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CHAPITRE 6. CAPITAL HUMAIN, CAPITAL BÉTAIL : UNE CARACTÉRISATION

6.4. C ARACTÉRISATION ET ANALYSE DES SYSTÈMES DE PRODUCTION

6.4.3. Système pastoral pur (SPP)

C’est un système de production basé exclusivement sur l’élevage pastoral qui constitue l’unique activité économique source de revenu et d’alimentation des ménages. Ces derniers représentent environ 16% de l’échantillon, soit 28% des ménages dits éleveurs enquêtés. 6.4.3.1. Système pastoral sédentaire (SPS)

Ce système se localise au niveau de la zone pastorale de la région de Diffa. Il regroupe les ménages d’éleveurs précarisés et sédentarisés et qui n’ont d’autres activités que l’élevage. Ces derniers sont des pasteurs qui ont perdu leur cheptel gros ruminants, bovins pour les uns (Peuls) et camelins pour les autres (Toubous), à cause des sécheresses et autres crises pastorales de ces dernières décennies. Ainsi, la taille moyenne du troupeau est de 41 animaux ; il est composé pour l’essentiel de petits ruminants (85%) avec accessoirement quelques têtes d’asins.

La lecture du tableau 49 indique que 28,6 et 43% des ménages appartenant à ce système sont respectivement sans camelins ou bovins dans leur troupeau. Par ailleurs, 20 à 25% de ceux qui en possèdent sont copropriétaires. En revanche, environ 93 à 100% de ces ménages déclarent posséder des petits ruminants. Cependant, 46 à 50% de répondants en sont copropriétaires.

Tableau 49. Statut du troupeau du système pastoral sédentaire (%) Propriétaire Copropriétaire Total

Bovins 75,0 25,0 100 Ovins 53,8 46,2 100 Caprins 50,0 50,0 100 Camelins 80,0 20,0 100 Asins 76,9 23,1 100 Equins 90,0 10,0 100

Dans ce système, les différents modes d’acquisition du bétail sont le don (31 à 40%) ; l’héritage (20 à 46%) ; le habbanaye (10 à 25%) et l’achat (7 à 30%) selon l’espèce (Figure 68). Il apparaît ainsi que le système repose pour l’essentiel sur les réseaux sociaux (don et habbanaye). Par manque d’alternative, les ménages appartenant à ce système sont de plus en plus vulnérables, la taille du troupeau ne permettant pas de satisfaire leurs besoins essentiels de manière adéquate.

Figure 68. Fréquences de modes d’acquisition du bétail par les ménages des SPPS et SPPM (%)

6.4.3.2. Système pastoral mobile pur (SPMP)

Ce système concerne les ménages d’éleveurs mobiles qui ont leurs terroirs d’attache en zone pastorale. Il regroupe les pasteurs Peuls, Toubous et Arabes. La taille moyenne du troupeau par ménage est de 70 têtes (CV 0,9) composé de bovins et petits ruminants pour les Peuls ou camelins et petits ruminants pour les Arabes et les Toubous. Les petits ruminants représentent 51% de l’effectif du troupeau avec une prépondérance des ovins sur les caprins.

Environ 67 à 89% des ménages appartenant à ce système possèdent des bovins et/ou petits ruminants dans leurs troupeaux. Et environ 21 à 33% des répondants déclarent élever l’une ou l’autre de ces espèces en tant que copropriétaires (tableau 50).

Tableau 50. Statut du troupeau du système pastoral mobile (%) Propriétaire Copropriétaire Total

Bovins 79,2 20,8 100 Ovins 72,7 27,3 100 Caprins 72,2 33,3 100 Camelins 76,9 23,1 100 Asins 85,2 14,8 100 Equins 100 0 100

Les principaux modes d’acquisition du bétail (Figure 68) sont l’héritage (46 à 71%) ; le don (21 à 39%) ; le habbanaye (4 à 11%) et l’achat (0 à 11%). Les troupeaux sont essentiellement nourris à partir des pâturages naturels grâce à la mobilité d’une zone à une autre. En effet, en saison sèche, les animaux qu’accompagne l’ensemble ou une partie du ménage, quittent le nord (zone pastorale) vers le sud (zone agropastorale) à la recherche de pâturages notamment dans le lit du lac ou au-delà des frontières du pays (au Nigéria et au Tchad). Ils ne reviennent qu’en début des saisons de pluies, période qui marque l’installation progressive de fourrages verts en zone pastorale. Dans un tel système, le recours aux compléments alimentaires et autres intrants zootechniques reste marginal voire nul.

Tableau 51. Caractérisation synthétique de différents systèmes de production pastoraux et agropastoraux dans la région de Diffa.

