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Les soignants et l’agressivité

3. Cadre conceptuel

3.3 Concept d’agressivité

3.3.7 Les soignants et l’agressivité

Jusqu’alors nous n’avons parlé que de l’agressivité du patient. A présent, nous désirons aborder l’impact de l’agressivité sur les soignants, ainsi que leurs moyens d’y faire face.

L’impact des agressions et de la violence sur les soignants qu’il soit d’ordre psychologique ou physique, touche à l’intégrité de la personne. Les atteintes et lésions physiques sont certes plus visibles mais ne constituent qu’une petite part des conséquences de conduite agressives. Confrontés à l’agressivité, les soignants peuvent tout d’abord éprouver divers sentiments, comme la peur, la colère, le doute ou l’angoisse. Un individu agressé de quelque manière que ce soit s’en trouve chamboulé psychologiquement. Les effets sont nombreux et peuvent altérer la qualité du travail, la qualité de vie, ainsi que le sentiment d'accomplissement personnel de la victime. Baisse de moral, diminution de la confiance en soi, de l’estime de soi, de l’efficience au travail, culpabilité, dépression, angoisse, insatisfaction au travail, stress, en sont quelques exemples124.

Pour illustrer cela, nous prenons pour base les directives élaborées par le Conseil national des infirmières (CII) de 2007 intitulées : « Comment affronter la violence au travail »125. Ce Conseil a rassemblé cinq réactions généralement retrouvée chez des soignants confrontés à la violence.

Comme nous l’avons démontré précédemment, la violence est une forme d’agressivité, même si elle n’en résulte pas dans toutes les situations. Nous nous permettons donc d’utiliser ce modèle.

124 CONSEIL INTERNATIONAL DES INFIRMIÈRES. Directives : Comment affronter la violence au travail. [en ligne].2007.

Adresse URL : http://www.anil.lu/image/directive_sur_la_violence_au_travail_presse15504377.pdf (Consultée le 10 juillet 2010).

125 Ibid.

Chaque personne réagit selon plusieurs critères personnels et selon son environnement. Le CII les identifie au nombre de 4 : « la personnalité, les mécanismes acquis (conscients ou inconscients), l’environnement physique et les attentes de la société (d’un point de vue culturel et professionnel) »126. Les réactions faisant directement suite à la violence sont identifiées par le CII au nombre de cinq. Celles-ci sont retranscrites sur une échelle qui laisse visualiser des réactions qui vont du « passif » à l’« actif ». On y trouve, dans l’ordre croissant : l’acceptation, l’évitement, la défense verbale, la négociation et la défense physique. L’usage de la négociation et de la résolution se retrouve chez la majorité des infirmières interrogées et cela, tous services de soins confondus.

Malheureusement nombres de soignants considèrent que les conduites agressives font parties intégrantes de leur travail et les banalisent. Ainsi les statistiques faisant part des agressions en milieu hospitalier ne reflètent pas toujours la réalité du terrain. Selon le CII, beaucoup d’infirmières subissent passivement agressions et violences et ne les déclarent pas. Selon Gbézo (2005) « de nombreuses études ont d’ailleurs révélé que beaucoup de cas d’agressions subies par les soignants sont dissimulés par la peur, peur de représailles, peur de paraître un mauvais professionnel devant ses collègues, peur de ternir l’image de l’établissement »(p.27)127. Une étude réalisée au Canada 128 montre que 30% des infirmières interrogées préfèrent ignorer les agressions dont elles sont victimes.

Une réaction tout à fait justifiable de la part d’un soignant se sentant menacé est d’adopter un comportement d’évitement avec l’agresseur potentiel.

L’absentéisme, voire l’arrêt de travail, en sont également une conséquence à long terme. Le nombre de professionnels qualifiés diminue, le personnel présent se voit surchargé et contraint de pallier le manque de soignants. Tout

126 CONSEIL INTERNATIONAL DES INFIRMIÈRES. Directives : Comment affronter la violence au travail. [en ligne].2007. Adresse URL : http://www.anil.lu/image/directive_sur_la_violence_au_travail_presse15504377.pdf (Consultée le 10 juillet 2010).

127 E.GBEZO, Bernard. Les soignants face à la violence. Rueil-Malmaison, Editions Lamarres, 2005. 165p. ISBN : 2-85030-808-0.

128 Manitoba Association of Registered Nurses. Nurse Abuse Report.1989, p.16. Tiré de : CONSEIL INTERNATIONAL DES INFIRMIÈRES. Directives : Comment affronter la violence au travail. [en ligne].2007.

Adresse URL : http://www.anil.lu/image/directive_sur_la_violence_au_travail_presse15504377.pdf. (Consultée le 10 juillet 2010).

cela se répercute bien évidemment sur la qualité des soins, sur le fonctionnement des institutions de santé, ainsi que sur les coûts de la santé.

« Les infirmières soumises à un grand stress et vulnérables connaissent un taux d’absentéisme et d’incapacité supérieur à celui de pratiquement toutes les autres professions. Cet état de fait perturbe les soins, complique la planification du travail et est très coûteux pour le système de santé» (CII, 2007, p.12)129.

Finalement, après l’agression, plusieurs réactions peuvent également être envisagées par les soignants. Dans son rapport, le CII en dénombre six. Il s’agit de130 :

-

L’évitement : ceci consiste à éviter le problème ou l’agresseur. Le problème n’est alors dans ce cas pas résolu.

-

Le déni : ceci consiste à ne pas parler de l’événement traumatique. Le problème demeure également non résolu.

-

La discussion : ceci consiste à se confier à l’équipe de santé, à sa famille et/ou ses amis. Il a été démontré que la discussion avec les membres de l’équipe de santé apporte plus de satisfaction en termes de solution de prévention d’actes violents que la discussion avec ses proches.

-

Le rapport : ceci consiste à établir un rapport officiel sur l’événement.

Il est estimé que seul un cas sur cinq est officiellement signalé. Peu d’infirmières s’y attèlent par manque de prise au sérieux et de soutien des employeurs qui, pour ne pas nuire à l’image de l’établissement, exercent de fortes pressions et les découragent dans leur projet.

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Le conseil : celui-ci a pour but d’assurer un suivi du soignant victime d’agression. Il vise à le soutenir, l’aider à accepter ce qui lui est arrivé,

129 CONSEIL INTERNATIONAL DES INFIRMIÈRES. Directives : Comment affronter la violence au travail. [en ligne].2007.

Adresse URL : http://www.anil.lu/image/directive_sur_la_violence_au_travail_presse15504377.pdf. (Consultée le 10 juillet 2010).

130 Ibid.

à l’encourager à exprimer ses ressentis ainsi qu’à le conseiller sur certaines conduites à envisager pour la suite et sur ses droits légaux.

Malheureusement ce genre de services est encore peu accessible.

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Les poursuites judiciaires : le recours à cette méthode est peu utilisé par la profession infirmière. Poursuivre un patient « est souvent considéré comme indigne d’une bonne professionnelle et contraire à l’éthique » (p.15). De plus, porter plainte contre un patient signifie qu’il est considéré comme responsable de ses actes, ce qui n’est pas le cas pour toutes les pathologies, notamment de la santé mentale.