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III. First assessment of stocking effectiveness at large spatial and temporal scales: a case study with

V.4. Perspectives pour la gestion halieutique du brochet

V.4.2. Régulation

La régulation permet d’assurer la collecte de poissons par les pêcheurs tout en limitant les effets de la mortalité par pêche sur l’abondance des poissons. La régulation est efficace quand la mortalité par pêche est élevée et donne souvent de meilleurs résultats que les mesures

119 visant à augmenter les stocks (Rogers et al. 2010). Ceci est notamment dû à la mobilité des pêcheurs et l’absence de contrôle de la pression de pêche. Toutefois, l’efficacité des mesures de régulation dépend du respect de celles-ci par les pêcheurs et de la pression de pêche (Gigliotti & Taylor 1990; Sullivan 2002 ; Post et al. 2002). Il a été observé que la mise en place de nouvelles mesures de régulation est souvent rejetée par les pêcheurs, sauf si le bénéfice en est évident (Post et al. 2002 ; Johnston et al. 2015a ; Thomas et al. 2016). Les régulations les plus simples permettent une uniformité et une clarté des mesures de gestions et facilitent leur respect par les pêcheurs. Cependant, l’efficacité de certaines régulations est souvent difficile à mesurer car, en pratique, plusieurs régulations sont généralement couplées.

V.4.2.1. Interdiction de pêche

L’interdiction de pêche est une bonne solution pour limiter les effets directs et indirects de la pêche (dérangement des organismes, déstabilisation des berges à cause du batillage, etc.). L’interdiction de pêche peut concerner un espace bien défini. Bien étudiées en milieu marin mais faiblement en eau douce, ces réserves de pêches peuvent avoir un effet bénéfique sur la pêche (Costello 2016). Leur but est de constituer une population source depuis laquelle des individus non affectés par la pêche (stress ou sélection de traits comportementaux, par exemple) vont émigrer vers des zones de plus faible densité. Leur efficacité dépend de la superficie de la zone concernée. L’interdiction permanente de pêche sur une grande superficie a le potentiel de rendre une partie du stock non vulnérable à la capture. Toutefois, ceci peut être antagoniste avec l’activité pêche en réduisant la surface utilisable par les pêcheurs.

En réalité, les réserves permanentes de pêches sont bien souvent très localisées, et concernent le plus souvent les sites de reproduction. Dans le cas du brochet, la pertinence de ce type de gestion peut être discutée si la surface en réserve est limitée. En effet, les juvéniles sont peu vulnérables à la capture (Arlinghaus et al. 2008) et la mortalité des géniteurs peut être forte hors de la zone de reproduction d’autant plus que les plus gros sujets sont souvent plus mobiles (Amstrong 1992 ; Rosten et al. 2016). De plus, le brochet est connu pour avoir une forte fertilité, un faible nombre de géniteurs peut donc produire un grand nombre de descendants.

L’interdiction de pêche peut également concerner une période de temps bien précise. Ces périodes de fermeture, sont une manière simple de limiter la mortalité et le dérangement avant et pendant la reproduction. Une solution parfois envisagée est l’autorisation de pêche avec interdiction de prélèvement lors de la période de reproduction. Cette option reste discutable car la capture d’un poisson peut entraîner une mortalité des poissons et les effets

120 de la capture sur le succès reproducteur du brochet et la survie des juvéniles ne sont pas connus.

Interdiction spatiale et temporelle de pêche peuvent être couplées. Il est, par exemple, possible d’interdire la pêche à proximité des zones de reproduction, avant et pendant la période de reproduction quand les brochets se regroupent. Toutefois, la mise en place de régulations fluctuantes dans le temps, peut être un frein pour leur respect par les pêcheurs.

V.4.2.2. Interdiction de prélèvement

Dans une population ou un espace où les captures sont autorisées, plusieurs mesures de régulations permettent de limiter la mortalité par pêche : l’interdiction de prélèvements, les quotas et les tailles-limites de prélèvement.

L’application de l’interdiction de prélèvement (aussi appelé « no kill », « graciation », « total catch & release ») est efficace si la mortalité indirecte liée à la capture reste faible (Parkinson et al. 2004; Coggins et al. 2007). La remise à l’eau permet le maintien des individus les plus capturables (à très forte valeur halieutique) dans le milieu. L’efficacité de cette mesure dépend de bonnes pratiques de capture et remise à l’eau de poissons. La mortalité post capture peut être réduite en évitant l’hameçonnage profond (par l’utilisation d’hameçons circulaires, par exemple) et la réduction du temps de manipulation en particulier lors des périodes chaudes (Brownscombe et al. 2017). Cependant, la satisfaction d’une partie des pêcheurs passe par la consommation de leurs prises. De plus, le simple usage des populations de poissons pour la capture fait émerger des questions plus éthiques, sur le bien-être animal notamment. D’une manière générale, il semble donc préférable de contrôler/limiter les prélèvements plutôt que de les interdire.