Rubriques SApS/A SApS/P SPPS SApM/A SApM/P SPPM Taille moy. de troupeau (têtes) 17 58 42 34 58 70 Part Petits ruminants (%) 70,6 77,6 83,3 50,0 65,6 51,4 Type d’agriculture Pluviale et irriguée ou de décrue Pluviale Pluviale, irriguée et/ou de décrue Pluviale ou de décrue Localisation principale Komadougou et Lac Tchad Cuvettes pastorales Cuvettes pastorales Komadougou et Lac Tchad Cuvettes pastorales/Lac Tchad Cuvettes pastorales Peuplement Manga, Mobeur et Boudouma Peuls Peuls et Toubous Manga, Mobeur et Boudouma Peuls et Arabes Peuls, Arabes, et Toubous

Le tableau 51 présente de manière synthétique les différents systèmes de production identifiés au niveau de la région de Diffa. Dans cette région, l’agropastoralisme occupe une place importante dans la vie socio-économique de la population. Cette pratique est largement répandue et entraîne des mutations profondes notamment au niveau des ménages pastoraux. Suite au déficit fourrager structurel de ces dernières décennies entraînant la diminution du troupeau chez les éleveurs, nombre des ménages à vocation pastorale se lancent de plus en plus dans l’agriculture en marge de leur activité originelle. C’est une des stratégies permettant à ces ménages de vivre et de produire dans un environnement naturel, économique et social précaire où la survie de la population se fait au jour le jour.

L’agriculture pluviale et/ou de décrue permet aux ménages pastoraux d’atténuer, un tant soit peu, la perte progressive qu’enregistre leur cheptel de par les produits agricoles qu’ils auraient engrangés et de réduire ainsi leur vulnérabilité. La pratique de l’agriculture par les éleveurs en zone pastorale procède aussi d’une stratégie de territorialisation de l’espace dans un contexte de décentralisation et de compétition accrue quant au contrôle et l’accès aux ressources naturelles notamment pastorales (fourragères et hydrauliques) qui deviennent de plus en plus compromises sous le coup des facteurs naturels (déficit pluviométrique ; ensablement des parcours et/ou point d’eau ; etc.) et anthropiques (avancée du front agricole ; accroissement de la population pastorale et du cheptel ; etc.) .

Les ménages à vocation agricole s’intéressent de plus en plus à l’élevage qu’ils associent à l’agriculture. Car l’élevage constitue un moyen d’épargne et/ou une source de revenu importante, pour certains, mais aussi un des rares moyens de placement d’argent, pour d’autres, dans un milieu où le système financier dit moderne fait défaut.

Conclusion partielle

L’élevage au niveau de la région de Diffa subit une mutation importante depuis les sécheresses des années ‘7072. Avec les années, nombre d’éleveurs ont vu la composition et la

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En 1970, d’après le recensement officiel de la population humaine et du cheptel, les petits ruminants représentaient 56,8% (ovins 21,3% et caprins 35,5%) de l’effectif du cheptel de Diffa contre 37,6% pour les bovins. Les camelins, les asins et les équins représentaient respectivement 2,5%, 2,1% et 1% du cheptel régional (République du Niger, 1970). En

structure de leurs troupeaux modifiées. La part des bovins chute au profit des petits ruminants (surtout caprins) qui résistent mieux aux chocs climatiques en se nourrissant, au besoin, de pâturages aériens. Toutefois, en zone de Komadougou, le cheptel sédentaire présente une proportion de bovins beaucoup plus importante (27%) par rapport à ceux des autres zones. Aussi, l’afflux massif dans la région de grands troupeaux de camelins d’éleveurs arabes Mohamid originaires d’Ethiopie, amorcé depuis les années 80’, via le Tchad, a porté la proportion de camelins à hauteur de 11,9% du cheptel régional. Cette situation n’est pas sans conséquences sur les rapports entre acteurs ruraux quant à l’accès aux ressources pastorales de la région et leurs disponibilités.

La structure du cheptel dans son ensemble se caractérise par la forte présence d’individus jeunes et une domination des femelles sur les mâles formant un noyau reproducteur plus ou moins stable aussi bien pour le cheptel sédentaire que mobile73. Pour exploiter son troupeau, notamment par la vente, l’éleveur choisit de préférence les mâles puis les femelles âgées et/ou malades. Cette stratégie rentre dans un processus de reproduction et d’accumulation du capital bétail. Elle permet d’une part, d’assurer la reproduction du troupeau ainsi que la production laitière, et d’autre part, de garder des animaux potentiellement performants et résistants dans un environnement marqué par un déficit pluviométrique et fourrager récurrent voire structurel entraînant le plus souvent d’importantes pertes d’animaux et la paupérisation des éleveurs.

1978, la composition du cheptel était de 62,4% pour les petits ruminants ; 30,2% pour les bovins ; 3,4% pour les camelins ; 2,8% pour les asins et 1,2% pour les équins (République du Niger, 1979).

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La structure du troupeau bovin en zone sédentaire de Diffa indique, en fin 1982, que 64,1% des femelles sont âgées de 4 ans et plus ; 23,9% sont âgées de 1 à 3 ans et 12% âgées de 0 à 1 ans. En zone pastorale les proportions sont respectivement de 59,4% ; 26,7% et 13,8%. 61,2% ; 27,1% et 11,7% (PENCE, 1985).

CHAPITRE 7. ANALYSE DE L’ÉCONOMIE DES MÉNAGES PASTORAUX ET