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La remise en cause du paradigme dominant de la vision libérale de l’entrepreneuriat a permis l’émergence de nouveaux paradigmes. Dans cette partie, nous nous attachons à présenter les quatre principaux mis en évidence dans la littérature en entrepreneuriat dans les travaux de synthèse de Verstraete et Fayolle (2005). Ce sont les paradigmes de l’opportunité d’affaire, de la création d’organisation, de la création de valeur et de l’innovation.

1.1. Le paradigme de l’opportunité d’aff aires ou de

l’occasion d’aff aires

Avant de développer plus en avant cette notion, il faut souligner que la notion d’opportunité d’affaires provient de l’anglicisme business opportunity (Dictionnaire de la

création d’entreprises par essaimage). En français, l’idée d’opportunité renvoie au caractère

convenable d’une situation. Il serait donc plutôt préférable d’utiliser l’expression d’« occasion d’affaires » qui, elle, renvoie à l’idée originelle : les circonstances d’affaires.

La notion d’opportunité est une notion très présente dans la recherche en entrepreneuriat, notamment depuis les années 90 (Bygrave et Hofer, 1991). Cela dit, il faut reconnaître à Schumpeter, comme le rappelle Chelly (2003), l’initiative de définir l’opportunité comme « des nouvelles combinaisons qui se manifestent dans l’introduction d’un nouveau produit,

d’une nouvelle méthode de production, de l’exploitation d’un nouveau marché, de la conquête d’une nouvelle source d’approvisionnement et, finalement d’une nouvelle forme d’organisation industrielle » (Schumpeter, 1974). Trois orientations se dégagent de ses

Des travaux de Schumpeter, des réflexions se sont développées autour des mécanismes du marché. Par exemple, les travaux de Kirzner (1973 et 1979) amènent à définir l’opportunité comme une anomalie du marché. L’opportunité intervient comme une solution par rapport à cette anomalie en proposant une meilleure adéquation des ressources. Dans cette perspective, les opportunités sont contingentes aux situations auxquelles elles répondent.

En ce qui concerne la projection dans le futur, les travaux dans les années ‘90 de Stevenson et Jarillo (1990) et de Long et McMullan (1984) insistent tout particulièrement sur l’aspect projectif de l’opportunité. Ils introduisent une notion importante dans le domaine de l’entrepreneuriat : le futur25. Derrière ces travaux, il est possible d’évoquer ceux portant sur la notion de vision (Filion, 1991 ; Moreau, 2004). Il faut comprendre par ce mot « l'image

projetée dans le futur, de la place qu'on veut voir occupée éventuellement par ses produits sur le marché, ainsi que l'image du type d'organisation dont on a besoin pour y parvenir. En résumé, vision signifie une image de l'entreprise projetée dans le futur » (Filion, 1991)26. Du point de vue cognitif, les recherches portent sur les modalités permettant à l’entrepreneur de capter l’information et de la transformer (Gaglio et Taub, 1992 et Hills, 1995). Cela renvoie notamment aux travaux développés par Julien (2008) sur les signaux forts et faibles où deux conceptions de l’information peuvent être envisagées. L’information, et donc l’opportunité d’affaires, est envisagée soit comme une réalité objective, on parlera de réalité ontologique, soit comme un construit, on parlera alors de réalité téléologique (Cohendet et Llerena, 1999). Dans ce dernier cas, soulignons avec Verstraete et Fayolle (2005) que les « opportunités ne se laissent pas saisir à la façon dont on peut cueillir un fruit mûr ». Cette approche de l’opportunité d’affaires renvoie aux hypothèses fondatrices du constructivisme (Avenier, 2008). L’opportunité d’affaires correspond aux situations dans lequel l’entrepreneur

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Cette notion de futur sera reprise et développée dans le paradigme de l’entrepreneuriat comme activité à projet.

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se trouve (Sarasvathy, 2008 ; Schmitt, 2009). Par contre, l’idée de concevoir l’opportunité d’affaires à partir d’information objective renvoie plus au paradigme des traits de l’entrepreneur. En effet, seules des personnes ayant certaines caractéristiques pourraient voir ces opportunités.

1.2. Le paradigme de la création d’une organisation

Dans les travaux de Gartner (1985) et ceux initiateurs de Schumpeter, la recherche en entrepreneuriat s’intéresse plus particulièrement à l’émergence organisationnelle et à sa dynamique. La recherche dans le domaine du management et des organisations s’est largement intéressée au fonctionnement des organisations (Drucker, 1996). Initialement envisagée dans un sens restrictif, la création d’une entreprise, aujourd’hui, est vue de façon plus large, autour de la notion de création d’une organisation. Comme le rappellent Verstraete et Fayolle (2005), on trouve dans cette conception élargie les origines pluridisciplinaires de l’entrepreneuriat. Ainsi, des réflexions portant sur la dynamique27 et la structuration28 des organisations ont pu venir éclairer les recherches dans le domaine de l’entrepreneuriat.

Tout naturellement, la création d’organisation sous-entend qu’il n’en existait pas auparavant. L’image donnée peut-être est celle d’un désordre (situation avant l’organisation) qui s’organise pour devenir une organisation. Cette conception de la création de l’organisation trouve ses fondements notamment dans les approches dialogiques développées par Morin (1977). Comme le montre Schmitt et Bayad (2000) « les systèmes ouverts, en interaction avec

leur environnement, font que la recherche d'ordre et d'organisation modifie le système existant, alors que l'évolution vers le désordre ne requiert aucun effort particulier : l'ordre reste plus improbable que le désordre. Ce principe se nomme néguentropie et correspond aux

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Comme les théories évolutionnistes. 28

processus d'organisation. Ainsi, le processus de création d’une organisation peut être considéré comme un processus néguentropique. Ce compromis entre ordre et désordre29 maintient l'organisation dans un équilibre dynamique et s'inscrit dans une approche qualifiée de conjonctive ». Les entreprises sont envisagées comme des structures dissipatives30 si l'organisation est constituée d'ordre émanant du désordre. L’organisation apparaît alors comme une dialogique entre l’ordre et le désordre.

Figure 10. La relation entre désordre, ordre et organisation Source : Morin (1990)