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Synthèse des résultats: potentiel récréatif et risques écologiques des lâchers

III. First assessment of stocking effectiveness at large spatial and temporal scales: a case study with

V.1. Synthèse des résultats: potentiel récréatif et risques écologiques des lâchers

Les lâchers de brochets juvéniles ont un très faible potentiel d’augmentation de la taille d’une population bien établie mais permettent de maintenir l’espèce dans des zones où elle n’est pas ou plus présente naturellement (Chap. II, III). Les lâchers de brochets juvéniles peuvent donc être utilisés pour compenser une mauvaise reproduction, en établissant une cohorte naturellement absente (en raison d’un évènement climatique extrême, par exemple).

Les lâchers de brochets adultes peuvent, quant à eux, avoir des effets additionnels dans une population bien établie (Chap. II, III, Fig. 19). Les lâchers ont donc une certaine efficacité pour l’amélioration du loisir de pêche, au moins à court/moyen terme (mois, année. Chap. II, IVa). L’efficacité des lâchers augmente avec la taille des poissons lâchés, notamment car la mortalité des poissons est inversement affectée par leur taille (en particulier chez les espèces cannibales comme le brochet) (Chap. II. Fig. 19). Toutefois, l’augmentation de la densité de gros individus peut affecter leur croissance et leur fécondité, et donc réduire les captures de poissons trophées (très valorisés par les pêcheurs) et le recrutement naturel.

Les lâchers engendrent une hybridation entre souches sauvage et domestique, dans des proportions très variables (Chap. IVa,b, Fig. 19). Bien qu’il semble que peu de gènes allochtones ne se retrouvent chez les adultes « sauvages » (Chap. IVa) dans le Lot, le niveau d’hybridation entre poissons sauvages et lâchés semble relativement important dans un bras mort de la rivière Né (Chap. IVb). Il est possible que la différence d’entre ces résultats (chapitres IVa et IVb), soit liée à une plus faible proportion (en biomasse et en nombre) de poissons lâchés par rapports aux poissons sauvages sur les sites de reproduction du Lot. En effet, l’introgression génétique augmente avec l’effort de lâcher (quantité de poissons déversée) (Lorenzen et al. 2012). A la différence du chapitre IVa (le Lot), dans le chapitre IVb (le Né) les poissons ont été lâchés directement sur le site de reproduction. Même si la quantité totale de poissons lâchée sur le Né était plus faible que sur le Lot, la proportion d’individus lâchés par rapport aux individus autochtones dans le stock total de géniteurs (sur le site de reproduction) y était certainement supérieure. Il est aussi possible que la différence de d’hybridation entre le Lot et le Né soit dû à un avantage en taille des poissons lâchés par rapports aux poissons sauvages. En effet, les brochets lâchés dans le bras mort du Né côtoyaient des individus sauvages de plus petite taille. Dans le Né les plus gros individus sauvages mesuraient à peine plus de 50 cm alors que les poissons lâchés mesuraient 50-60 cm. Dans le Lot, en revanche, des poissons sauvages de plus d’un mètre (très certainement des femelles) ont été capturés. Les femelles les plus grosses pondent plus d’œufs, des œufs

110 de meilleurs qualité et peuvent fractionner la ponte (Hixon et al. 2014). De plus, la taille est souvent un critère de sélection des partenaires et avantage les individus les plus gros (Jacob et al. 2007 ; Seberov et al. 2010). La faible proportion d’hybrides parmi les poissons adultes du Lot peut également être liée à une moins bonne adaptation génétique des poissons lâchés et des hybrides par rapport aux poissons autochtones, résultant en une mortalité plus forte de ses génotypes lâchés et hybrides par rapport au génotype sauvage (Fleming & Petersson 2001; McGinnity et al. 2003). Nous montrons, dans le chapitre IVb que la croissance des hybrides semble meilleure que celle des poissons ayant deux parents lâchés. Malheureusement, l’effet de cette introgression génétique sur la dynamique de la population de brochets n’a pas pu être estimé à long terme lors de cette expérimentation, en raison des conditions hydrologiques (inondation du site permettant l’entrée et la sortie de poissons sans passer par le piège) et d’une mauvaise reproduction. Toutefois, il a été montré chez certains salmonidés que l’hybridation induit un risque de diminution de la fitness (Araki et al. 2007) et donc un effet néfaste des lâchers sur l’abondance des poissons ciblés. Les lâchers présentent donc un risque pour la conservation du brochet en menaçant l’intégrité génétique des poissons sauvages (Chap. IVa,b) mais également un risque d’un point de vue récréatif en affectant la dynamique de la population sauvage. Malheureusement, nous n’avons pas eu connaissance d’échantillons historiques (comme utilisé par Denys et al. 2014) ou de rivières proches, ne recevant pas de lâcher. Dès lors, il apparaît indispensable pour une gestion cohérente de cette espèce de connaître les caractéristiques génétiques de la population locale et des individus lâchers.

Le calcul de l’indice de fixation (Fst) entre brochets lâchés et « sauvages » de Charente montre un fort degré de similarité entre ces deux groupes (Fst=0.01). Sur le Lot le degré de similarité est moins fort (Fst=0.04), ce qui pourrait expliquer le faible taux d’hybridation dans le Lot. Toutefois, le degré de similarité reste fort et il est surprenant que des poissons originaires du bassin du Lot (Unité hydrographique : bassin de Garonne) soient si peu éloignés génétiquement des poissons produits dans les Dombes (unité hydrographique : bassin du Rhône). Il est possible que malgré le faible taux d’hybridation entre individus sauvages et lâchés, la pression de lâcher exercée sur le Lot (brochets de 30 à 70 cm déversés depuis plus de 20 ans) affecte les caractéristiques génétiques des populations sauvages en permettant le maintien et la reproduction d’individus lâchés même si cela ne concerne que peu d’individus à chaque lâcher.

A l’inverse, les lâchers peuvent être utilisés pour maintenir les caractéristiques génétiques de la population sauvage et éviter, par exemple, les risques de dépression de consanguinité dans des populations où le nombre de géniteurs est faible, ou pour compenser les effets de la mortalité par pêche qui augmente la mortalité des individus présentant les traits d’intérêt (taille,

111 taux de croissance ou comportement Lennox et al. 2017) (Lorenzen et al. 2012). Dans ce cas, les individus lâchés devront être proches génétiquement des individus sauvages. Pour augmenter le brassage de gènes entres poissons sauvages et lâchers, des individus de grande taille peuvent être lâchés pour donner un avantage (lié à la taille) aux juvéniles hybrides aux jeunes stades (Chap. IVb). Les poissons peuvent être lâchés sur les sites de reproduction au moment de la fraie maximiser les chances de rencontre avec des individus sauvages et pour limiter la mortalité par pêche. La quantité de poissons déversée peut alors être ajustée en fonction du degré d’hybridation souhaité (celui-ci dépendra de la proportion de poissons lâchés par rapport aux poissons sauvages).

Ainsi, nos résultats montrent que la gestion par lâchers ayant pour vocation à augmenter la taille d’une population existante nécessite de placer un curseur entre conservation et récréation.

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