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Chapitre II : Les facteurs de virulence de P aeruginosa 30

E. Autres facteurs de virulence 50

a. Les autres systèmes de sécrétion de P. aeruginosa

P. aeruginosa possède trois autres systèmes de sécrétion : Le SST1, le SST5 et le SST6.

i. SST1

Le SST1 est un système de sécrétion permettant l’export de protéines directement depuis le cytosol jusqu’au milieu extracellulaire. L’activation de ce système est sous contrôle du quorum sensing. Les effecteurs transportés par le SST1 sont encore mal connus. Parmi ceux- ci, la protéase alcaline AprA est de loin l’effecteur le mieux caractérisé. AprA est capable de dégrader les protéines suivantes :

- La fibrine (protéine filamenteuse résultant du processus de coagulation)

- Des protéines impliquées dans la défense de l’hôte telles que les protéines du complément C1q, C2 et C3, et l’interféron γ (Laarman et al., 2012)

- Les monomères de flagelline, réduisant ainsi la réponse immunitaire médiée par le TLR5 (Bardoel et al., 2011)

Le rôle d’AprA in vivo est documenté dans les kératites comme toutes les protéases produites par P. aeruginosa (Guzzo et al., 1991).

ii. SST5

Le SST5 permet l’export de protéines en deux étapes : une première étape de transport dans le périplasme par les machineries Sec ou Tat, puis une étape de transport dans le milieu extracellulaire par un mécanisme d’autotransport ou de transport à deux partenaires. Chez P.

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aeruginosa, le SST5 permet la sécrétion de la protéase LepA et de l’estérase EstA, impliquée

dans la production de rhamnolipides (Wilhelm et al., 2007). Récemment, un nouveau système de sécrétion à deux partenaires a été découvert sur une souche clinique isolée à Grenoble, CLJ1. Il est composé d’un transporteur ExlB et de l’exolysine ExlA. Ceci confère à CLJ1 un phénotype extrêmement virulent, ce qui est particulièrement inhabituel pour une souche dépourvue de SST3. Bien que la prévalence de telles souches reste à déterminer, CLJ1 pourrait être la première représentante d’une catégorie de souches de P. aeruginosa virulentes négligées jusqu’à présent (Elsen et al., 2014).

iii. SST6

Le SST6 est un système bien conservé parmi les bactéries à Gram négatif. Chez Vibrio

cholerae, première bactérie chez laquelle le SST6 a été identifié, ce système permet

l’injection de toxines dans le cytoplasme de cellules eucaryotes (Pukatzki et al., 2006).

Chez P. aeruginosa, trois SST6 ont été identifiés : les SST6-1, -2 et -3 (Bleves et al., 2010). A ce jour, le SST6-1 est le mieux caractérisé. Contrairement au SST6 de V. cholerae, le SST6-1 ne cible pas les cellules eucaryotes, mais est impliqué dans la compétition avec d’autres espèces bactériennes (Hood et al., 2010). Le SST6-1 étant exprimé au cours d’infections chroniques, ce système est sans doute impliqué dans la colonisation et l’implantation de P.

aeruginosa dans les organes infectés au détriment d’autres espèces bactériennes. Les SST6-2

et -3 sont quant à eux capables de cibler à la fois des cellules eucaryotes et procaryotes (Bleves et al., 2014). Une étude récente a permis de démontrer que le SST6-2 favorise l’internalisation de P. aeruginosa dans des cellules épithéliales en ciblant les microtubules (Sana et al., 2015).

b. Les autres molécules sécrétées

i. Les lipopolysaccharides

Les lipopolysaccharide (LPS) sont des molécules composées de trois parties : une chaine lipidique, un corps composé de motifs polysaccharidiques et d’une partie oligosaccharide appelée Antigène O. Lorsque les LPS sont sécrétés par P. aeruginosa, ils englobent la surface de sa membrane externe. Ils sont impliqués dans plusieurs processus au cours de l’infection :

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- Les LPS servent à l’adhésion des bactéries aux cellules épithéliales, pour lesquelles plusieurs récepteurs tels que les protéines CFTR et aGM1 ont été décrits (Kipnis et al., 2006).

- Les LPS sont reconnus par le TLR4, ce qui déclenche une forte réponse pro- inflammatoire par sécrétion de cytokines (Pier, 2007).

Il est à noter que chez les patients atteints de mucoviscidose, les LPS sont fortement modifiés ce qui a pour effet de limiter la détection de la bactérie par le système immunitaire (Pier, 2007).

ii. Les facteurs d’attachement

Les exopolysaccharides sont des polymères de grands poids moléculaires, composés d’enchaînements de glucides. P. aeruginosa sécrète trois types d’exopolysaccharides : les alginates, le Psl et le Pel. Ces trois types de polysaccharides sont impliqués dans la fixation des bactéries sur une surface dans la formation de biofilms (Colvin et al., 2012; Ghafoor et al., 2011). Par ailleurs, les Psl sont impliqués dans l’extension du biofilm (Zhao et al., 2013).

P. aeruginosa produit également des lectines, qui sont des protéines qui se lient

spécifiquement à certains glucides. Chez P. aeruginosa, ces lectines sont présentes dans le cytoplasme des bactéries, mais également sur leur membrane externe (Tielker et al., 2005). Chemani et ses collaborateurs ont montré que la suppression des lectines chez une souche de

P. aeruginosa réduit l’adhésion des bactéries et leur cytotoxicité in vitro, ainsi que la

dissémination in vivo dans un modèle de pneumonie aiguë (Chemani et al., 2009).

iii. Les chromophores

Plusieurs chromophores sont sécrétés par P. aeruginosa : la pyocyanine, la pyoverdine et la pyocheline.

La pyocyanine est un pigment bleu/vert impliqué dans l’établissement de l’infection chronique. Elle agit sur les cellules épithéliales de plusieurs manières, y compris par dommage direct, en empêchant la production de cytokines, en inhibant le mouvement des cils ou en bloquant des voies de signalisation cellulaire (Rada and Leto, 2013). Elle induit également l’apoptose des neutrophiles (Kipnis et al., 2006). En l’absence de pyocyanine, la

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virulence de P. aeruginosa est atténuée dans un modèle murin d’infection pulmonaire (Lau et al., 2004).

La pyocyanine est également capable d’induire la libération du fer par la transferrine, un protéine du sérum impliquée dans le transport du fer (Cox, 1986). Ce fer peut alors être capté par la pyoverdine et la pyocheline, agissant comme des sidérophores. La pyoverdine pourrait également être impliquée dans l’homéostasie à d’autres métaux (Schalk and Guillon, 2013).

iv. Les rhamnolipides

Les rhamnolipides sont des glycolipides sécrétés par P. aeruginosa. Ils ont plusieurs rôles documentés au cours de l’infection :

- Ils coopèrent avec les phospholipases du SST2 pour dégrader les phospholipides du surfactant pulmonaire.

- Ils perturbent le mouvement des cils et favorisent l’invasion de l’épithélium pulmonaire (Zulianello et al., 2006).

- Ils participent à la protection de P. aeruginosa contre le système immunitaire en inhibant la phagocytose et en provoquant la lyse des macrophages (Alhede et al., 2014).

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Chapitre III : Les barrières tissulaires au