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Système agro-pastoral à dominante pastorale (SAp/P)

CHAPITRE 6. CAPITAL HUMAIN, CAPITAL BÉTAIL : UNE CARACTÉRISATION

6.4. C ARACTÉRISATION ET ANALYSE DES SYSTÈMES DE PRODUCTION

6.4.1. Système agro-pastoral à dominante pastorale (SAp/P)

Ce système regroupe les ménages qui pratiquent l’élevage (sédentaire ou mobile) en tant que principale activité économique en marge de laquelle une activité agricole est accessoirement associée. Ces derniers représentent 43% de l’ensemble de l’échantillon ou encore 72% des ménages à vocation pastorale enquêtés. Si pour certains l’agriculture représente une activité d’appoint permettant d’alléger un tant soit peu le niveau d’exploitation numérique du troupeau de par les produits de récolte qu’ils auraient engrangés, pour d’autres c’est une alternative permettant de faire face à la réduction ou à la perte progressive du bétail qu’enregistrent leurs troupeaux ces dernières décennies. Le revenu tiré de la vente de surplus agricoles (notamment en zone du lac) leur permet ainsi de reconstituer progressivement leur cheptel.

6.4.1.1. Système agro-pastoral sédentaire à dominante pastorale (SApS/P)

Il regroupe les ménages d’éleveurs qui pratiquent un agro-pastoralisme sédentaire. Ce système se localise dans la partie centrale de la région situées à la lisière de la zone agro- pastorale jusqu’à la zone des cuvettes pastorales. Il concerne principalement le groupe ethnique peul sédentarisé par manque d’un troupeau suffisant pour la mobilité (notamment les gros ruminants).

La taille moyenne du troupeau des ménages de ce système est de 57 têtes (coefficient de variation (CV) de l’ordre de 0,7) composé essentiellement de bovins, d’ovins et de caprins, avec accessoirement une ou deux têtes d’animaux de bât ou de trait (asins, camelins et/ou équins). Les petits ruminants, dominés en majorité par les caprins, occupent une place importante dans le système (79% de l’effectif du troupeau) au détriment des bovins. En effet, pour les ménages concernés, la chèvre est synonyme de la « vache laitière » en ce qu’elle leur permet de répondre un tant soit peu à leur besoin en lait ne serait-ce que pour accompagner leur plat de mil.

Dans ce système, 70 à 89,3% des ménages répondants se déclarent propriétaires de leur bétail selon l’espèce considérée. Dans le même temps, 10,7 à 30% se disent copropriétaires de l’une ou de l’autre espèce animale qu’ils élèvent et 2,5% se disent bergers pour le troupeau bovin qu’ils conduisent (Tableau 34).

Tableau 45. Statut du troupeau du SApS/P selon l'espèce (%) Rubriques Propriétaire Berger Copropriétaire Total

Bovins 70 2,5 27,5 100 Ovins 70 0 30 100 Caprins 72,5 0 27,5 100 Camelins 88 0 12 100 Asins 78,6 0 21,4 100 Equins 89,3 0 10,7 100

Les principaux modes d’acquisition du bétail sont l’héritage (55 à 66%) suivi du don (17 à 23%) puis de habbanaye (13 à 15%) et de l’achat (5 à 10%) selon l’espèce considérée (Figure 66).

Le mode d’alimentation des animaux est basé sur l’exploitation permanente des pâturages naturels du terroir villageois et/ou inter-villageois sous la conduite d’un ou plusieurs membres de la famille.

