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Une nouvelle procédure mathématique pour modéliser l’évolution temporelle des réservoirs magmatiques périodiquement réalimentés et

1. Synthèse sur les modèles géochimiques de réservoirs magmatiques

L’observation directe des processus œuvrant au sein d’un réservoir magmatique et de leur évolution dans le temps est actuellement inenvisageable. Depuis les années 1970, de nombreuses approches ont donc été développées afin de contraindre indirectement le fonctionnement des chambres magmatiques. Ces travaux s’appuient principalement sur les teneurs en éléments en trace incompatibles dans les laves émises en surface mais intègrent également des contraintes apportées par la thermodynamique, la physique des matériaux, la pétrologie expérimentale et la modélisation analogique. Cependant, en amont de toute modélisation ou reconstitution, une hypothèse de base sous-tend la représentation du fonctionnement du réservoir magmatique. Ainsi, la plupart des modèles géochimiques proposés posent comme postulat que l’intégralité des variations chimiques enregistrées par les laves est acquise au sein du réservoir et que la composition du magma de réalimentation reste constante sur toute la durée d’évolution du réservoir. L’utilisation de ces modèles nécessite donc un filtrage des données chimiques afin de s’assurer que les variations d’autres processus pétrogénétiques (tels que la fusion partielle et/ou l’hétérogénéité de source) n’induisent pas de variations significatives de la composition des liquides primaires. De plus, dans les modèles

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proposés, deux types majeurs de fonctionnement des réservoirs magmatiques s’opposent : l’évolution en système clos et en système ouvert.

1.1. Les réservoirs magmatiques évoluant en système clos.

Cette première famille de modèles considère que l’injection initiale de magma constitue le seul apport de matière au sein du réservoir (système clos). La variabilité géochimique des laves émises par de tels systèmes dépend :

- de la composition du liquide alimentant le réservoir ; - du moment où se produit l’expulsion du magma ;

- du type de cristallisation considérée : fractionnée (Bowen, 1928 ; Bowen, 1941), à l’équilibre (Shaw, 1970) ou in situ (Langmuir, 1989). Ces modalités de cristallisation formalisent de manière simple les différents mécanismes de différenciation : convection thermique (Brandeis et Jaupart, 1986 ; Jaupart et Tait, 1995), convection solutale (Helz et al., 1989 ; Jaupart et Tait, 1995), compaction (Philpotts et al., 1996 ; Philpotts et Dickson, 2000), différenciation induite par la vapeur (Anderson et al., 1984 ; Goff, 1996 ; Sisson et Bacon, 1999).

1.2. Les réservoirs magmatiques évoluant en système ouvert.

L’évolution en système clos des magmas résidant au sein du réservoir ne peut rendre compte de la longévité des chambres magmatiques. Il a donc été proposé que les réservoirs magmatiques puissent évoluer en système ouvert, recevant un apport extérieur de matière, continu ou épisodique, au cours de leur évolution. Les différentes approches développées afin de modéliser les systèmes ouverts s’accordent pour considérer que la cristallisation opère en continu. Elles divergent néanmoins dans leur traitement de l’injection et la vidange.

Le premier type d’approches considère une évolution cyclique du réservoir, au cours de laquelle les processus d’injection et de vidange sont épisodiques et périodiques (P-RTF :

Periodically Replenished, Tapped and continuously Fractionated ; O'Hara, 1977 ; O'Hara and

Matthews, 1981 ; Albarède, 1985 ; Caroff, 1995). Lors de son évolution, ce réservoir atteint un état permanent (steady-state) durant lequel sa taille et la composition des liquides émis au début et à la fin de chaque cycle restent constantes.

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La résolution de tels modèles nécessite d’une part de diviser l’évolution de la chambre en cycles (limités par les épisodes d’injection) et d’autre part d’intégrer le bilan des variations chimiques au cours d'un cycle. Ce type de modèles ne permet donc pas de suivre l’évolution instantanée du volume du réservoir ou de la chimie du magma résidant.

