C. Le métabolisme et la reproduction
4. Les médiateurs
4.2. Le système leptine / neuropeptide Y
Le neuropeptide Y (NPY) est un neurotransmetteur de 36 acides aminés que l’on rencontre
au niveau du système nerveux périphérique et central (
361,362). Il est l’un des plus abondants
médiateurs dans le cerveau de mammifère. Les neurones l’exprimant sont localisés dans le
noyau arqué de l’hypothalamus et sont impliqués dans la régulation du métabolisme et du
comportement alimentaire (
363,364). Le NPY est connu comme un des agents les plus
orexigènes. L’injection centrale de ce peptide induit une réponse alimentaire même chez des
animaux rassasiés (
365), aboutissant sur une longue période à une obésité (
366,367). L’expression
de NPY augmente dans les neurones hypothalamiques du noyau arqué dans des conditions
métaboliques défavorables (
368,369). De plus, des taux élevés d’expression sont rapportés chez
des rats obèses Zucker (
370) et chez des souris avec un déficit en leptine (
371).
Ses rapports avec la fonction de reproduction et avec l’axe HHG sont assez complexes. Des
effets stimulateurs et inhibiteurs ont été décrits dans la littérature (
372,373). La présence des
stéroïdes sexuels et plus particulièrement celle des oestrogènes, semblent influencer son
action positive sur la LH (
373). Les récepteurs des oestrogènes sont présents sur les neurones à
NPY (
374). Chez des animaux castrés, l’administration centrale de NPY inhibe la libération de
LH (
375). Si le traitement par NPY est chronique, il induit une inhibition de l’axe gonadotrope
(
375,376). En revanche, les souris, dont le gène NPY a été invalidé ont des concentrations
diminuées de LH pendant le pro-oestrus et la réponse de la LH au GnRH est abaissée (
377).
Parmi les cinq sous types de récepteurs qu’il est capable d’activer, les récepteurs Y1 et Y5
sont impliqués dans le contrôle de la prise alimentaire (
378-380) et dans la régulation
neuroendocrinienne de l’axe HHG (
381-383). Le récepteur Y5 est présent dans les neurones
GnRH (
384). Un antagoniste de Y5 est capable de bloquer l’inhibition de la sécrétion de LH in
vivo, induite par NPY (
385). Y1 est rencontré au niveau des neurones de l’aire préoptique très
proche des neurones à GnRH (
383). Chez des jeunes rongeurs, une augmentation du tonus
NPY inhibe un développement sexuel normal. Cette action se fait par l’intermédiaire des
récepteurs Y1 (
386,387), qui semblent aussi être exprimés par les neurones à GnRH in vivo.
L’ensemble de ces études suggèrent que, dans des cas de privation alimentaire et
métaboliques défavorables, l’expression de NPY augmente et entraîne une forte inhibition de
la libération pulsatile de GnRH (
368,388,389). Cette hypothèse est renforcée par l’expérience
suivante : l’infusion intracérébrale de NPY chez des rats prépubères s’accompagne d’un
retard de développement pubertaire semblable à celui constaté dans les cas de restriction
alimentaire (
390). Le NPY pourrait participer au contrôle de l’initiation de la puberté en
particulier dans des conditions métaboliques peu propices. Il est à souligner la présence des
récepteurs d’insuline et de leptine au niveau des neurones
Figure 33: Schéma de la régulation centrale de l’appétit et de la fonction de reproduction par la leptine: NPY ( neuropepetide Y), EOP ( peptides opioïdes endogènes), MCH ( melanin-concentrating hormone), GLP-1 (glucagon-like-peptide 1), GAL ( galanine) d’après Clarke et
al, 1999, (277)
Figure 34: La leptine peut agir à différents niveaux pour réguler la fonction de reproduction
hypothalamiques exprimant le NPY, suggérant une collaboration dans le contrôle des
différentes fonctions (
391,392).
La leptine, déjà décrite dans le premier chapitre de l’introduction, produite par le tissu
adipeux, est l’un des plus puissants signaux périphériques de satiété. Cette hormone permet de
renseigner l’organisme sur son état nutritionnel. L’hypothalamus et l’hypophyse sont des
cibles de la leptine (
28,393). Elle semble pouvoir agir sur la libération de GnRH par
l’hypothalamus et celle des gonadotrophines par l’hypophyse selon l’état nutritionnel (
102,394).
Les humains et les animaux porteurs d’un déficit de leptine sont obèses et hyperphages et
présentent un hypogonadisme hypogonadotrophique (
395-397). Cette dernière anomalie se
corrige après traitement par la leptine exogène confirmant le rôle joué par cette hormone
(
398,399). In vivo, les neurones à GnRH ne semblent pas ou peu exprimer les récepteurs de la
leptine. Ces derniers ont été mis en évidence au niveau de neurones hypothalamiques
immortalisés en culture (
400,401). La leptine pourrait agir sur l’axe HHG via des inter-neurones
exprimant le NPY (et les récepteurs de la leptine) ayant des projections au niveau des
neurones à GnRH hypothalamiques (
402,403). Les souris dont le gène de Y1 ou de Y5 a été
invalidé, débutent plus tôt leur puberté, mais la chronologie du développement sexuel est
identique à celle des souris sauvages (
386,404). L’injection quotidienne de leptine chez ces
souris, immédiatement après sevrage, entraîne une diminution de l’expression de NPY chez
les animaux adultes (
393). Ce traitement accélère aussi le développement sexuel
comparativement à celui des souris sauvages (
51,405) mais seulement chez les souris Y1
-/-(
386).
La fixation du NPY sur son récepteur Y1 serait responsable des effets inhibiteurs de NPY
exercés sur les neurones à GnRH (
386,387). Le timing du développement sexuel des souris Y1
-/-soumises à une restriction alimentaire est normal comparé à celui des souris sauvages qui est
retardé (
404). Le récepteur Y1 semble aussi impliqué dans la détection du niveau des quantités
circulantes de leptine. Cependant, si ce récepteur est sensible aux concentrations basses de
leptine, un autre système neuronal semble responsable de l’accélération du développement
sexuel secondaire aux injections répétées de leptine (
386). Ainsi, le système « leptin-NPY/Y1-
neurones à GnRH » ne suffit pas à expliquer tous les effets observés dans le modèle Y1
-/-. Il
existe probablement un effet de la leptine indépendant du NPY, exercé directement sur les
neurones à GnRH ou via d’autres voies : GABA, (
406) ou POMC. Par exemple, la leptine
inhibe l’expression de la POMC (
407). La POMC est responsable de la production des opioïdes
endogènes, les endorphines qui régulent négativement la sécrétion de GnRH (
408) (Figures 32,
33 et 34).
Figure 36 : Les interactions entre les adipokines (leptine, résistine et adiponectine) et la fonction de reproduction chez la femelle, effets directs (plein), effets indirects ( pointillé)
adapté de Mitchell et al, 2005, (102)
obésité Tractus génital ovaire hypohyse hypothalamus Tissu adipeux
Figure 35 : Les interactions neuronales et endocriniennes dans la régulation de l’appétit de l’homéostasie énergétique d’après de Gale et al, 2004, (510)