Figure 66. Fréquences de modes d’acquisition du bétail par les ménages du SApS/P et SApM/P (%)

Les ménages appartenant à ce système pratiquent une agriculture de subsistance sous pluie. La taille moyenne des champs dépasse rarement 1ha (CV 0,3) de superficie. La principale spéculation produite est le mil. Les modes d’accès à la terre les plus fréquents sont l’héritage (50%) et le défrichage (45,2%). L’achat et le prêt restent marginaux (2,4% chacun). La mise en culture de certaines terres notamment dans les cuvettes pastorales rentre dans une stratégie de territorialisation de l’espace que développent les éleveurs. En effet, de nos différents entretiens avec les différents acteurs ruraux, il ressort que la finalité de la mise en culture de certaines cuvettes en zone pastorale par les éleveurs est d’acquérir un droit d’usage prioritaire sur les ressources pastorales du terroir. Nombre d’éleveurs enquêtés n’hésitent pas à affirmer qu’ « en réalité moi je fais l’agriculture dans le but de marquer mon ancrage foncier et avoir un droit de regard quant à l’accès et la gestion des ressources naturelles du milieu ».

Un autre d’affirmer : « En cultivant régulièrement sur cette terre, au bout de quelques années (5 à 7 ans) je peux me permettre de forer un puits. Ce qui me donnera alors une certaine priorité sur les ressources fourragères se trouvant dans le rayon ».

6.4.1.2. Système agro-pastoral mobile à dominante pastorale (SApM/P)

Ce système regroupe les éleveurs (principalement les peuls) qui pratiquent un agro- pastoralisme mobile avec un troupeau moyen de 58 têtes (CV 0,6) composé principalement de bovins, d’ovins et de caprins et accessoirement de camelins, d’asins et/ou d’équins comme animaux de bât ou de trait. Les petits ruminants représentent 65,5% du troupeau avec une dominance des ovins sur les caprins.

Tableau 46. Statut du troupeau du système agropastoral mobile à dominante pastorale selon l’espèce

Rubriques Propriétaire Berger Copropriétaire Total

Bovins 85,7 0 14,3 100 Ovins 91,8 0 8,2 100 Caprins 91,7 0 8,3 100 Camelins 95,5 0 4,5 100 Asins 94,0 0 6 100 Equins 100 0 0 100

Une analyse du statut du bétail, toutes espèces confondues, révèle que l’écrasante majorité des ménages répondants (85,7 à 100%) sont propriétaires des animaux qu’ils élèvent. Le cas des ménages qui se disent copropriétaires varie de 0 à 14,3% selon l’espèce considérée. Et aucun ménage berger, pour l’une ou pour l’autre espèce animale élevée, n’a été enregistré (tableau 46). Par ailleurs, les principaux modes d’acquisition du bétail (Figure 66) sont l’héritage (65 à 71%) suivi de l’achat (10 à 16%) puis du don (12 à 15%) et du habbanaye (4 à 6%).

Pour nombre de ménages appartenant à ce système, l’activité agricole qu’ils pratiquent n’est qu’ « opportuniste ». En effet, en la faveur du retrait constant des eaux du lac Tchad, ces derniers mettent à profit leurs transhumances dans le lit du lac pour exploiter de petits lopins de terre en culture de décrue (73,6% de ces champs ont moins d’1 ha de superficie) avec des outils et des techniques culturales très sommaires. L’exemple de Hardo69 Haro est édifiant à plus d’un titre. Ce chef de tribu, âgé de 69 ans, que l’équipe a eu la chance de rencontrer dans la zone du lac déclarait non sans peine que : « de toute ma vie je n’ai jamais eu à toucher à

une houe dans le but de pratiquer l’agriculture si ce n’est qu’à partir de l’année surpassée70

. Car cette année-là nous avions perdu beaucoup d’animaux (plus de la moitié du troupeau) par manque de pâturages. Conséquence, j’ai du mal à subvenir convenablement à mes besoins alimentaires à partir de produits de mon élevage »71.

Les principales spéculations cultivées sont le maïs et/ou le sorgho associé au gombo. Les ménages accèdent aux champs principalement par défrichage (53,8%) avec l’accord des autorités coutumières (Boulama ou chef du village) de la zone ou par héritage (38,5%). Le mode d’accès par achat représente 5,8% des cas. Ces éleveurs ont leur terroir d’attache en zone pastorale.