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Les éléments de contexte favorables au développement de l’entrepreneuriat au sein de l’université

1.2. Le développement de l’entrepreneuriat dans l’université

1.2.2. Les éléments de contexte favorables au développement de l’entrepreneuriat au sein de l’université

Plusieurs phénomènes sont des moteurs dans le développement de l’entrepreneuriat au sein de l’université. Sans vouloir tous les citer, mentionnons-en trois qui, selon les travaux de Schmitt (2005 et 2008), concernant une étude internationale sur le lien entre université et entrepreneuriat, sont présents dans de nombreux pays :

Figure 20. Les déclencheurs de l’enseignement de l’entrepreneuriat

Les limites du modèle de la grande entreprise

Les limites du modèle du salariat Le rôle de l'Etat

Les déclencheurs de l’entrepreneuriat à

l’université

Les limites du modèle de la grande entreprise. Pour un grand nombre de pays, les

problèmes économiques ont été l'occasion de remettre en cause des modèles existants, notamment celui de la grande entreprise, au profit de modèles en émergence. Ces phénomènes sont datés historiquement en fonction des pays considérés. Les premiers concernés ont été affectés durant les années soixante-dix par la crise économique. Pour les autres pays, cette remise en cause a eu lieu en fonction d'un contexte économique plus local. Concrètement, cela se traduit, selon l'expression de C. Juma (1996), dans la plupart des cas, par le passage d'une économie newtonienne48 basée, entre autres, sur la certitude et la planification à une économie

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Selon cet auteur, la réification du modèle newtonien a laissé une série d'instruments analytiques inappropriés face aux réalités complexes de l'évolution économique.

non newtonienne intégrant cette fois l'incertitude et la difficulté de planification. En d'autres termes, il ne s'agit plus de former ni de mener des recherches sur le « bon » fonctionnement d'une entreprise au sein de l'université, mais de mettre l'accent sur la capacité des personnes à manager « dans un univers instable » (Boisanger, 1990), c'est-à-dire à avoir une vision (Filion, 1991 ; Bayad et Garand, 1998) et à la partager (Schmitt et Bayad, 2002). Dans la grande entreprise, le développement économique et la création d'emplois passaient essentiellement par ce type d’entreprises et ses économies d'échelle (Julien et Marchesnay, 1996). L'université avait donc pour mission de « fournir de bons gestionnaires aux grandes

entreprises » (Carrier, 2000). A la suite de la crise économique des années soixante-dix, il

n'existe plus UN, mais DES modèles. Ainsi, nous sommes passés d'une approche universaliste à une approche contingente de l'organisation. Le modèle de la grande entreprise n'est pas la panacée. Les petites structures peuvent donc avoir aussi leur place. Dans ces conditions, l'entrepreneuriat, à travers l'esprit d'entreprise, la création et l'entrepreneur (Julien et Marchesnay, 1996), s'est petit à petit immiscé dans les métiers traditionnels de l'université par l'intermédiaire de modèles supplémentaires49.

Les limites du modèle du salariat. Parallèlement à la relativisation du modèle de la grande

entreprise, un autre modèle a été largement écorné ces deux dernières décennies : le salariat, un modèle qui renvoie aux modes de régulation entre les personnes et non à la structure de l'organisation. En d'autres termes, existe-il d'autres formes de travail que le salariat ? La réponse est « oui ». L'entrepreneuriat peut être considéré comme une voie de professionnalisation à part entière et surtout à ne pas négliger (Filion, 1999). L’une des missions de l'université étant de favoriser le passage des étudiants vers le monde professionnel, l'entrepreneuriat peut donc trouver sa place au sein de l'université. Au-delà de l'entrepreneur-créateur, on demande aux jeunes diplômés arrivant sur le marché de l'emploi

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Nous considérons ici qu'il n'y a pas qu'un modèle de la petite entreprise et que cette dernière renvoie à des réalités très hétérogènes.

d'avoir un « comportement entrepreneurial » (Hernandez, 2004). Sans volonté de définir ce comportement, soulignons toutefois ce que cela induit par rapport à un « comportement salarial ». Il s'agit non pas simplement de gérer le quotidien, mais aussi de construire l'avenir, d'avoir un goût pour le risque, le changement et l'innovation. Derrière cela, il ne s'agit pas de créer des entreprises, mais plutôt de faire entrer les étudiants dans une logique de dynamique organisationnelle nécessaire à la pérennité de toute organisation.

