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Chapitre 1 : L’a-synucléine, une protéine amyloïde

1.2 a-synucléine : pathologie et physiologie

1.2.1 Pathologie

Dans le cas de la MP, cette agrégation a lieu dans la substantia nigra, ce qui a pour effet de réduire cette dernière, parallèlement à la perte des neurones dopaminergiques, comme illustré à la figure 1.2. Par ailleurs, l’agrégation d’AS va provoquer l’apparition de corps de Lewy, amas de fibrilles composées d’AS, visibles à la figure 1.2.

(A) (B)

Figure 1.2. (A) Illustration d’une coupe de la substantia nigra, réserve à neurones dopaminergiques chez

une personne saine (haut) et une personne atteinte de la MP (bas). Figure reprise de Medline Plus5. (B)

La diminution de neurones dopaminergiques provoquée par l’accumulation pathologique d’AS est observable chez les patients atteints de la MP. La figure 1.3 compare la densité de neurones dopaminergiques chez une personne en santé, chez un patient au premier stade la MP et chez un patient atteint à un stade avancé de la MP, grâce aux techniques d’imagerie médicale de tomographie par émission monophotonique et par émission de positrons7.

Figure 1.3. Tomographie par émission monophotonique (gauche, rouge densité maximale, bleu densité

minimale) et tomographie par émission de positrons (droite, blanc densité maximale, jaune densité minimale) chez une personne saine (haut), un patient atteint de la MP à un stade précoce d’avancement de la maladie (milieu), et un patient avec une MP à un stade avancé (bas). Modifié à partir de Wilson et al.7

avec permission, Copyright © 2019 Elsevier.

Ces images permettent de constater l’ampleur de la perte de neurones dopaminergiques chez les patients parkinsoniens. Elles mettent également en avant des preuves expliquant la mono-latéralité de la maladie pendant le premier stade de la MP, à savoir une neurodégénérescence plus rapide d’un côté du cerveau que de l’autre, ce qui est flagrant à la figure 1.3 dans la colonne de gauche sur la ligne du milieu.

1.2.2 Structure primaire de l’AS

L’AS est une protéine de 140 acides aminés et est majoritairement exprimée dans les neurones dopaminergiques. Identifiée à la fin des années 1990 comme étant la composante principale des corps de Lewy retrouvés dans le cerveau de patients autopsiés8-9, cette protéine est désormais plus connue. Elle a été caractérisée comme étant non structurée et monomérique en solution dans une situation physiologique10-11. Cependant il est important de noter que quelques études ont tenté de prouver qu’elle pourrait se trouver sous forme de tétramères riches en hélice-a en solution12, et ont émis l’hypothèse qu’une déstabilisation de ces tétramères mènerait à l’apparition de monomères, permettant ainsi le début de la cascade amyloïde. Cependant, ces résultats ont fait l’objet d’une controverse13-14, et cette structure tétramérique n’est pas aussi relayée qu’elle promettait de l’être, les chercheurs choisissant plutôt de décrire AS comme étant majoritairement non structurée en solution.

L’AS est composée de trois parties : la région N-terminale (résidus 1-60), la NAC (non-b-amyoid component, résidus 61-95) et la région C-terminale (résidus 96-140). La région N-terminale contient une séquence répétitive très importante dans le processus de liaison aux membranes neuronales, via la formation de deux hélices-a amphiphiles15-17, et a également un rôle d’inhibiteur d’agrégation18. La partie centrale, la NAC, est une région très hydrophobe (17 résidus hydrophobes sur 35). Elle porte le nom de non-b-amyoid component puisqu’elle a d’abord été identifiée dans des agrégats prélevés lors d’autopsies de patients atteints de la maladie d’Alzheimer, là où les chercheurs s’attendaient à trouver la b-amyloid19- 21, avant que ces résultats ne soient réfutés22. Cette séquence se trouve au cœur des oligomères et fibrilles formés par l’AS. La région C-terminale est la région ayant le moins d’impact sur le comportement de l’AS, que ce soit en situation physiologique ou pathologique. Cette région, positivement chargée et peu conservée entre les isoformes de la protéine (a, b et g) ne fait pas partie intégrante du cœur en feuillet-b croisé des fibrilles formées par AS, ne se lie pas non plus aux membranes en situation physiologique (ou se lie dans des conditions particulières23) et reste non structurée dans ces deux situations17,24. Cependant, le C-terminal semble jouer un rôle de chaperon vis-à-vis de l’agrégation25-29.

