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EXPOSES INTRODUCTIFS

C. Cas concrets

III. SYNTHESE DE LA DISCUSSION

Cet atelier s'est déroulé en deux temps. La première partie (I) de la discussion, animée par M. Georg ISELIN, avait pour objet d'évaluer la proposition présentée dans le projet de la loi sur la coordination du canton de Berne. Ce projet tente de promouvoir un modèle mixte de prise de décision, entre concentration et coordination. La deuxième partie (II) a été consacrée à la discussion d'un modèle particulier de concentration proposé par M. Roger ZUFFEREY de l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).

Originalité de la proposition bernoise

Celle-ci réside en son article 6 qui prévoit des pourparlers de conciliation en cas de dissension entre l'autorité directrice et les autorités ou services spécialisés. L'autorité directrice est alors obligée de réunir autour d'une même table les services intéressés et ne peut pas simplement écarter ce qui la dérange dans les préavis de ceux-ci. Cette formule a l'avantage d'éviter le système de "yo-yo" entre les différents services de l'administration. Elle privilégie par là-même la résolution en commun et par oral des conflits sans donner tous les pouvoirs à l'autorité directrice. L'enjeu de ces pourparlers est de taille, puisque du succès de ceux-ci dépend le maintien du pouvoir de décision au sein de l'autorité de première instance. En effet, si les désaccords persistent, le dossier est transmis pour décision à l'autorité qui serait la première instance de recours dans le cas contraire.

Cette instance de recours joue alors le rôle d'autorité de surveillance, tranchant les conflits internes à l'administration avant même qu'ils ne fassent l'objet de recours. Cette solution accélérerait la procédure en évitant un certain nombre de recours et garantirait plus de sécurité aux services spécialisés. Elle assurerait également que tous les intérêts soient traités sur le même pied au niveau de la première instance de décision.

Remarques et critiques

Sur la répartition des compétences en premiere instance

Les gouvernements (conseils exécutifs) ne tranchent pas selon des critères juridiques, mais plutôt politiques. Leur enlever la responsabilité de la décision reviendrait d'une part à une démission de l'instance politique qui ne pratiquerait plus de pesée d'intérêts et d'autre part à conférer ce pouvoir à une autorité qui n'a pas l'habitude de trancher en première instance et qui de surcroît ne le ferait que d'un point de vue juridique. Cela réduirait en outre le nombre des instances de recours, ce qui toutefois ne serait qu'un moindre mal puisqu'il resterait tout de même deux instances supérieures.

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Sur les rapports entre services spécialisés et autorité directrice La proposition présente deux inconvénients:

1. Si le service spécialisé peut faire recours contre la décision de l'autorité directrice, il s'assure de pouvoir faire entendre son point de vue devant l'autorité de recours. Cette solution est toutefois inacceptable pour le requérant, dans la mesure où le recours servirait exclusivement à trancher un différend interne à l'administration.

Cette formule est par ailleurs peu courante dans l'administration et contraire au principe hiérarchique.

2. Certains services n'auraient pas intérêt à la négociation (par exemple le service des forêts), sachant par avance que l'instance de recours devra leur donner raison du fait de la loi.

Il n'est pas apparu évident au terme de la discussion que l'édiction d'une législation sur la coordination soit le meilleur moyen de résoudre des problèmes de suivi des dossiers et de la procédure. Il serait peut-être plus efficace de mettre l'accent sur la formation continue au sein de l'administration en matière de pilotage de dossiers. En définitive, il faudrait que tant la législation que l'organisation de l'administration ou la formation des fonctionnaires évoluent simultanément, afin qu'une nouvelle culture de l'administration permette d'en simplifier les pratiques.

Le droit de veto de l'OFEFP

Le principe proposé ici est d'atténuer le modèle de concentration pure, en l'assortissant de l'accord des autorités spécialisées (droit de veto), afin de simplifier les procédures tout en conservant une application stricte des législations environnementales, principalement en matière de défrichement. Cette proposition a soulevé trois types de remarques: sur le fond (a.), sur la forme (b.), sur l'organisation (c.).

a. Le principe du droit de veto entre en conflit avec la pesée des intérêts que le législateur a confié à l'exécutif. Il est paradoxal, tout d'abord, de vouloir coordonner le processus de pesée d'intérêts tout en décidant à l'avance que l'un d'eux (la protection des forêts) sera

toujours supérieur aux autres; et ensuite de remettre, en cas de conflit, le contrôle de cette pesée aux juges qui ne pourront trancher qu'en droit.

b. L'article 12 de la loi sur les forêts (LFor), qui formalise la coordination entre aménagement du territoire et défrichements, pose pratiquement des problèmes de compatibilité des délais. Le requérant dont le projet nécessite la modification d'un plan de zone ainsi qu'un défrichement se trouvera confronté à des délais différents pour l'une et l'autre décision, et la procédure sera allongée d'autant. Selon l' OFEFP, c'est à l'autorité directrice d'informer à temps le requérant

afin qu'il fasse les différentes demandes en temps utile.

