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5. Analyse

5.3 Synthèse

Par cette recherche je désirais découvrir et comprendre le vécu de plusieurs professionnels de l’équipe interdisciplinaire d’une institution face à l’agressivité d’un patient ayant subit un TCC, ainsi que leur conception de cette agressivité et leur manière de la gérer au quotidien. Après avoir recueilli les données lors des entretiens et les avoir analysées je pense pouvoir répondre à présent à ma question centrale de recherche :

« Comment le professionnel de l’équipe interdisciplinaire perçoit-il et gère-t-il l’agressivité d’un patient souffrant d’un traumatisme crânio-cérébral »

Pour réaliser cette synthèse, je vais revenir sur mes différents objectifs de recherche, en ne prenant toutefois en compte que les professionnels de l’équipe interdisciplinaire et non de l’équipe infirmière.

Objectif : Identifier la perception qu’ont les professionnels de l’équipe interdisciplinaire et infirmière de l’agressivité d’un patient ayant subit un TCC.

En ce qui concerne l’agressivité en général dans les soins, je peux dire que celle-ci est perçue par tous comme négative, comme obstacle à la relation, aux soins et comme ayant un impact négatif pour le patient et pour le soignant. La vision de l’agressivité démontrée par des patients atteints de TCC semble quant à elle plus nuancée et acceptée par les professionnels interrogés. Ceux-ci la considèrent comme une des séquelles normales pouvant faire suite à une atteinte cérébrale et donc ne sont pas surpris de la rencontrer. Toutefois, bien que celle-ci soit « attendue » dans de tels cas, elle n’en demeure pas moins perçue de manière négative comme une entrave au processus de réadaptation, une source d’impuissance et parfois d’une certaine peur. Malgré son caractère physiologique relié à la pathologie sous-jacente, elle doit être cadrée.

Par ailleurs, outre la notion de conséquence directe du TCC, d’autres causes pouvant amener le patient à développer un comportement agressif ont été relatées par les thérapeutes. J’ai pu comprendre, lors de mon analyse, que les patients, bien que souffrant de lésions cérébrales, ne sont, la plupart du temps, pas agressifs spontanément, mais peuvent le devenir à cause de facteurs déclenchants. Parmi eux, j’ai pu identifier les suivants : certaines relations interpersonnelles (l'effet « blouse blanche », le genre du thérapeute, l’autorité du soignant ou thérapeute), l’impact du lieu et du moment de la journée en relation avec la fatigue et l’état d’éveil du patient, la douleur ainsi que la mise en échec du patient, la frustration de ne pas réussir à réaliser certaines activités ou encore la difficulté d’acceptation de sa nouvelle image de soi, de son handicap, qu’il soit visible ou non. Toutes ces situations sont décrites comme source d’agressivité, notamment chez les patients atteints de TCC qui ont déjà des prédispositions de par leurs atteintes.

Objectifs : Identifier les attitudes et les comportements des différents intervenants de l’équipe interdisciplinaire et infirmière dans la gestion d’un client ayant subit un TCC et présentant un comportement agressif et les mettre en commun.

Identifier les moyens mis à disposition par l’institution pour permettre la gestion de l’agressivité.

Grâce aux entretiens, je pense avoir bien pu cerner la manière de prendre en charge, dans cette institution, les patients atteints de TCC démontrant de l’agressivité. Cette partie peut être divisée en plusieurs sous-catégories : premièrement, j’ai relevé les réactions et comportements mis en place par les thérapeutes. Ceux-ci sont de plusieurs ordres et dépendent notamment de la phase dans laquelle se trouve le patient. Les attitudes généralement requises et citées par les participants sont le calme, l’apaisement, en aucun cas la confrontation. La majorité des personnes interrogées ont insisté sur l’importance d’établir une relation de confiance avec le patient pour pouvoir, malgré les épisodes d’agressivité, avancer dans le processus de réadaptation.

J’ai pu observer une réelle implication de la part des thérapeutes quant à l’organisation des thérapies. En effet, il est ressorti que ceux-ci font preuve d’anticipation et d’adaptation, parfois non sans difficulté, pour assurer le bon déroulement de la thérapie, si celle-ci est réalisable. Par contre, si la sécurité fait défaut, la thérapie doit être arrêtée immédiatement. En relation avec cela, l’importance d’un environnement sécuritaire a également été relevée.

