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III. First assessment of stocking effectiveness at large spatial and temporal scales: a case study with

V.3. Gouvernance des pêcheries et utilisation des lâchers

Le chapitre III révèle que dans la majorité des cas, les lâchers de brochets ont un faible effet sur l’abondance des brochets. Ce résultat est assez surprenant puisque le but des lâchers faits par les FDPPMAs et AAPPMAs est d’augmenter le stock de brochets pour augmenter les captures des pêcheurs. Nb : En 2014, le budget alloué aux lâchés de brochets par les AAPPMAs e été estimé à 125416 euros (Buoro et al. données non publiées).

Les pêcheries sont des systèmes complexes où la composante sociale peut affecter la mise en place de mesures de gestion (Arlinghaus et al. 2017a) ou de conservation (Manfredo et al. 2017). Le choix des mesures de gestion, comme les lâchers, est, par exemple, fortement lié à la satisfaction des pêcheurs, à la structure du système de gouvernance et à la force des régimes de propriété (Arlinghaus & Mehner 2005 ; Hunt 2005 ; Beard et al. 2011 ; van Poorten et al. 2011; Lorenzen 2014).

Le système de gestion des pêcheries récréatives est structuré en différents organismes qui, dans le respect de différents cadres réglementaires (directives, lois et arrêtés, par exemple), tentent d’atteindre des objectifs de gestion. On distingue deux grands types de gouvernances qui dépendent principalement du régime de propriété des espaces et du droit de pêche. Les pêcheries peuvent être publiques, le pêcheur est alors utilisateur d’un milieu dont la gestion est confiée à une institution publique, de type agence (« Fish and Game » en Amérique du Nord, par exemple). Le second mode de gestion concerne les espaces où la gérance est privée. Le pêcheur est alors, bien souvent, à la fois utilisateur et gestionnaire. Ce mode de gestion, très courant en Europe centrale, est bien souvent structuré en petites associations (club de pêche, par exemple Arlinghaus et al. 2006).

116 En France, la gestion des milieux aquatiques et de la pêche de loisir se partage entre différentes institutions ayant un champ d’action propre. Toute personne peut aller pêcher sur le domaine public si elle détient un permis de pêche. Dans le domaine privé le droit de pêche et la gestion de milieu sont réservés au propriétaire. En achetant sa « carte de pêche », un pêcheur adhère à une Association Agréée pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques (AAPPMA). Les AAPPMAs détiennent et gèrent des droits de pêche sur les domaines publics ou privés (avec l’accord du propriétaire). Elles participent, au niveau communal ou intercommunal, à des actions de gestion des milieux aquatiques et des peuplements piscicoles (la lutte contre le braconnage, par exemple). Dans chaque département, la Fédération Départementale pour la Pêche et la Protection des Milieux Aquatiques (FDPPMA) met en œuvre des actions de promotion du loisir pêche, de sensibilisation environnementale, de suivis des peuplements et d’interventions visant à préserver et/ou augmenter les stocks (restaurations, aménagements, etc.). Les FDPPMAs fédèrent les AAPPMAs du département pour assurer des fonctions de représentation associative, de coordination ou d’appui technique.

Les AAPPMAs et FDPPMAs sont des structures associatives (loi 1901). Elles sont dirigées par un conseil d’administration. Le conseil d’administration de la FDPPMA est formé d’élus membres des AAPPMAs locales. N’importe quel adhérent d’une AAPPMA peut, par vote, devenir administrateur de l’AAPPMA en question ou de la FDPPMA. Dans le domaine privé, le droit de pêche revient au propriétaire qui peut le céder à une AAPPMA ou le conserver et appliquer le mode de gestion qu’il souhaite (sous réserve du respect de la législation). Lorsque l’accès à un espace privé est limité (et nécessite le paiement d’un droit), on parle de société de pêche. Ceci se rapproche du mode de gestion mis en place en Allemagne et en Europe centrale (van poorten et al. 2011, Arlinghaus et al. 2016).

Ce sont les AAPPMAs et FDPPMAs qui choisissent et appliquent les différentes mesures de gestion en fonction des spécificités locales (peuplement piscicole, traditions, pressions sur le milieu, par exemple). En France métropolitaine la gestion des pêcheries se situe entre les gestions privées et publiques. La gestion de nombreuses masses d’eau est confiées aux AAPPMAs, le pêcheur est donc gestionnaire, mais leur utilisation est généralement autorisé à des pêcheurs membres d’autres AAPPMAs (ces pêcheurs sont alors simples utilisateurs).

Ce système a pour avantage d’impliquer un vaste réseau de bénévoles dans la gestion des pêcheries. Toutefois, cela favorise également l’utilisation de panacée comme les lâchers (van Poorten et al. 2011). En effet, le conseil d’administration des associations en charge de la gestion de la pêche récréative (AAPPMAs, FDPPMA, sociétés de pêche) est choisi par vote et le financement de ces associations est en partie lié aux ventes de cartes de pêches. Le choix d’un certain type de gestion se fait donc souvent en fonction de sa capacité à maintenir

117 les pêcheurs (ou partie des pêcheurs) qui sont en fait électeurs et financeurs. Dans les pêcheries récréatives, l’absence de valeur marchande des captures et les effets intangibles de la pêche (spiritualité, bien-être, relaxation ou challenge) diminuent l’importance du lien entre coût de l’action et bénéfices nets liés à la récolte des poissons. De plus, de nombreux pêcheurs ont une forte croyance en l’efficacité des lâchers. C’est pourquoi des poissons sont lâchés dans des contextes environnementaux variés, sans estimation de l’efficacité de cette mesure, pour « faire plaisir » aux pêcheurs / électeurs et financeurs. Lors de la construction de la base de données de lâchers (Chap. III) certains membres d’AAPPMAs nous ont confié lâcher des brochets sans réelle confiance en leur efficacité, car cette pratique est une habitude à laquelle une partie des pêcheurs accorde une grande importance. Les lâchers permettent en fait de maintenir le système de gestion des pêcheries dans son état (Lorenzen et al. 2014).

A la différence de certaines actions nécessitant des documents techniques ou administratifs, comme des interventions en lit mineur des cours d’eau, l’achat de poissons vivants se fait sans réel contrôle de leur destination et leur mise à l’eau peut être réalisée sur simple autorisation du détenteur du droit de pêche. De plus, le budget alloué à une AAPPMA dépend de sa taille (nombre de membres). Les petites structures ont ainsi des difficultés à s’engager dans des mesures de gestion/restauration plus ambitieuses/coûteuses dont l’efficacité n’est pas évidente à court terme. La mise en place d’actions de gestion étant souvent bien valorisée par les pêcheurs, certains gestionnaires choisissent donc les lâchers plutôt que de mettre en place des mesures alternatives.

Une meilleure gestion des pêcheries peut/doit passer par des modifications du système de gestion des pêcheries et des possibilités (droits) d’agir directement sur le milieu. Une meilleure gestion des stocks de poissons peut aussi passer par une utilisation réfléchie de mesures alternatives aux lâchers.

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