaryotes stables et fonctionnelles puisqu’elles vont pouvoir subir des MPT nécessaires à leur stabilité et leur activité (Tableau 5). Les principales levures utilisées sont Saccharomyces cerevisiae et

Pichia pastoris. Elles sont très faciles à cultiver et à manipuler génétiquement. Le système baculovirus-cellules d’insecte est également très efficace pour la synthèse de glycoprotéines eucaryotes bien que les glycosylations ne soient pas identiques et peuvent rendre la protéine immunogène. Des évolutions continuelles de ces différents systèmes permettent la réalisation de glycosylations plus proche de celles des cellules de mammifères (Palmberger et al., 2012; Wildt and Gerngross, 2005). Les cellules de mammifères sont finalement celles qui permettent le plus de MPT mais elles sont plus coûteuses, et le rendement est généralement plus faible. Parmi celles-ci, on peut citer notamment les cellules COS, CHO et HEK 293 (Figure 15) (Yin et al., 2007).

2.2.Production de protéines membranaires en systèmes d’expression cellulaires

Les systèmes d’expression cellulaires procaryotes et eucaryotes sont très utiles pour la synthèse de protéines solubles. Parmi celles utilisées en clinique, on peut d’ailleurs citer des vaccins contre l’hépatite B produits dans S. cerevisiae (HBVaxPro®) ou cellules CHO (Genhevac B®), l’insuline humaine recombinante produite généralement dans E. coli ou S. cerevisiae, des hormones, des facteurs hématopoïétiques, de la coagulation, des anticorps monoclonaux (cellules CHO : rituximab, trastuzumab)... Les « Biomédicaments » approuvés par la FDA (Food and Drug Administration) et l’EMA (Agence Européenne du Médicament) seraient produits dans 56 % des cas par des cellules de mammifère, 24 % par E. coli, 13 % par S. cerevisiae, 4 % par des cellules d’insecte et enfin 3 % par des animaux ou plantes transgéniques (Baeshen et al., 2014). En France, 168 Biomédicaments étaient commercialisés à la date du 31 mai 2013 (Etat des lieux 2013 LEEM) et plus de 800 seraient

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actuellement en cours de développement, majoritairement des anticorps monoclonaux et des vaccins.

Cependant, les protéines toxiques et les protéines membranaires restent difficilement synthétisables. En effet, la surexpression des protéines membranaires en systèmes cellulaires in vivo

entraîne fréquemment une toxicité cellulaire pouvant être due entre autre à leur agrégation spontanée (elles sont non solubles en solution aqueuse), à l’inhibition de la synthèse d’autres protéines de la cellule hôte ou à une trop forte densité pouvant bloquer le transport cellulaire voire même lyser la membrane cellulaire (Klammt et al., 2006; Klepsch et al., 2011). De plus, les protéines membranaires produites peuvent être non fonctionnelles suite à leur agrégation, à un mauvais repliement, à l’absence de ponts disulfure ou de modifications post-traductionnelles essentielles à leur activité… En conséquence, la quantité de protéines membranaires fonctionnelles produites avec les systèmes classiques in vivo reste généralement faible (0,1 à 15 µg/mL, soit 1000 fois moins que pour des protéines solubles).

L’amélioration de souches d’E. coli permet cependant d’améliorer la production de protéines membranaires (Schlegel et al., 2014). D’autres systèmes cellulaires, notamment le système baculovirus-cellules d’insecte et la levure Pichia pastoris, se sont également révélés intéressants. En effet, des cellules d’insectes infectées par du baculovirus contenant l’ADNc codant pour la protéine membranaire vont permettre d’une part la synthèse de la protéine membranaire au niveau de la membrane de la cellule d’insecte (Rotrosen et al., 1993), mais également la prolifération du virus et la présence de la protéine membranaire au niveau de l’enveloppe virale (Loisel et al., 1997). Ce baculovirus extracellulaire peut ensuite être fusionné avec des liposomes pour former des protéoliposomes (Fukushima et al., 2008). De même, les souches de Pichia pastoris ont été génétiquement modifiées et les conditions de synthèse optimisées ; elle se présentent donc à présent comme des systèmes très utiles pour la synthèse de protéines membranaires (Gonçalves et al., 2013).