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Etudes expérimentales

C. Critiques du modèle Nude pour la cicatrisation cutanée

La cicatrisation, comme discutée en partie I de ce document, fait appel dans ces différentes phases à l’immunité. Il s’avère par conséquent que la souris Nude, souris immunodéficiente, peut présenter certaines limites quant à son utilisation. À cet égard, les limites peuvent être discutées selon trois points :

- Appréciation d’un système immunologique moins déficient qu’il n’y parait ;

- comparaison de la souris Nude avec les modèles murins de laboratoire immunocompétents pour l’appréciation de la cicatrisation ;

- le rôle des hormones sexuelles dans la réparation tissulaire.

1. Un système immunologique presque au complet

L’absence de lymphocytes T compétents laisserait envisager que les souris Nude ne puissent développer une inflammation solide et par consécution, de proposer une cicatrisation à la mesure de la brûlure.

Toutefois, la souris Nude présente tout le répertoire leucocytaire myéloïde mais également lymphoïde, qui en fait un modèle fréquemment utilisé dans des problématiques de cicatrisation cutanée.

En ce qui concerne l’immunité innée, principal participant de la cicatrisation, les souris Nude possèdent les polynucléaires, les mastocytes mais également les macrophages et ce, avec une activité normale voire augmentée [206] [207]. En outre, il est observé une présence quantitativement normale des Natural killer avec par contre, une activité supérieure à celle des lignées immunocompétentes [208] [209]. De surcroit, la souris présente une production similaire que les autres souris d’interféron gamma, cytokine impliquée dans l’inflammation et les défenses antivirale et antibactérienne [204]. Enfin, la résistance aux pathogènes intracellulaires restent particulièrement efficace en comparaison aux souches euthymiques [205]. L’activation de l’inflammation par l’immunité innée ne devrait par conséquent n’être que très légèrement affectée chez la souris Nude.

Pour ce qu’il est de la biologie des lymphocytes T chez la souris Nude, les interrogations sont plus nombreuses.

La souris Nude présente en fait tous les lymphocytes existant ; les lymphocytes T sont bien présents chez la Nude. Cependant, leur développement et leur biologie restent particuliers en

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ce sens que le peu de thymus restant ne peut remplir son rôle de maturation sur ces cellules immunitaires. Néanmoins, il s’avère que les lymphocytes de souris Nude trouvent maturation dans des organes lymphoïdes autres que le thymus, maturation qui augmente avec l’âge [212] [213]. Les souris Nude disposent en nombre de lymphocytes T CD8 actifs avec prédominance de récepteurs composés des sous-unités γ et δ bien que qu’il puisse exister des lymphocytes T présentant des récepteurs constitués des sous-unités α et β [210] [211]. La composante la plus affectée par la mutation de la souris Nude reste la population lymphocytaire T CD4. Toutefois, avec l’âge, les souris Nude, même si elles gardent une population immature conséquente viennent à disposer de lymphocytes T CD4 compétents [212] [213].

Comme précité, les lymphocytes T de la souris Nude disposent principalement des sous-unités γ et δ constitutives de leur récepteurs. Cette particularité s’est révélée être intéressante en ce qui concerne notre modèle de brûlure. En effet, les lymphocytes T γδ sont les cellules lymphoïdes particulièrement actives lors de la prise en charge du traumatisme post-brûlures [107]. La souris Nude, disposant de ce type lymphocytaire en nombre, parait apte à lutter contre l’agression tissulaire induite par les brûlures.

Au vu de toutes ces caractéristiques immunitaires, il y a lieu de penser que l’inflammation proposée par la brûlure chez la souris Nude soit relativement appréciable et peu altérée en comparaison à un modèle parfaitement immunocompétent.

2. Comparaison de souris Nude et des souris C57BL/6 pour l’appréciation de la cicatrisation

La lignée C57BL/6 est utilisée comme modèle murin de référence pour étudier les processus de cicatrisation. Nonobstant, il est impérieux de remarquer que pour cette lignée murine présente également une réponse immunitaire singulière. En effet, la lignée C57BL/6 est un « prototype Th1 » de réponse immunitaire innée [214]. En d’autres mots, les souris C57BL/6 ont tendance à développer une réponse inflammatoire exacerbée [214]. En intégrant la connaissance que les cytokines pro-inflammatoires sont prolifératives et participent à la formation du tissu de granulation [cf. Partie I, II], il y a lieu de penser que la cicatrisation proposée par les souris C57BL/6 soit quelque peu particulière.