Les différents modèles proposés dans ce type d'approche varient en fonction de l’ordre des séquences expulsion/mélange au sein d'un cycle (Figs B1-1a à c). Ainsi, les modèles d’O'Hara (1977), d’O'Hara et Matthews (1981) et d’Albarède (1985) considèrent que le mélange entre le liquide injecté dans le réservoir et le magma résidant suit immédiatement la réalimentation. Cependant, ce mélange n’est possible que si le contraste de densité entre les deux magmas et le débit de réalimentation sont faibles et que l'écoulement est turbulent (Tait et Jaupart, 1990). L’injection d’un magma de forte densité inhibe donc le mélange, le magma de réalimentation se stratifiant à la base du réservoir (Jensen et al., 1993 ; Caroff, 1995). Pour les magmas tholéiitiques et alcalins, le mélange ne devient alors possible que lorsque la cristallisation fractionnée du liquide de réalimentation a provoqué une diminution suffisante de sa densité (Sparks et Huppert, 1984 ; Fig. B1-1c).

L'autre famille de modèles de réservoir fonctionnant en système ouvert considère que l'apport de matière (par réalimentation et/ou par contamination) et la cristallisation fractionnée

sont des processus continus et concomitants dans le temps (C-RTF : Continuously

Replenished, periodically or continuously Tapped, continuously Fractionated). Le traitement

mathématique de ces modèles dérive de celui proposé pour l’AFC (assimilation couplée à la cristallisation ; De Paolo, 1981). Les modèles de réservoir magmatique fonctionnant en système ouvert diffèrent quant à la place de l'expulsion (Figs B1-1d et e). Ainsi, De Paolo (1981) puis Hagen et Neumann (1990) considèrent l'expulsion comme un processus épisodique (Fig. B1-1d) tandis que Reagan et al. (1987) et Caroff et al. (1997) proposent une vidange continue du réservoir (Fig. B1-1e). Par rapport au concept d’injection périodique, ces modèles considérant une réalimentation continue du réservoir permettent de contraindre à tout moment, par la résolution d’équations différentielles, la composition chimique du magma résidant et le volume du réservoir. Ce dernier varie au cours du temps en fonction du bilan instantané entre les flux de matière entrant et sortant du réservoir : si la quantité de magma entrant (réalimentation et/ou assimilation) est plus importante que celle qui en sort (cristallisation et expulsion), le réservoir est en phase de croissance.

1.3. Les modèles physicochimiques.

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Les modèles physicochimiques appréhendent le fonctionnement des réservoirs magmatiques à la fois en terme de bilan de masse mais également de bilan énergétique entre le système magmatique et son encaissant. Le comportement du réservoir magmatique est ainsi décrit à partir des lois physiques modélisant (i) l’apport de chaleur lié à l’injection de magma ou à la chaleur libérée par la cristallisation du magma résidant et (ii) le refroidissement par la conduction, la convection et la circulation hydrothermale mais aussi par l’assimilation de roches encaissantes (Ghiorso et Sack, 1995 ; Spera et Bohrson, 2002 et 2004). Certains de ces modèles proposent de surcroît de considérer la répartition verticale de la cristallisation au sein de la croûte (modèles « gabbro glacier » ou « sheeted sills »), le type de cristallisation et l’effet sur la cristallisation d’une variation de composition du liquide primitif (Maclennan et al., 2004).

Par rapport aux modèles basés sur les bilans de masse, ces modèles physicochimiques sont probablement plus proches du fonctionnement réel des réservoirs magmatiques. Cependant, le réalisme de ces modèles est en parallèle contrebalancé par le nombre élevé de paramètres d’entrée et par la forte incertitude demeurant sur nombre d’entre eux (température du magma et des roches encaissantes, enthalpies de cristallisation et de fusion, capacités de chaleur spécifique du magma, de l’assimilant, du liquide de réalimentation…).

2. L’application à l’EPR du modèle de réservoir réalimenté, vidangé et