V.4.2.3. Quotas

La limitation du nombre de capture par jour et par pêcheur peut avoir une efficacité limitée car cette mesure affecte rarement la mortalité totale. En effet, le prélèvement de dix poissons par un pêcheur correspond à la même mortalité que le prélèvement d’un poisson par dix pêcheurs. Le brochet étant capturable par presque tous les types de pêcheurs (cf. introduction), notamment les pêcheurs occasionnels qui auront tendance à conserver leurs prises, la capture d’un faible nombre poissons par un nombre élevé de pêcheur est très probable. De plus, le nombre de capture de brochet étant intimement lié au temps passé à la pêche (Arlinghaus et al. 2017b), la mise en place de quota, même très bas, ne limite que très peu la mortalité par

121 pêche si la pression de pêche est constante sur la saison de pêche (imaginons, par exemple, le cas extrême d’un pêcheur collectant un seul brochet tous les jours de l’année).

L’application de quotas annuels de prélèvements par masse d’eau semble plus pertinente pour limiter la mortalité liée à la pêche. Ceci implique le contrôle du comportement des pêcheurs et une connaissance fine de la production annuelle de la masse d’eau considérée. Toutefois, les pêcheries récréatives restent bien souvent des zones pauvres en données. De même que pour les lâchers (Chap. III) il n’existe aucune obligation de renseigner les quantités prélevées par un pêcheur ou sur une zone considérée (voir Ricou 2010, 2012 pour un exemple de collecte de données auprès des pêcheurs amateurs à la ligne).

V.4.2.4. Taille légale de prélèvement

Les régulations portant sur la taille des poissons à prélever (ou non) affecte la structure en taille de la population cible. La mesure la plus commune est la taille minimale de capture. La mise en place d’une taille minimale de capture au dessus de la taille de première reproduction permet souvent de limiter la surpêche de recrutement (quand le nombre de juvéniles diminue proportionnellement au le nombre de géniteurs) mais ne permet pas de maintenir un stock élevé (Vainikkaa & Hyvärinen 2012 ; Allen et al. 2013). La mise en place d’une taille minimale de prélèvements a tendance à tronquer la structure en taille d’une population au détriment des sujets les plus gros et les plus vieux. Il est intéressant de remarquer que le plus gros brochet sauvage capturé dans le chapitre IVb (rivière Né) faisait juste la longueur de la taille légale de capture.

Il est possible de conserver certaines classes de taille d’intérêt par la mise en place d’une régulation portant sur les tailles qu’il est possible de prélever. Les fenêtres de capture (« harvesting slot ») visent à limiter la mortalité des sujets les plus jeunes (importants pour le renouvellement des individus et la production de biomasse) et surtout des plus vieux. Chez le brochet, les plus gros sujets sont des femelles. Le rôle de ces BOFFFFs (« Big Old Fat Fertile Fecund Female ») est très important dans le recrutement, car elles garantissent la production d’une grande quantité d’œufs de qualité ce qui a le potentiel d’améliorer le recrutement (Hjort 1914, 1926 ; Field et al. 2008, Hixon et al. 2014). Une étude théorique et une étude expérimentale menées dans différents lacs de Finlande ont montré l’effet des fenêtres de captures chez le brochet et le faible effet d’une simple augmentation de la taille légale de capture sur l’abondance et la biomasse des populations de brochet (Arlinghaus et al. 2010; Tiainen et al. 2017). Même si les fenêtres de captures peuvent avoir un effet limité sur la taille du stock de brochet elles peuvent avoir un effet bénéfique sur la satisfaction des pêcheurs en assurant, la capture de poissons trophées et la collecte de certains individus. La collecte des

122 sujets « intermédiaires » assure la disponibilité de poissons pour la consommation et peut dans certains cas stimuler la croissance des survivants en réduisant la concurrence intra- spécifique (Berkeley et al. 2004; Venturelli et al. 2009; Arlinghaus et al. 2010). Il est intéressant de noter qu’il existe, dans certaines pêcheries récréatives de black-bass (Micropterus salmoides) d’Amérique du nord, des doubles fenêtres de capture, qui permettent le prélèvement des sujets intermédiaires et des sujets record.

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