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Etiologie et physiopathologie de la cicatrisation hypertrophique

Introduction bibliographique

B. La cicatrisation des brûlures : l’exemple de la cicatrisation hypertrophique

2. Etiologie et physiopathologie de la cicatrisation hypertrophique

L’hypertrophie cicatricielle est, à la différence des chéloïdes26, de prévalence élevée et est observée chez toutes les populations quelles que soient la couleur de peau ou l’appartenance ethnique [101]. Ces conditions laissent suggérer que la cicatrisation hypertrophique est une forme exacerbée de la cicatrisation normale sans qu’il y ait une cause pathologique initiatrice.

26 Les chéloïdes sont les autres types de cicatrices hypertrophiques. De prévalence peu élevée, elles s’observent le plus fréquemment sur des populations à peau foncée ; les chéloïdes se développent environ 12 mois après cicatrisation et ne présentent pas de phase de régression [101] [105] [110].

Figure 29 : La cicatrice hypertrophique ; aspects macroscopiques et histologie.

A. Cicatrice hypertrophique après traumatisme induit par chirurgie (donnée recueillie dans la publication 109). B. Histologie d’une cicatrice hypertrophique en coloration de Van Gieson x20 (donnée recueillie dans la publication 101). C. Cicatrice poly-articulaire hypertrophique et rétractile après brûlure chez l’enfant (© J. Baudet, 2005). D. Cicatrice poly-articulaire hypertrophique et rétractile post-brûlure chez l’adulte (© J.C. Castède, C. Isacu, CHU de Bordeaux, 2011).

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Quoiqu’il en soit, l’expérience clinique a permis de dégager des éléments prédictifs du développement d’une cicatrisation hypertrophique ; une plaie sera sujet à une cicatrisation hypertrophique si elle est soumise à de fortes tensions (poly-articulaire, plis cutanés), profonde ou étendue [101] [102] [105]. En outre, la vitesse de fermeture de la plaie va également conditionner le développement d’une hypertrophie ; en effet, une plaie dont la fermeture est laborieuse va, le plus souvent, cicatriser selon un processus hypertrophique [105].

Bien que les examens cliniques aient pu dégager une prédictibilité de l’hypertrophie, les mécanismes cellulaires et tissulaires restent peu compris à ce jour [91] [109]. Cette incompréhension semble découler du fait d’un manque de modèles animaux développant une hypertrophie comparable à l’Homme [109]. En revanche, chacun s’accorde à dire que l’hypertrophie est due à un dépôt exubérant de collagène par les cellules fibroblastiques [90] [91] [100] [101] [102] [110]. Par ailleurs, pour la majorité de ces auteurs, la phase cicatricielle est la phase de la cicatrisation qui doit être incriminée. Il semblerait qu’elle soit sujette durant un processus d’hypertrophie à une activité et une persistance exagérées [90] [91] [102]. En effet, une activité et une présence atypique des myofibroblastes sont observées. En comparaison avec les myofibroblastes retrouvés lors d’une cicatrisation normale, les myofibroblastes d’une cicatrisation hypertrophique produisent une quantité plus importante des composants de la matrice extracellulaire [96]. De surcroit, ces myofibroblastes montrent une diminution de l’expression des MMPs et une augmentation de l’expression des TIMPs [91] [111] ; l’ensemble de ces données suggérant que l’accumulation de collagène est bien favorisée.

En ce qui concerne la présence des myofibroblastes, celle-ci est augmentée et persistante [112]. Cette présence atypique semble être la résultante d’une expression augmentée du CTGF [91]. Le CTGF est un facteur protéique sécrétée par les fibroblastes et qui concoure à leur propre prolifération [40] ; en outre, ce facteur stimule la production de collagène de type I [91]. La quantité élevée de CTGF explique en partie le nombre de myofibroblastes observé sans pour autant étayer leur persistance ; en ce sens, l’interrogation de l’apoptose des myofibroblastes – l’apoptose des myofibroblastes est indispensable pour une cicatrisation normale [91] – a été effectuée. Les expériences ont montré des résultats contradictoires en ceci que certaines études démontrent une sensibilité augmentée des myofibroblastes aux produits pro-apoptotiques en situation d’hypertrophie et que d’autres ont observé l’exact

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inverse [91]. En définitive, la persistance observée des myofibroblastes reste inexpliquée à ce jour.

En résumé, tous ces résultats mettent en exergue un déroulement de la phase cicatricielle soutenu et prolongé ; celui-ci étant expliqué en partie par une activité et une présence des myofibroblastes exacerbées.

En ce qui concerne des causes biologiques des mécanismes sus-décrits, plusieurs auteurs semblent mettre en avant une situation inflammatoire, précédant le dépôt matriciel, particulièrement accentuée et insistante27 [91] [102]. Toutefois, les expériences mises en place jusqu’à présent ne permettent pas une clarification certaine des relations de cause à effet entre ces deux évènements biologiques. Enfin, il est observé une réépithélialisation lente et difficile de la plaie qui pourrait expliquer une zone lésionnelle propice à des infections [91] ; l’infection ayant un retentissement amplificateur sur l’inflammation. Cette difficulté de fermeture de la plaie est d’autant plus prégnante chez les brûlures du fait de l’étendue et de la profondeur de celles-ci ; plus un traumatisme est profond, plus le nombre de follicules pileux participant à la réépithélialisation est faible.

Pour résumer le paragraphe précédent, je vous propose le schéma suivant (Figure 30) :

27 A ne pas confondre avec une quelconque chronicité puisque l’inflammation se termine assurément car une cicatrice se constitue.

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Au vu des quelques mécanismes décryptés, la majorité des traitements mis en œuvre a pour but de prévenir une hypertrophie ou de défaire cette cicatrice si elle s’est effectivement constituée. La prévention de l’hypertrophie aura pour objet l’atténuation de l’inflammation et/ou une accélération de la fermeture de la plaie ; le traitement « curatif » s’attardera quant à lui, dans la majorité des cas, à essayer de réduire la population des myofibroblastes et de défaire la cicatrice hypertrophique.

Figure 30 : Etiologie et physiopathologie de la cicatrisation hypertrophique.

Les caractéristiques de la blessure vont produire une altération des premières phases du processus de cicatrisation. Ces modifications premières vont conduire à une exagération de la phase cicatricielle en accentuant la présence et l’activité myofibroblastique. Des myofibroblastes particulièrement actifs conduisent à une forte contraction de la lésion et un dépôt exacerbé de matrice extracellulaire : la cicatrice hypertrophique est formée.

Deux données sont présentes dans le schéma sans l’être dans le texte :

- Age : un enfant, selon son âge, a une forte propension à développer une hypertrophie quel que soit le traumatisme [113].

- Hémostase altérée : une hémostase altérée semble un préliminaire à une cicatrisation hypertrophique [91].

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