Aujourd’hui, la fonction précise de l’AS dans la substantia nigra reste incertaine, bien que plusieurs études ont démontré qu’elle jouerait certainement un rôle dans la plasticité synaptique, et dans le relargage de neurotransmetteurs30. Cependant, l’absence de protéines homologues de l’AS dans des organismes modèles (mouches, vers, levures) semble indiquer que celle-ci n’est pas indispensable à la plasticité et à la communication synaptique31. 1.2.3 Processus de fibrillisation

L’AS, comme la plupart des protéines amyloïdes, forme des fibrilles pouvant adopter différentes morphologies, appelées polymorphes. Le polymorphisme complique l’étude de ces protéines, étant donné qu’isoler un polymorphe, ou dans le meilleur des cas, réussir à n’en former qu’un, est bien souvent très complexe. Les problèmes posés par le polymorphisme des protéines amyloïdes, ainsi que des exemples de la littérature, sont détaillés dans le chapitre 3 de cette thèse.

Plusieurs études ont mis en avant le polymorphisme de l’AS32-37. Parmi celles-ci, une en particulier a démontré que deux polymorphes présentaient deux toxicités différentes33, ce qui a également été prouvé pour l’Ab38. Ce polymorphisme représente un véritable défi quand on en vient à travailler avec les fibrilles, notamment au niveau structural. Cette propriété des protéines amyloïdes ralentit considérablement l’avancée de la recherche tant fondamentale39, qu’appliquée40. La formation de fibrilles amyloïdes in vitro est notamment très sensible aux paramètres expérimentaux suivants : température, force ionique, agitation, pH et concentration41.

1.2.4 Interactions membranaires

L’AS est dans son environnement physiologique constamment entourée de membranes neuronales. Son rôle présumé dans la régulation du relargage de dopamine est directement relié à ces interactions membranaires. Cette liaison aux membranes neuronales, et notamment aux microvésicules neuronales se fait via la formation d’hélices- a amphiphiles17,42-43, tel qu’illustré à la figure 1.4. Il est cependant important de noter qu’il existe un équilibre entre la forme non structurée en solution et la forme hélicoïdale liée aux membranes anioniques, en faveur de la forme non structurée. Plusieurs éléments tendent à confirmer que l’AS est impliquée dans la libération de dopamine au niveau des synapses, via

la liaison à des vésicules synaptiques : l’AS est essentielle en vue de l’assemblage du complexe SNARE (Soluble N-ethylmaleimide-sensitive-factor Attachment protein REceptor), qui permet l’ancrage puis la fusion de vésicules synaptiques aux membranes présynaptiques des neurones44-48. Cependant, d’autres fonctions sont proposées pour l’AS : régulation des niveaux de glucose49-52, rôle d’antioxydant53-54, rôle de neuroprotecteur55, ou encore rôle dans la synthèse de dopamine56-57.

Figure 1.4. En haut, régulation des réserves de microvésicules (a) Situation physiologique : régulation de

la quantité de microvésicules se liant à la membrane synaptique, par le biais de complexes SNARE, lors du relargage de dopamine, (b, c) Sous des conditions altérant les propriétés d’AS, la compartimentation des vésicules peut être augmentée (b) ou diminuée (c), modifiant ainsi les cinétiques d’exocytose. Figure tirée de Auluck et al.58 avec permission, Copyright © 2010, Annuel Reviews. En bas, illustration de la

liaison membranaire d'AS en situation physiologique, sous forme d’hélice-a. Figure tirée de Fusco et al.17

Les membranes sont donc impliquées dans la fonction physiologique de l’AS. Cependant, les membranes sont considérées comme une surface propice à induire l’agrégation pathologique de manière générale pour les protéines amyloides59-60, et donc pour l’AS61-66. En effet, il a été observé que la formation d’agrégats pathologiques d’AS peut provenir d’un changement de structure ayant pour origine les hélices-a liées aux membranes67. De plus, les membranes ayant une composition très riche en phospholipides, protéines, sucres (…)68, une multitude d’interactions entre l’AS et d’autres composants membranaires peuvent avoir lieu. Des modifications au niveau membranaire pourraient également être la cause de l’agrégation de l’AS. Par exemple, une dégradation oxydative des phospholipides polyinsaturés entraîne l’agrégation de l’AS69, tandis que d’un autre côté, l’AS oligomérique favorise la peroxydation de ces même phospholipides70. Dans le même temps, l’AS induit des défauts dans ces membranes en venant extraire des lipides de celles-ci71, et a même une affinité pour les défauts existants à la surface membranaire72. Dans une situation physiologique, cette affinité permettrait la stabilisation des membranes, et par la même occasion jouerait un rôle dans la plasticité synaptique73.