Le rôle de l'Etat. Les actions isolées se sont développées avant une prise de conscience par

les pouvoirs publics du rôle de l'entrepreneuriat sur l'économie locale et nationale (Fayolle, 2000 ; Skouri, 2005). Face à cet isolement, le rôle et l'intérêt de l'Etat est de fédérer et de développer des actions permettant de faciliter l'expression entrepreneuriale. A la lumière des différents cas présentés dans la littérature (Schmitt, 2005 et 2008b), il convient de constater l'importance jouée par les pouvoirs publics, principalement l'Etat, dans le développement de l'entrepreneuriat à l'université. C'est le cas notamment en France avant la loi sur l'innovation, au Mexique avant le lancement du Programme National d'Education ou encore, au Maroc avec la Charte Nationale sur l’Education et la Formation. Sans organisation publique de la relation entre Université et Entrepreneuriat, ce sont avant tout des universités privées qui sont le moteur du développement de cette relation. On trouve des traces de la place de ces universités privées non seulement au Maroc50 et au Mexique, mais aussi en France51. Dans bien des cas, l'Etat a renforcé la place de l'université dans le développement économique local et national. Ce renforcement s'est fait autour de ses métiers historiques, mais surtout à travers le développement de nouveaux métiers. En effet, que ce soit le développement des incubateurs universitaires en France ou au Mexique, la Charte Nationale sur l’Education et la Formation au Maroc, le développement de centres de développement technologique en

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Au Maroc, l'ISIAM d'Agadir a été la première université à se lancer dans ce domaine. 51

Comme le souligne A. Fayolle (2000), en France HEC a mis en place en 1978 une formation centrée sur la création d'entreprise, puis suivie par l'EM Lyon en 1984.

Turquie, ou encore la création de « business center » en Belgique, ces différentes structures initiées par les pouvoirs publics ont favorisé le développement de l'entrepreneuriat au sein des universités. Ainsi, il ne s'agit plus d'enseigner et de faire de la recherche, mais aussi de sélectionner, d'accompagner, d'évaluer des projets entrepreneuriaux. De façon générale, il est possible de résumer ces différentes actions autour du métier de valorisation. Ce métier est important, car il assure le lien entre les métiers historiques de l'université et le monde des organisations publiques et privées. La présence de ce lien semble s’inscrire dans une volonté au sein de l’université de rendre actionnable les savoirs issus de l’université (Schmitt, 2004b ; Avenier, 2008). Il s'agit bien de « construire » un pont entre universitaires et praticiens (Avenier, 2004 et Avenier et Schmitt, 2005b). Concrètement, ce lien pose la question du rôle social de l'université (Ouellet, 2004).

Figure 21. Les trois missions principales de l’Université (Schmitt, 2005)

A la lumière de ces trois éléments, force est de constater l’importance des modèles dans notre société. Nous sommes d’accord avec Filion (1999) quand il écrit que « les modèles

d’influence sont d’une importance majeure pour expliquer les comportements entrepreneuriaux ». Longtemps, l’entrepreneuriat n’a pas fait partie des enseignements

universitaires. Les entrepreneurs trouvaient leur modèle à d’autres endroits. A l’inverse, depuis les années 1980, le développement de l’entrepreneuriat et son accélération dans les actions au sein de l’université au cours des années 1990 a permis à l’université d’être un espace où le modèle de l’entrepreneuriat a pu s’exprimer. En reprenant la typologie proposée

Formation Recherche Valorisation

Travail sur les connaissances Travail sur de nouvelles connaissances Travail sur le développement et l’application de ces LES DIFFÉRENTES MISSIONS DE L’UNIVERSITÉ

par Schmitt (2005 et 2008) concernant la généralisation du modèle de l’entrepreneuriat au sein de l’université, il apparaît clairement avec le développement une phase d’institutionnalisation. Auparavant, la phase d’initialisation, les actions dédiées à l’entrepreneuriat restaient très isolées et localisées (Fayolle, 2000). Par rapport à la première partie de la thèse, il convient de s’interroger sur les actions mises en place afin de comprendre dans quel paradigme elles s’inscrivent. Est-ce que ces actions relèvent d’une approche paradigmatique liée aux traits de l’entrepreneur, à ses faits ou au processus entrepreneurial ?

2. Les fondements de l’enseignement de