Un autre problème actuel de coordination est que l'avis liant l' OFEFP arrive tardivement dans la procédure. On assiste concrètement à deux mises à l'enquête successives d'une durée d'un mois chacune, l'une après la décision de l'autorité cantonale, l'autre après la publication de l'avis de l'OFEFP. Selon l'OFEFP, cette procédure s'impose car l'Office doit pouvoir disposer du dossier le plus complet possible pour se prononcer.

c. Il peut paraître illusoire de vouloir coordonner formellement des domaines dont les compétences ont déjà été historiquement morcelées au niveau fédéral, l'aménagement du territoire au sein du Département fédéral de justice et police et la protection de l'environnement au sein du Département fédéral de l'intérieur. Il est difficile de chercher à coordonner ce qui dans le droit matériel et dans l'organisation administrative n'avait pas l'intention de l'être.

En conclusion, il est dommage que la récente révision de la loi sur les forêts n'ait pas permis une restructuration en profondeur des procédures et compétences dans l'optique d'une meilleure coordination. Il ressort en effet que les principaux problèmes de coordination résident avant tout dans des conflits de pouvoirs et de compétences entre les différents services des administrations.

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I. INTRODUCTION

A. Remarques préliminaires

Le problème des règles de la procédure applicable en matière de protection de l'environnement est indissociable des questions actuellement très débattues sur le plan politique touchant au principe même de cette procédure d'une part et à la définition de la qualité pour recourir d'autre part.

Contrairement à certaines insinuations, la procédure actuelle n'est pas responsable des maux de la conjoncturel. Sauf l'introduction de l'ordonnance relative à l'étude d'impact sur l'environnement (OEIE) du

19 octobre 1988, la procédure était déjà la même au moment du "boum"

de la construction dans les années 1985-1990. Les règles en sont néanmoins perfectibles sur plusieurs points. Les remarques suivantes font plus particulièrement référence à la pratique vaudoise.

On observe que, depuis deux ans environ, des constructeurs qui manifestaient la plus grande impatience de recevoir l'autorisation de bâtir n'ont pas commencé les travaux après l'avoir obtenue, par exemple:

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ATELIER 3: LA PROCEDURE IDEALE VUE PAR LES MILIEUX DE PROTECTION DE

L'ENVIRONNEMENT

Animateurs:

Willy GEIGER

Directeur romand de la Ligue suisse pour la protection de la nature (LSPN)

Jacques BALLENEGGER Avocat, docteur en droit, Lausanne

Dans le même sens, voir l'article de N. WENGER-OHAYON, chef du Service de l'aménagement du territoire du canton de Vaud, "La règle et l'esprit de la règle", in Bulletin AT 11/93, 39.

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à St-Légier-La-Chiésaz: après un arrangement intervenu le 5 décembre 1991 entre les opposants et le promoteur d'un i mportant ensemble de logements et de commerces, les terrassements sont à peine commencés deux ans plus tard;

à Lausanne, au chemin du Couchant: les oppositions à deux bâtiments locatifs ont été retirées le 11 février 1992, le permis a été donné le 25 mars suivant pour le projet modifié, le chantier n'est pas encore ouvert;

à Morges: le permis pour la construction d'un garage souterrain est périmé !

B. Analyse de quelques défauts de la procédure

1. Lorsqu'un propriétaire dépose un dossier de plans en vue d'obtenir un permis de construire, de nombreuses communes commencent par examiner de manière très détaillée le contenu du projet, pour voir s'il est réglementaire, avant de le soumettre à l'enquête publique. Cet examen préalable prend du temps, alors qu'il pourrait, ou devrait se faire simultanément à l'enquête publique.

2. Au demeurant, certaines communes ne manifestent pas la diligence souhaitable dans l'examen des dossiers, soit par surcharge de travail, soit par négligence, soit encore par manque de compétences techniques ou juridiques pour analyser et résoudre certaines questions. L'expérience montre que le dossier dont l'examen présente des difficultés particulières reste en panne, pendant que les autres avancent.

