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La réparation dans le règne animal

2- D’un système immunitaire essentiel

Apprécier la cicatrisation uniquement en considérant la deuxième phase comme un processus histologique, avec en préliminaire une action anti-inflammatoire, n’est pas satisfaisant. Une réflexion attentive sur le sujet permet de discerner quelques incohérences mais surtout, nous empêche de comprendre divers aspects de la physiopathologie de cicatrices hypertrophiques. L’hémostase et la phase inflammatoire semblent faire consensus dans le milieu scientifique. En l’occurrence, la phase inflammatoire est une immunité de type Th1 ayant comme objet, la prévention d’une infection et l’assainissement de la zone meurtrie. En revanche, les travaux réalisés sur les processus régénérateurs hépatiques ou musculaires nous ont appris l’importance des cytokines inflammatoires sur les processus proliférateurs. A présent, l’inflammation de type Th1, de par la présence de cytokines, est admise comme initiateur de la mise en place du tissu de granulation avec son lot de phénomènes que nous pourrions qualifier de régénérateurs : prolifération épithéliale, angiogenèse et dépôt matriciel d’une qualité proche d’un derme sain. Non pas que les facteurs de croissance tels que le VEGF,

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l’EGF ou le PDGF ne jouent pas de rôle important mais il s’avère que l’inhibition de cytokines pro-inflammatoires retarde ou empêche la constitution du tissu de granulation [47]. Ceci est un premier argument du rôle fondamental que joue l’immunité dans la cicatrisation. La phase cicatricielle est souvent perçue uniquement comme une phase de reconstruction simple ayant une propriété anti-inflammatoire. Au premier regard, cette théorie peut paraître séduisante. Cependant, elle omet de prendre en compte tout un pan de l’immunité, l’immunité de type Th2. L’immunité Th2 est, de manière raccourcie, celle qui lutte contre les pathogènes extracellulaires. D’éminents experts de parasitologies voire d’allergologies se sont essayés à intégrer la signification de l’immunité de type Th2 dans la cicatrisation [52].

Le blocage de la voie de signalisation d’IL-4 entraina le retard voire le défaut de cicatrisation [61]. Autrement dit, cette immunité de type Th2 responsable de la défense de l’hôte contre les pathogènes extracellulaires entre en jeu dans la cicatrisation. Cette pensée s’avère pertinente car la défense contre un pathogène extracellulaire peut se résumer par la constitution d’un granulome dont la composition rappelle celle de la cicatrice. En effet, l’inflammation de type Th1 étant inefficace pour détruire l’agresseur, une « inflammation » de type Th2 prend rapidement le relais pour emprisonner le parasite dans un « cocon » inexpugnable le privant de ce fait, de mouvements. La forteresse fibreuse, non seulement, bloque tout mouvement mais empêche le parasite de se nourrir, ce qui entraine son trépas.

A présent, intégrons ce phénomène dans un processus de cicatrisation. L’inflammation a entrainé la détersion de la blessure et l’impulsion de la prolifération cellulaire pour refermer la zone. Reste que la zone non reconstruite émet des signaux en faveur d’une reconstruction. De manière intéressante, ces signaux émis par les structures histologiques en souffrance initient la survenue de cytokines pro-Th2, IL-4 et IL-13 en tête (Figure 14 c). La présence de ces peptides, en premier lieu, empêche tout retour en arrière car elle reste antinomique de l’inflammation de type Th1 (Figure 14 a). En second lieu, ces cytokines déclenchent une immunité de type Th2. Les signaux épithéliaux et endothéliaux sont intégrés au niveau des cellules immunitaires en présence au premier rang desquelles les nuocytes [62] et les lymphocytes. La perception de ces signaux leur permet en réponse de sécréter principalement, de l’IL-4 et de l’IL-13. La première cytokine va modifier, en autre, le phénotype des monocytes et des macrophages en présence. En retour, les macrophages ainsi stimulés vont émettre du TGF-β1. Le TGF-β1 est le principal activateur des myofibroblastes, qui, rappelons-le, sont les cellules responsables de la constitution de la cicatrice. La seconde cytokine, l’IL-13, amplifie la sécrétion de TGF-β1 et concourt à son activation (Figure 14 b).

