• Aucun résultat trouvé

IV.1 Introduction

Notre système immunitaire se divise en deux systèmes de défense complémentaires : les systèmes immunitaires inné (SII) et adaptatif. Le SII correspond à la première ligne de défense, après la peau, pour contrer les pathogènes. Effectivement, les cellules leucocytes qui le composent patrouillent notre organisme, prêts à agir en réponse à un stimulus119,120. Ce chapitre porte plus

particulièrement sur deux familles de cellules immunitaires innées : les monocytes, macrophages et microglies, et les neutrophiles.

IV.1.1 Monocytes, macrophages et microglies

Les monocytes, les macrophages et les microglies sont des leucocytes phagocytaires, c.-à-d. des phagocytes, qui se différencient entre eux par leur localisation dans notre organisme, ainsi que par leurs caractéristiques morphologiques et génétiques distinctes.

Classiquement, il était accepté que les monocytes circulent dans le sang puis, suite à un signal inflammatoire, infiltrent le tissu endommagé pour se différencier en macrophages. Ces derniers étant en effet les phagocytes résidents des tissus, alors que les microglies se retrouvent spécifiquement dans le SNC. Cependant, plusieurs études ont démontré la complexité de la relation monocyte- macrophage de par les origines multiples des macrophages durant le développement, mais aussi durant la vie adulte.

IV.1.1.1 Origine

Monocytes

Les monocytes dérivent de cellules progénitrices myéloïdes des organes lymphoïdes primaires, tels que la moelle osseuse et le foie fœtal, durant l’hématopoïèse embryonnaire et adulte. Aussi, il semble qu’une production de monocytes puisse se faire à partir de la ratte en conditions inflammatoires chez la souris121,122.

Macrophages

Les macrophages peuvent être de deux sources différentes : (1) Dérivés de monocytes ayant infiltrés le tissu cible ou (2) dérivés de cellules progénitrices lors du développement121. Ces deux voies de

différenciation sont illustrées par la figure 15 à la page suivante. En complément, Perdiguero et coll. (2015) ont montré que les macrophages résidents des tissus, dont les microglies, proviennent de cellules progénitrices érythro-myéloïdes (erythtro-myeloid progenitors, EMPs), et ne seraient que marginalement remplacées par des cellules souches hématopoïétiques (HSC) après le développement chez la souris123.

Microglies

Des études récentes ont montré que les microglies sont ontologiquement différentes des monocytes et des macrophages dérivés de la moelle osseuse et retrouvés en périphérie124. Ces cellules

16

système circulatoire afin de coloniser ce qui deviendra le SNC. Ceci se passe très tôt dans le développement, avant le jour embryonnaire 8.5 chez la souris125.

IV.1.1.2 Phénotype

Ces trois phagocytes mononucléaires décrits précédemment ont la capacité de se polariser vers des phénotypes complexes, mais relativement semblables entre ces types cellulaires, en réponse aux signaux de leur microenvironnement. L’activation de récepteurs membranaires, tels que les toll-like receptors (TLRs) ou les récepteurs aux cytokines, déclenche des voies de signalisation spécifiques et une activation de la cellule immunitaire126. Ces changements occurrent tels un

continuum dans lequel deux polarisations extrêmes peuvent être identifiées : l’activation classique (M1) ou l’activation alternative (M2)127,128.

Le phénotype de type M1 est considéré comme étant pro-inflammatoire, ce dernier faisant suite à une activation via des médiateurs de l’inflammation comme le tumor necrosis factor (TNF)-α, l’IL-1β et le NO129. Le phénotype de type M2,

quant à lui, joue un rôle anti- inflammatoire, ou pro-réparateur, en facilitant les réparations tissulaires post-inflammatoires et le retour à l’homéostasie du microenvironne- ment touché130.

Figure 15 - Origine des monocytes et macrophages

Pittet et al (2014)121

Carte topo-ontogénique des macrophages/monocytes et de leurs cellules souches. Dans la moelle osseuse, les HSCs produisent différentes populations de cellules souches intermédiaires, lesquelles perdent progressivement leur capacité à s’auto-régénérer alors qu’elles deviennent une lignée cellulaire donnée. Les monocytes dérivés des HSCs sont retrouvés dans le sang et dans un réservoir splénique. Les premiers peuvent ensuite migrer vers différents tissus et se différencier en macrophages. Finalement, la majorité des macrophages résidents123 se développent dans

l’embryon (sac vitellin/foie fœtal) avant l’apparition des HSCs et sont maintenus indépendamment de la moelle osseuse.

Figure 16 - Voies de signalisation menant à la polarisation des macrophages

Liu et coll. (2014)126

Schématisation de diverses voies de signalisation cellulaires polarisant la cellule immunitaire vers un phénotype M1 ou M2.

