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Chapitre II : Les facteurs de virulence de P aeruginosa 30

C. Le Système de Sécrétion de Type 2 41

La sécrétion de type 2 est un processus permettant l’export de larges protéines dans le milieu extracellulaire. P. aeruginosa utilise ce système pour exporter de nombreuses molécules, dont certaines jouent un rôle important dans la virulence.

a. Structure du SST2

L’export de protéines par le Système de Sécrétion de Type 2 (SST2) s’opère en deux étapes : les substrats sont d’abord exportés à travers la membrane cytoplasmique par les machineries Sec ou Tat, puis ces substrats sont pris en charge par le SST2 pour leur export depuis le périplasme bactérien vers le milieu extracellulaire. Le repliement des substrats du SST2 a lieu dans le périplasme (Bleves et al., 2010).

La machinerie du SST2 est constituée de 3 composants. Une première partie, située au niveau de la membrane interne, a pour fonction principale de fournir de l’énergie au système par hydrolyse d’ATP. Une seconde partie est insérée dans la membrane externe et forme un canal de large diamètre permettant l’export de grosses protéines. Une troisième partie forme un pseudopilus dont la fonction proposée est de former un piston permettant l’expulsion mécanique des protéines à travers le canal (voir Figure 11) (Bleves et al., 2010).

Figure 11 : Représentation schématique du SST2 de P. aeruginosa (Bleves et al., Int J Med Microbiol 2010).

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Chez P. aeruginosa, trois systèmes de sécrétion de type 2 ont été identifiés à ce jour. Le système Xcp est de loin le système le mieux caractérisé et sécrète plusieurs facteurs de virulence jouant un rôle important au cours de l’infection. Les deux autres SST2, Hxc (actif uniquement en conditions de limitation en phosphate) et Txc (présent uniquement chez la souche PA7 de P. aeruginosa), sont à ce jour bien moins caractérisés (Bleves et al., 2010; Roy et al., 2010). Dans cette étude, seul le système Xcp sera décrit, et il sera appelé SST2.

L’expression du SST2, comme celle de nombreux autres facteurs de virulence tels que les rhamnolipides, la pyocyanine ou la pyoverdine, est régulée par le quorum sensing (QS), un mécanisme de régulation permettant aux bactéries de communiquer entre elles et de coordonner leurs actions. Ce système repose sur la production de petites molécules diffusibles, dont la concentration sert d’indication de la densité bactérienne. A partir d’une concentration seuil, ces molécules vont activer la transcription de gènes codant pour des facteurs de virulence (Stevens et al., 2012).

b. Substrats du SST2

Plusieurs substrats sécrétés par le SST2 de P. aeruginosa jouent un rôle dans la virulence. Parmi ces substrats, les plus importants au cours de l’infection sont les élastases LasA et LasB, l’exotoxine ToxA, la protéase IV (une sérine protéase) et des lipases et phospholipases.

i. LasB

L’élastase LasB est la protéase extracellulaire sécrétée par P. aeruginosa la plus importante au cours de l’infection. LasB participe à l’évasion des bactéries du système immunitaire, à la colonisation de l’hôte et à la destruction des tissus. Ces activités sont opérées grâce au clivage d’un certain nombre de protéines :

- Plusieurs composants de la matrice extracellulaire : l’élastine (composant majeur du tissu pulmonaire), la fibronectine, la vitronectine, certains collagènes (Beaufort et al., 2011).

- Certaines protéines en surface des cellules : uPAR (récepteur de l’urokinase plasminogen activateur uPA, mais également impliqué dans l’adhésion de la cellule à la matrice), mais aussi les claudine-1 et -4 et l’occludine (protéine des jonctions serrées) qui sont perturbées de façon transitoire par LasB (Nomura et al., 2014).

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- Certaines molécules impliquées dans la reconnaissance et l’élimination du pathogène par l’hôte : les protéines SP-A et SP-D (protéines du surfactant ayant une forte activité bactériostatique), immunoglobulines G et A, ainsi que certains composants du système du complément (protéines de l’immunité innée contenues dans le sérum) (Strateva and Mitov, 2011).