3. Lorsqu'un rapport d'impact sur l'environnement est exigé, les règles régissant cette étude constituent un labyrinthe peu clair, du moins dans le canton de Vaud, où les autorités communales peuvent aisément se perdre - les constructeurs et les recourants aussi d'ailleurs !

4. Certains cantons romands connaissent déjà le système de la triple instance (première instance communale, puis deux instances

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cantonales); le canton de Vaud étudie actuellement une modification de sa procédure, pour passer de deux à trois instances. La sécurité du droit, tant pour les constructeurs que pour les opposants, ne consiste pas à multiplier les instances, mais à améliorer autant que possible celles qui existent, d'où économie de temps et d'argent.

5. Enfin, des retards peuvent résulter d'un oubli, d'une inattention ou d'autres motifs inexplicables, par exemple:

lors de l'inspection locale, plus d'une année après le dépôt d'un recours contre un projet de gravière, le Tribunal fédéral a constaté que le dossier des pièces et des plans ne lui avait pas encore été transmis;

le Tribunal administratif vaudois a mis plus de quinze mois, à compter de la date de l'inspection locale, pour rendre un arrêt constatant que le recours était... sans objet !

Ceci dit, il ne faut pas confondre lenteur et prudence. Une procédure hâtive qui aboutirait très rapidement à l'octroi d'une autorisation de construire pourrait comporter des risques d'accidents graves (que l'on pense seulement à des incendies de grands magasins, d'établissements publics, et à des cas de pollution des eaux dont la presse s'est fait l'écho)

si des précautions et des mesures de sécurité sont omises.

C. Suggestions en vue d'améliorer la procédure

Les améliorations imaginables de la procédure découlent, en partie tout au moins, des critiques formulées ci-dessus:

1. A réception d'une demande de permis de construire, les communes devraient seulement contrôler rapidement que le dossier est formellement complet, puis le soumettre à l'enquête; Ie démarrage de la procédure serait ainsi plus rapide, comme le souhaitent les constructeurs; mais ce sont eux qui prendraient le risque accru de se heurter à une décision négative après enquête, si le projet n'est pas réglementaire. Cette simplification risque de se retourner contre le constructeur impatient, si son dossier est insuffisant.

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2. L'analyse d'un dossier par l'autorité communale exige une bonne connaissance de règles complexes dans les domaines tant technique que juridique. Les communes qui ne peuvent disposer de fonctionnaires assez qualifiés doivent être encouragées à recourir aux services de mandataires extérieurs, ou d'un bureau technique intercommunal, ce qui est déjà souvent le cas, mais pas toujours. La tendance actuelle, dans plusieurs cantons, de déléguer une partie des compétences du canton aux communes, selon le souhait de l'Association suisse des entrepreneurs généraux par exemple (cf.

Éditorial du bulletin d'information de cette association, de janvier 1993) va en sens diamétralement inverse, d'où un risque plus grand d'oppositions.

3. Une codification coordonnée des dispositions légales en matière d'aménagement du territoire, de protection de la nature, de l'environnement, des forêts et des eaux, etc. permettrait une approche plus simple de l'ensemble des règles de procédure dans ces divers domaines, actuellement régis chacun pour soi. Quelle est la protection effective d'un biotope d'intérêt régional, au sens de la loi sur la protection de la nature et du paysage, situé dans une zone affectée à la construction selon les règles de l'aménagement du territoire ? Quelle distance doit être respectée entre une lisière de forêt et une construction lorsque la limite de la zone constructible ne respecte elle-même pas cette distance ? Comment régler la situation lorsqu'un projet de construction, en soi conforme à l'affectation de la zone, entraînerait un accroissement sensible des nuisances phoniques pour les habitations alentour, tandis que le tracé d'une nouvelle bretelle d'autoroute toute proche est également à l'étude ? Actuellement, constructeurs et opposants n'ont d'autre choix, s'ils ne parviennent pas à se mettre d'accord, que de recourir jusqu'au Tribunal fédéral. La casuistique jurisprudentielle doit définir quelle règle l'emporte parmi celles tirées des diverses lois sur l'aménagement du territoire, la protection de la nature, la protection de l'environnement, la loi forestière, etc. Le caractère disparate de cet ensemble, sans principes généraux communs, est source d'incertitudes et de conflits.