Abréviations: IFNγ; interferon gamma, IFNγR; IFNγ receptor, LPS; lipopolysaccharide, TLR4; toll-like receptor 4, TNF; tumor necrosis factor, IL;

interleukine, STAT; signal transducer and activator of transcription, IRF; interferon-regulatory factor, NF-κB; nuclear factor kappa B, PPARγ;

peroxisome proliferator-activated receptor gamma,AP1; activator protein 1, CREB; C-AMP response element-binding protein, NOS; Oxide nitrique

synthase, C/EBPβ; CCAAT/enhancer binding protein beta, Arg1; arginase 1, Mrc1; mannose receptor 1 C-type, MHC II; Complexe majeur d’histocompatibilité de classe II, Ym1; chitinase 3-like 3, Fizz1; resistin-like-alpha

Abréviations: HSC; hematopoietic stem cell, CMP; myeloid progenitor,

GMP; granulocyte-monocyte progenitor; MDP, monocyte/ macrophages and dendritic cells precursor, CMoP; common monocyte progenitor, Ly- 6C; lymphocyte antigen 6C.

17 La figure 16 ci-haut illustre certaines voies signalétiques menant à la polarisation vers l’un ou l’autre de ces phénotypes cellulaires126.

La majorité des nouveaux monocytes circulant dans le sang sont de type M1, et sont ainsi prêts à agir immédiatement à des signaux inflammatoires131,132. Cependant, il est important de noter que

cette nomenclature ne permet pas de représenter de manière fidèle l’hétérogénéité des populations de phagocytes mononucléaires qui est fort complexe. Malheureusement, celle-ci est effectivement simplifiée par rapport à la réalité, et même les chercheurs à l’origine de cette nomenclature mettent en garde la communauté scientifique contre l’ultra-simplification des interprétations liées à ces immuno-phénotypes133.

Finalement, même si la majorité des modèles étudiés ont montré les effets néfastes des cellules M1 et les effets protecteurs des cellules M2, certaines exceptions s’appliquent. Par exemple, bien que les macrophages pulmonaires M2 jouent un rôle bénéfique dans la réparation tissulaire et la régulation de l’homéostasie du poumon en cas d’asthme, une population excessive de ces macrophages alimente une réponse inflammatoire accrue, une augmentation de la sécrétion de mucus et une augmentation de la déposition de collagène126,134,135.

IV.1.1.3 Rôles dans SNC et SNE

IV.1.1.3.1 SNC

Les microglies sont considérées comme étant les macrophages résidents du parenchyme cérébral, et sont le type cellulaire de l’immunité innée le plus nombreux du SNC où elles représentent 10% à 15% du nombre de cellules totales136. Il n’est pas surprenant donc que les microglies jouent

un rôle de première ligne dans l’immunité du SNC, ayant d’abord un rôle de surveillance en conditions normales, puis d’initiation de la réponse immunitaire lors d’attaques pathogènes137.

En conditions normales, les microglies montrent un phénotype quiescent, avec leur petit corps cellulaire et leurs longues ramifications qui font contact dynamiquement avec les neurones et les astrocytes qui les voisinent. Elles veillent à l’homéostasie de leur microenvironnement, grâce à leur fonction de pinocytose138 et à la présence de nombreux récepteurs membranaires137,139. Une fois

activées par des signaux inflammatoires ou des pathogènes, elles prennent une forme amiboïde active afin de générer une réponse inflammatoire. Elles ont, par exemple, la capacité de produire des cytokines, des chimiokines et du NO en réponse à l’activation de leurs TLRs140,141, en plus de se

déplacer vers la zone touchée et de phagocyter les débris142.

Par ailleurs, il semble que les microglies soient importantes pour des fonctions autres qu’immunologiques au sein du parenchyme cérébral. En effet, des rôles dans la survie neuronale143

et la synaptogénèse144,145 ont été rapportés grâce à l’excrétion de facteurs trophiques par les

microglies. Aussi, les microglies auraient la capacité d’induire l’apoptose planifiée chez les neurones durant le développement du SNC pour ensuite phagocyter les débris cellulaires146.

18

IV.1.1.3.2 SNE

L’intestin est le site de la plus grande présence de cellules immunitaires de l’organisme de par sa proximité avec un large bassin d’antigènes132. En effet, le microbiote et les matières digérées

ne sont séparés du parenchyme intestinal que par l’épithélium intestinal et son mucus147.

Deux groupes de macrophages résident dans la paroi intestinale : les macrophages de la muqueuse, et ceux des muscles (muscularis). Les premiers sont en contact avec les antigènes traversant la barrière épithéliale, et agissent de concert avec les cellules de l’immunité adaptatives pour éliminer les menaces pathologiques. En effet, ces macrophages ont la capacité de présenter des antigènes aux lymphocytes T naïfs des organes lymphatiques à proximité de l’épithélium, mais n’ont pas une grande activité phagocytaire148,149. La deuxième population se retrouve au niveau de la couche

musculeuse, loin de la lumière intestinale150. Ces macrophages ont des caractéristiques inverses des

premiers, puisqu’ils ont une grande activité phagocytaire, peu d’habilité à imprégner les lymphocytes T naïfs et sont absents des organes lymphatiques148,149,151.