- La VE-cadhérine (le clivage de la VE-cadhérine a été démontré par notre groupe et le groupe du Dr. Pidard) (Beaufort et al., 2013; Golovkine et al., 2014).

ii. LasA

LasA est une autre protéase sécrétée par P. aeruginosa. Elle possède également une activité élastolytique (dégradation de l’élastine), bien que faible en comparaison de celle de LasB. Elle est cependant capable d’augmenter de façon significative l’activité de LasB en rendant l’élastine plus accessible au clivage (Kessler et al., 1997; Peters and Galloway, 1990). LasA est également connue en tant qu’enzyme à forte activité staphylolytique à cause de sa capacité à dégrader le peptidoglycane de S. aureus (Kessler et al., 1993). Cette capacité peut potentiellement constituer un avantage important pour P. aeruginosa au cours de la colonisation des poumons de patients atteints de mucoviscidose.

iii. ToxA

ToxA (anciennement appelée ETA) est une toxine AB, c’est-à-dire une toxine possédant une cible intracellulaire. Elle est capable de s’internaliser dans les cellules cibles pour aller ensuite inhiber le facteur d’élongation EF-2. Cette inhibition a pour conséquence une inhibition de la synthèse protéique, qui conduit à la mort de la cellule ciblée par nécrose (Bleves et al., 2010).

iv. Protéase IV (PrpL)

PrpL est une sérine protéase. Son rôle a été documenté pour les kératites (Matsumoto, 2004). Elle dégrade le fibrinogène, le plasminogène et l’immunoglobuline G. PrpL joue également un rôle dans les infections respiratoires grâce à sa capacité à dégrader les protéines A, B et D du surfactant (Malloy et al., 2005).

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v. Lipases et phospholipases

P. aeruginosa sécrète également un certain nombre de lipases et de phospholipases (dont des

phospholipases C). Ces enzymes ciblent plusieurs types cellulaires :

- Elles dégradent les phospholipides des membranes cellulaires des cellules épithéliales (Kipnis et al., 2006).

- Certaines phospholipases sont également responsables d’une hémolyse (lyse des globules rouges) (Ostroff et al., 1990).

- La phospholipase C affiche par ailleurs une forte cytotoxicité vis-à-vis des cellules endothéliales, et inhibe l’angiogenèse (i.e. formation de nouveaux vaisseaux sanguins). Tout ceci pourrait être impliqué dans la mauvaise guérison des blessures infectées par P. aeruginosa (Vasil et al., 2009).

c. Importance du SST2 au cours de l’infection

Les rôles respectifs du SST2 et du SST3 ont été évalués dans un modèle de pneumonie aiguë chez des souris dépourvues de TLR2 et TLR4 par le groupe de Jyot et ses collaborateurs (Jyot et al., 2011). La charge bactérienne utilisée dans leur modèle est telle que les souches possédant à la fois le SST2 et le SST3 sont létales pour les souris en moins de 24 heures, tandis qu’une souche dépourvue de ces deux facteurs de virulence est avirulente sur une période de 7 jours. Dans ce contexte, les bactéries n’ayant que le SST3 (i.e. dépourvues de SST2), sont létales pour les souris en 24 h. Les bactéries n’ayant que le SST2 induisent également une mortalité chez les souris, mais avec un effet retardé (3 jours). Les conclusions de cette étude sont que, bien que le SST3 soit le facteur de virulence principal au cours d’infections aiguës, le SST2 joue également un rôle important.

Une étude menée par Le Berre et ses collaborateurs évalue quant à elle l’importance de trois facteurs de virulence de P. aeruginosa : l’élastase LasB, le SST3 et les lipopolysaccharides. Pour cela, la virulence de 56 souches de P. aeruginosa isolées chez des patients souffrant de pneumonie sous ventilation mécanique a été testée dans un modèle d’infection pulmonaire aiguë chez la souris. Les données de cette étude suggèrent que le SST3 et, dans une moindre mesure, l’élastase sont les deux facteurs de virulence les plus importants chez les souches cliniques de P. aeruginosa (Le Berre et al., 2011).

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