Nous avons en conséquence mené quelques manipulations pour interroger cette hypothèse. En premier lieu, il a été choisi de regarder la cicatrisation de perforations cutanées. Pour ce faire, un carré de 1 cm2 a été excisé de la surface cutanée dorsale de souris C57BL/6. Il s’est avéré que les souris cicatrisaient en 7 jours et qu’une très légère trace cicatricielle était

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observée au jour 10 post-traumatisme (Données non montrées). En comparaison avec l’Homme, cette cicatrisation s’avère particulièrement véloce.

En deuxième intention, il a été entrepris de comparer sommairement la cicatrisation de brûlures profondes de souris Nude et de souris C57BL/6. Ce faisant, nous voulions être confortés dans le choix de la Nude comme modèle de cicatrisation pour les brûlures.

Les souris C57BL/6 ont été rasées au scalpel et brûlées au second degré selon le protocole précédemment décrit. La profondeur de la brûlure a été évaluée par techniques histologiques d’usage et la cicatrisation a été appréciée uniquement par observation macroscopique (Figure 44).

Comparativement aux souris Nude, les souris C57BL/6 présentent, semblerait-il, une cicatrisation plus rapide. En effet, une cicatrice apparait formée en 12 jours chez les C57BL/6 (Figure 44 A). Visuellement, cette cicatrice qui remplace les tissus cutanés après brûlure chez la lignée C57BL/6 apparait fine et de très bonne qualité.

Sonder le derme à la recherche d’une fibrose serait très intéressant car macroscopiquement, on pourrait penser que la souris se répare sans cicatrice. Néanmoins, il est indispensable de faire les colorations histologiques adéquates afin de démontrer l’assertion précitée.

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En ce qui concerne la souris Nude, la cicatrisation reste plus lente que la souris C57BL/6 puisque une cicatrice ne commence à apparaitre qu’au jour 14 et est formée au jour 21. De plus, à l’inverse de la C57BL/6, la souris Nude laisse engendrer quant à sa cinétique de cicatrisation des tensions rétractiles à la lisière de la zone meurtrie (Souris Nude n°1, Figure 44 B). De surcroît, il s’est avéré que la souris Nude pouvait adopter une cicatrisation hypertrophique (souris Nude n°2, Figure 44 B) telle qu’elle est définie en clinique humaine i.e avec l’apparition d’un bourrelet qui reste dans les limites de la cicatrice initiale [110]. Ce paramètre est primordial quant à l’appréciation des effets des traitements sur le devenir

Figure 44 : Comparaison macroscopique de la cicatrisation de brûlure profonde chez la C57BL/6 et la Nude.

A. Brûlure profonde et aspect macroscopique de la cicatrisation chez la souris C57BL/6. B. Brûlure profonde et aspect macroscopique de la cicatrisation chez la souris Nude. L’histologie des peaux notées « brûlée » a été réalisée au jour 2.

Chaque animal a été traité 30 minutes après brûlures par une injection de solution isotonique de NaCl aux abords de la lésion. N = 8 pour les souris C57BL/6. Les souris Nude présentées sont les souris contrôles qui ont participé aux études expérimentales de ce travail de doctorat.

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cicatriciel des brûlures en ce sens que l’Homme cicatrice, le plus souvent, selon une cicatrisation hypertrophique lors de traumatismes profonds induits par les brûlures [cf. Partie II, II].

Par contre, ces résultats, et ceux qui vont vous être présentés par la suite, sont en contradiction avec des études qui démontrent que la souris Nude répond à des lésions cutanées par des réparations sans cicatrice [215]. Pourtant, nous le verrons tout au long de ce travail de doctorat, nous retrouvions bien des fibroses dermiques conséquentes après cicatrisation de brûlures profondes chez la souris Nude.

Au vu de ces observations, la souris Nude comme modèle de cicatrisation nous ait donc apparu très pertinent.

3. Les souris Nude utilisées ont été ovariectomisées

Il existe une régulation par les hormones sexuelles de la cicatrisation cutanée [111] ; en effet, les œstrogènes, à l’inverse de la testostérone, ont un retentissement bénéfique sur les processus cicatriciels en partie, du fait, de leurs effets anti-inflammatoires et proliférateurs [216]. En conséquence et pour éliminer tout effet adossé aux hormones sexuelles, nous avons procédé à l’ovariectomie des souris femelles avant toutes utilisations. Pour ce faire, des souris de 4 semaines ont été ovariectomisées sous anesthésie gazeuse. Leur jeune âge garantissait l’absence d’imprégnation œstrogénique des tissus. Les brûlures ont été réalisées après une période de convalescence de deux semaines. De fait, nous nous affranchissions des bénéfices des œstrogènes et en conséquence, des effets observés du traitement, nous ne verrions que ceux de notre thérapeutique.

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III- Matériel et méthodes commun aux stratégies de médecine « régénérative » mises en œuvre lors de ces travaux de doctorat