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Ainsi, de par sa fonction biologique, l’IL-13 est susceptible de devenir un biomarqueur de fibrose au même titre que le TGF-β1 et le Connective Tissue Growth Factor [63].

La dernière étape de cicatrisation est toujours considérée comme une étape purement tissulaire, à savoir comme un remodelage matriciel. Il est vrai que la présence d’IL-10 est régulièrement décrite en littérature. Cette ponctualité est expliquée comme étant une sécrétion de macrophages de type 2 et ces propriétés sont décrites comme anti-inflammatoires ou immunosuppressives [64]. L’interleukine 10 présente, indubitablement, des vertus immunosuppressives [65]. Cependant, celles-ci ne sont pas sélectives et par conséquent, empêcheraient la réaction Th2 initiatrice du dépôt matriciel. En fait, si l’IL-10 était sécrétée après l’inflammation, il serait vraisemblable que la cicatrisation en resterait là. La confusion peut être expliquée à la lumière de la biologie des macrophages. Il est décrit que le macrophage peut adopter plusieurs phénotypes. Ces phénotypes sont classés selon deux types : les macrophages de type 1 et une grande classe de macrophages de type 2 [66]. Le type 1 macrophagique de l’immunité Th1 ne pose pas de problèmes particuliers en ce sens qu’il

a.

b. c.

Figure 14 : L’immunité de type Th2 dans la cicatrisation. [D’après Wynn T.A]

a. L’antagonisme des immunités Th1 et Th2 b. Rôle de l’IL-13 dans la réaction fibrotique. c. L’immunité Th2 dans la cicatrisation et la défense antiparasitaire.

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n’est remis en question par aucun biologiste. Par contre, les types 2 restent appréciés à l’aune de la spécialité du scientifique qui les dépeint à un instant donné. En effet, les macrophages de type 2 subissent régulièrement une catégorisation en M2a, b et M2c. Les M2a, b ne sont pas pourvoyeurs d’Il-10 mais en revanche, les M2c, oui [66]. Le classement de l’ensemble de ces macrophages dans le type 2 semble brouiller la compréhension et en conséquence, le message des chercheurs qui s’évertue à l’employer. Le fait est que le type M2c macrophagique devrait être classé à part donc apposé aux types M1 et M2 [67].

De fait, une nouvelle catégorisation des macrophages en trois types semble se dessiner (Figure 15).

L

e schéma précédent fait émerger une nouvelle classe de macrophages, les macrophages régulateurs. Ceci semble être les macrophages retrouvés lors de la conclusion cicatricielle qui agissent en supprimant la réaction immunitaire Th2 par l’intermédiaire, de l’IL-10 et le recrutement de lymphocytes régulateurs. Par contre, leur apparition n’est à ce jour point

Figure 15 : Les trois types de macrophages. [31]

Les macrophages régulateurs ne sont pas des sous-types de macrophages de type 2.

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étayée par des résultats expérimentaux solides dans un processus de cicatrisation et restent appréciés essentiellement in vitro.

Néanmoins, nous pouvons toujours nous référer aux hypothèses formulées précédemment et schématisées dans la figure 16 suivante :

Le schéma met en exergue le rôle principal des macrophages, cellules immunitaires dans chacune des phases de cicatrisation. Ce type cellulaire apparait à chaque fois et présente une action fondamentale dans la mécanique réparatrice. De ce fait, il est donc admis comme le « maître-régulateur de la cicatrisation » [68].

A l’instar de la régénération, l’immunité joue un rôle crucial dans le processus cicatriciel. La différence est que lors de la cicatrisation, l’immunité gouverne les processus participatifs tandis que lors de la régénération, l’immunité ne fait, à une exception près, que l’accepter. Ce constat ne fait que renforcer l’idée que l’acquisition d’une immunité complexe semble l’élément qui a précipité la perte de l’aptitude régénératrice en faveur de la cicatrisation. Considérant que l’immunité est le maître d’œuvre de la cicatrisation, elle devrait être la cible privilégiée de thérapeutiques destinées à atténuer voire « soigner » les pathologies cicatricielles.

Figure 16 : Les types de macrophages observés dans la cicatrisation.

Les macrophages régulateurs ont été observés mais les signaux qui déclenchent leur survenue ne sont pas encore totalement décryptés.

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