Plusieurs précautions sont prises par les thérapeutes : avoir à portée de main la sonnette, pouvoir se retirer rapidement, organiser la thérapie dans un lieu absent de stimuli pouvant déstabiliser le patient.

Ensuite, j’ai pu identifier les outils dont peuvent se servir tous les professionnels qui gravitent autour du patient pour évaluer les troubles du comportement, leur fréquence, leurs facteurs déclenchants et leurs répercussions sur le patient. Selon la majorité des personnes interrogées, bien que sous utilisés, ces outils conservent toute leur importance et permettent à tout un chacun de suivre l’évolution du patient, de savoir quels sont les facteurs pouvant être source d’agressivité et quelle attitude adopter ou éviter face à lui. Aucun protocole n’existe en ce qui concerne la manière de gérer l’agressivité d’un patient. Celle-ci se fait au cas par car, en interdisciplinarité.

En effet, les participants soulignent tous l’importance du travail en interdisciplinarité et du partage de compétences, attribuant notamment un rôle conséquent au neuropsychologue. Selon les propos relevés, celui-ci, de par ses compétences et ses connaissances spécifiques sur le cerveau et le comportement, peut amener des conseils, des pistes de compréhension et de prise en charge pouvant servir à l’équipe confrontée à une personne démontrant de l’agressivité. Les professionnels se rencontrent régulièrement autour d’une table pour des colloques habituels ou pour des colloques spécifiques aux troubles du comportement. La finalité est que tous travaillent dans la même direction avec le patient et adoptent la même ligne de conduite pour que celui-ci comprenne ce qui est attendu de lui.

Objectif : Explorer le ressenti des divers acteurs de l’équipe interdisciplinaire et infirmière confrontés au un comportement agressif d’un patient post TCC.

La peur est un sentiment qui a été relevé à plusieurs reprises par les thérapeutes, mais avec certaines nuances. La plupart ont révélé ressentir une certaine peur surtout lorsque l’agressivité du patient est physique et/ou si elle est dirigée directement envers le professionnel. Seule la personne de sexe masculin a affirmé ne ressentir aucune peur. La notion de genre aurait mérité toute sa place dans mon analyse, or, comme je l’ai déjà mentionné, l’effectif masculin étant trop restreint, je ne peux à présent en tirer aucune conclusion.

Un autre sentiment identifié a été celui de l’impuissance. Celle-ci est corrélée à l’étiologie physiopathologique de l’agressivité chez ce type de clientèle. Les deux professionnels exprimant ce sentiment disent se sentir parfois démunis face à ces patients, car leur comportement agressif est relié, entre autre, à une dimension sur laquelle ils peuvent difficilement agir : la séquelle cérébrale elle-même.

La notion de « challenge » a été relatée par une seule professionnelle. Selon elle, ces situations, tant qu’elles restent gérables, sont sources de motivation, car elles l’obligent à chercher des solutions pour adapter ses stratégies et ainsi entrer en relation avec le patient et réaliser la thérapie.

De l’appréhension est également ressentie par certains thérapeutes qui doivent organiser leurs thérapies avec un patient agressif. Or cette appréhension n’est souvent pas considérée comme négative, mais s’apparente plutôt au terme d’anticipation, et permet au professionnels de se préparer d’avantage avant de rencontrer le patient.

Finalement, il est ressorti que malgré tous les sentiments que les professionnels peuvent ressentir et qui peuvent interférer dans leur manière d’agir, il est impératif de demeurer le plus neutre possible et de garder une attitude professionnelle.

Objectif : Identifier les connaissances de l’infirmière et de l’équipe interdisciplinaire concernant l’aspect légal et éthique en lien avec les mesures de contention ainsi que la perception qu’ils ont de ces mesures et leur mise en pratique dans l’institution.