IV.1.2 Neutrophiles

Le neutrophile est le type de leucocyte retrouvé en plus grand nombre dans le sang chez l’homme, avec 50% à 70% des cellules circulantes152. Une machinerie biologique importante est

mise en place pour fournir notre organisme en neutrophiles, avec une production de 1011 cellules par

jour153. Ce chiffre fort impressionnant est dû à la vie très courte du neutrophile, entre 8 et 12 heures

en circulation et jusqu’à 48 heures dans les tissus, qui doit être remplacé rapidement154. Cependant,

une étude récente de Pillay et coll. (2010) a montré que ces chiffres sont véridiques chez la souris, mais que la durée de vie de certains types de neutrophiles serait bien plus longue chez l’humain : 5,4 jours155!

IV.1.1.1 Origine

Les neutrophiles proviennent des cellules hématopoïétiques de la moelle osseuse156. Ceux-ci

resteront dans cet organe jusqu’à leur maturation pour être ensuite relâchés dans la circulation sanguine. La figure 17 à la page suivante résume les différentes étapes de différenciation nécessaires à la formation des neutrophiles ainsi que leur recrutement en cas d’inflammation ou d’infection157.

IV.1.1.2 Phénotype

Les neutrophiles sont des cellules très difficiles à étudier de par leur courte durée de vie dans l’organisme et en culture157. Alors que l’hétérogénéité de ce type cellulaire est connue depuis

plusieurs années158, de récentes études apportent de nouvelles preuves de ce concept en montrant

une hétérogénéité marquée des phagosomes159 et des granules160 exprimés par les neutrophiles.

IV.1.1.3 Rôles dans SNC et SNE

Tel qu’illustré par la figure 17, les neutrophiles en circulation dans le sang peuvent traverser l’endothélium des vaisseaux sanguins afin de se déplacer vers la source d’une infection ou d’une inflammation grâce au chimiotactisme. Arrivés au site de la réponse inflammatoire, ces cellules sont en mesure de procéder à l’élimination de la menace par phagocytose, dégranulation et NETose161.

19 En effet, les pathogènes ou autres molécules seront phagocytés, puis des agents nocifs comme des dérivés réactifs de l’oxygène162 et des granules intracellulaires163 seront déversés dans le

phagosome afin de tuer et digérer les éléments phagocytés161.

De plus, les neutrophiles peuvent utiliser une fonction « kamikaze », la NETose, où la cellule déverse son contenu intracellulaire qui forme alors un filet où sont emprisonnés les pathogènes. Ces filets contiennent, entre autres, des complexes d’acide désoxyribonucléique (ADN) et de molécules anti- microbiennes125. D’autres cellules immunitaires, telles que les macrophages et cellules dendritiques,

seront ensuite activées par ces filets et veilleront à l’élimination des pathogènes162,164.

À ces fonctions d’extermination, s’ajoute un rôle des neutrophiles dans l’orchestration de la réponse immunitaire grâce à la relâche de médiateurs inflammatoires dans le tissu cible165.

IV.1.3 Voie de l’inflammasome

Cette section a pour but d’introduire la voie de l’inflammasome par laquelle les cellules immunitaires peuvent être activées suite à divers signaux. L’inflammasome est un complexe de protéines qui se construit autour de protéines particulières, telles que NOD-like receptor family, pyrin domain containing 3 (NLRP3), et dont l’activation mène au clivage de la caspase-1 conduisant à la sécrétion de l’IL-1β par la cellule immunitaire, ou tout autre type cellulaire possédant cette machinerie Figure 17 - Vie d'un neutrophile: de la différenciation au site de l'inflammation

Eyles et al (2006)157

Schématisation des étapes de la vie d’un neutrophile, de son développement jusqu’à sa mort ou son rôle immunitaire. Dans la moelle osseuse, un type de cellule souche donne lieu à des cellules souches intermédiaires qui, suite à plusieurs différenciations, donnent naissances aux neutrophiles. Ceux-ci sont relâchés dans la circulation sanguine où, si aucune alerte immunologique ne se produit, ils entreront en apoptose après quelques heures. Si au contraire une alerte est lancée, les neutrophiles seront recrutés et, par extravasation, pénétreront le tissu vers le site d’inflammation ou d’infection afin de contrôler ces dernières par leurs effets anti-microbiaux.

20

cellulaire, comme les neurones166,167. De plus, cette voie peut mener vers une forme de mort

cellulaire particulière : la pyroptose168,169.

Les signaux reconnus par l’inflammasome diffèrent selon le type d’inflammasome, c.-à-d. la protéine particulière dont est composé l’inflammasome. Parmi ces signaux figurent les pathogen-associated molecular patterns (PAMPs) et les danger-associated molecular patterns (DAMPs)170. D’ailleurs, le

stress oxydatif et les dysfonctions mitochondriales peuvent mener à l’activation de cette voie171,172.

Documents relatifs