4. Enfin, il convient de relever une évidente inégalité des parties à propos de certains projets présentant une grande complexité sur le

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plan technique ou scientifique: les auteurs du projet, puis les autorités chargées de l'examiner ont tout loisir de procéder aux études nécessaires. Inversement, les opposants ne disposent que de

délais relativement brefs pour examiner et le cas échéant critiquer les caractéristiques du projet. L'opposition doit parfois être accompagnée de contre-rapports techniques coûteux, mais entièrement justifiés, dont les opposants n'obtiennent pas le remboursement. En cas de succès de l'opposition ou du recours, ces frais devraient être remboursés par le biais des dépens. Par ailleurs,

serait-ce trop demander que les associations de protection de la nature intéressées soient contactées et consultées avant la mise au point définitive d'un projet ?

Le droit de recours des associations doit absolument être préservé.

Les associations sont souvent seules à avoir les connaissances nécessaires pour apprécier scientifiquement et techniquement un projet contesté - c'est précisément ce qui les fait craindre. Si leur droit était restreint, elles devraient poursuivre leur activité, en se cachant derrière un prête-nom, ce qui serait absurde à tous points de vue. Dans le même ordre d'idées, les méthodes proches du terrorisme pratiquées par certains promoteurs (voir le passage à tabac du secrétaire cantonal d'une association en Valais) sont intolérables dans un pays civilisé et un Etat de droit.

D. Le problème du recours "abusif"

Faut-il traiter de manière sommaire les recours abusifs, selon certaines suggestions formulées récemment tant au niveau cantonal qu'au niveau fédéral ? Oui peut-être, mais seulement après avoir défini ce qu'il faut entendre par abusif. Une partie à une procédure a souvent tendance à juger abusifs les arguments de la partie adverse, ce qui constitue par excellence une définition subjective. Les recours véritablement et objectivement abusifs semblent ne constituer qu'une infime proportion des causes.

S'il est vrai qu'une opposition peut être abusive, ne faut-il pas admettre à l'inverse qu'un projet de construction peut l'être aussi, lorsque le maître d'oeuvre tente de tirer parti à l'extrême limite - et au-delà - de toutes les

possibilités offertes par la réglementation applicable, dérogations comprises ? La procédure paraît souvent la plus lourde et la plus longue là où le constructeur cherche à rentabiliser son terrain de manière déraisonnable, ce qui est de nature à créer des litiges.

E. Utilité de la procédure

On rencontre dans certains cas des constructeurs dont un premier projet a été refusé, sur opposition ou sur recours, et qui ont l'honnêteté d'admettre, en déposant un nouveau projet modifié, que le précédent n'était pas satisfaisant.

C'est ainsi que la société LO Immeubles SA, à Lausanne, n'a pas pu faire passer, en votation populaire, un plan partiel d'affectation pour le quartier du Flon, en 1986. Présentant un nouveau projet six ans plus tard, elle écrit:

"Aujourd'hui: une zone industrielle au centre de Lausanne.

Le projet refusé en 1986: un espace rempli de constructions qui restait en dehors de la ville parce que les trafics convergents et les transports publics concentrés ne l'irriguaient pas.

Demain: la vallée restituée. Un nouveau quartier de la ville s'organise autour du jardin du Flon..."2.

De même, le promoteur d'un projet de centrale de traitement de graviers à Villars-Bozon, au pied du Jura, écrit en page 2 du billet introduisant le dossier:

"Par rapport aux précédentes demandes de mise à l'enquête en 1987 et 1990, le projet actuel présente plusieurs modifications qui réduiront notamment le bruit, la poussière, et renforceront la protection des eaux souterraines et de surface".

N'est-ce pas là la preuve indiscutable que des opposants se sont élevés à bon droit contre la réalisation de projets mal conçus ?

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Plaquette de présentation du projet, 7.

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Il est plus que vraisemblable aussi que des oppositions à certains projets publics ont évité aux finances de la collectivité des dépenses aussi considérables que douloureuses. C'est ainsi que l'organisation des jeux olympiques d'hiver en 1994 aurait sans doute coûté fort cher à la Commune de Lausanne, et la construction d'un nouveau quartier administratif cantonal dans "l'îlot Riponne-Tunnel" aurait lourdement grevé les finances vaudoises, si les opposants, par le biais de deux referenda n'avaient pas obtenu le rejet de ces projets.

F. Conclusion

Les suggestions formulées plus haut en vue d'améliorer la procédure pourraient donner l'impression de favoriser plutôt les constructeurs, dans la mesure où la procédure serait plus rapide. Pour les milieux de protection de l'environnement, ce qui doit compter, ce n'est pas de faire traîner les choses dans un combat retardateur, c'est de faire respecter le droit au fond, et de sauvegarder des intérêts généraux à long terme face à des intérêts purement financiers immédiats.

II. SYNTHESE DE LA DISCUSSION