Tous les professionnels ont témoigné ne pas connaître à la lettre les droits des patients et les règlements éthiques en lien avec les mesures de contention dans leur institution, mais tous en ont quelques notions. De manière générale, ils estiment tous que leur pratique personnelle et celle de l’institution sont en adéquation avec les principes éthiques et légaux qui règlent ces mesures. En effet, la contention n’est utilisée qu’en dernier recours et dans le but de protéger le patient lui-même ou autrui. Certains professionnels ont admis rencontrer des dilemmes éthiques en relation avec la mise en œuvre de contentions pour la sécurité du patient. Ceux-ci affirment se questionner régulièrement sur les bienfaits de la contention lors de risque de chute. En effet, celle-ci assure une certaine sécurité au patient en l’empêchant de tomber, mais peut également constituer un obstacle au progrès en limitant ses mouvements et ses prises d’initiatives et donc être en quelque sorte un frein à la réadaptation. Les neuropsychologues quant à eux, se sentent moins concernés par cet aspect, car il ne relève pas de leur rôle à proprement dit d’instaurer et d’évaluer les bienfondés de ces mesures.

De manière globale, les professionnels perçoivent la contention comme un moyen de sécurité. Celle-ci, bien qu’étant utile dans certaines situations demeure quelque chose qui interpelle les thérapeutes interrogés et qui ne les laisse émotionnellement pas de marbre. Les neuropsychologues ont un avis bien précis concernant la contention chimique et ne l’apprécient guère, à cause de son impact négatif sur les fonctions cérébrales. Or, certains thérapeutes admettent que l’administration de certains médicaments tels que des neuroleptiques ou anxiolytiques peut permettre une meilleure collaboration avec le patient et donc être bénéfique.

Il est apparu, dans les propos recueillis auprès des professionnels, que des mesures de contention, qu’elles soient physiques ou chimiques, étaient

utilisées, mais en dernier recours. Les contentions physiques, telles que les professionnels les ont décrites, sont mises en œuvre principalement dans un but de sécurité du patient, en prévision du risque de chute ou d’ablation accidentelle d’une trachéotomie. La seule décrite ayant comme but direct d’agir sur le comportement agressif (ou autres troubles du comportement) est la mise en place d’un cadre restrictif (limitation de l’espace à la chambre ou à l’étage) dans le but de donner au patient des points de repère et de diminuer son anxiété.

En outre, les mesures de contrainte, quelles qu'elles soient, doivent être validées par le médecin et sont discutées et évaluées régulièrement en équipe interdisciplinaire, notamment lors des colloques, tous les professionnels pouvant ainsi faire part de leur avis.

Objectif : Comprendre le rôle de la formation dans la prise en charge de l’agressivité.

Il est ressorti que la formation de base de ces deux corps de métier les informait des séquelles possibles d’un TCC, mais les préparait peu à appréhender et à gérer les troubles du comportement y relatifs, notamment l’agressivité. Tous les professionnels de l’échantillon affirment que leurs connaissances des techniques et moyens de gestion de l’agressivité se sont développés principalement grâce à l’expérience sur le terrain, à la confrontation directe à ce type de clientèle, aux lectures spécifiques sur le sujet, ainsi qu’aux formations complémentaires dans le domaine, réalisées après avoir obtenu leur diplôme. L’acquisition de connaissances théoriques s’est révélée essentielle pour avoir une prise en charge optimale de ce type de patient démontrant de l’agressivité.

En définitive, j’ai cherché à savoir ce qui faisait suite à ce genre de situation, en termes de procédure et de suivi des professionnels.

Tout d’abord, toutes les agressions sont relevées sur la plateforme internet par le biais de messages qualité ou encore des outils développés dans mon analyse tels que la feuille des 3C. Chaque professionnel y a accès.

Ensuite, il s’est révélé que, directement après une agression, la première attitude qu’avaient les professionnels était d’en parler aux collègues de la même discipline puis d’en référer aux soignants lors du colloque interdisciplinaire. Les participants ont fait part de leurs attentes envers l’institution et surtout envers leurs chefs ou collègues, explicitant ainsi un besoin de soutien, de compassion, de valorisation lorsque de telles situations se produisent.

De manière générale, j’ai pu comprendre que tous estiment avoir trouvé le soutien nécessaire de la part de leurs collègues et chefs de service pour gérer leur vécu sans avoir eu à en référer à l’autorité supérieure pour recevoir de l’aide. Selon les thérapeutes, un suivi psychologique est tout de même proposé en cas de situation extrême ou si le soignant en démontre un réel besoin.