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Synthèse des résultats et discussion

Nous envisagerons tout d’abord les résultats de la comparaison leflunomide/etanercept, puis la mesure de l’impact de l’etanercept sur le coût de prise en charge de la PR.

Section 1- Comparaison leflunomide/etanercept

Dans notre étude observationnelle rétrospective, réalisée dans la région Midi-Pyrénées, comparant les ressources consommées sur une durée moyenne de 16 mois, entre une cohorte de patients traités par etanercept et une cohorte de patients traités par léflunomide, le coût total moyen annuel par patient est 2,4 fois plus élevé dans la cohorte traitée par etanercept que dans la cohorte traitée par léflunomide. Cette différence est imputable au coût moyen annuel du traitement de fond qui est 11,3 plus élevé dans la cohorte traitée par etanercept que dans la cohorte traitée par léflunomide. Après exclusion du coût du traitement de fond, le coût moyen annuel par patient ne diffère pas entre la cohorte traitée par etanercept et la cohorte traitée par léflunomide.

Plusieurs points peuvent limiter la validité interne de ces résultats. L’utilisation d’une base de données de remboursement entraîne un risque de non exhaustivité sur les données relatives aux séjours hospitaliers (l’information étant transmise a posteriori par les établissements de santé). La sélection des patients a été effectuée uniquement sur le critère de la prescription médicamenteuse or l'etanercept peut être prescrit chez des patients atteints de spondylarthrite ankylosante ou de rhumatisme psoriasique ; d’autre part, les patients traités par etanercept ont pu recevoir un traitement par leflunomide avant le 31/03/2003. Le point de vue assurantiel ne permet pas une estimation fiable des coûts directs non médicaux et des coûts indirects. Enfin, la valorisation est effectuée à partir des tarifs de remboursement de la Sécurité Sociale, qui sont différents des coûts réels des prestations, même si les patients atteints de PR évolutive grave relèvent d’une prise en charge à 100% pour affection de longue durée.

Un biais lié à une possible différence de sévérité de la maladie dans les deux cohortes doit être envisagé. En effet, ce sont principalement des marqueurs cliniques et radiographiques de sévérité qui influencent le choix des traitements de fond de la PR, au premier rang desquels le score d’activité de la maladie, le score de lésions radiographiques et l’existence d’une

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éventuelle corticodépendance [36] [37]. Bien qu’il n’existe pas d’étude contrôlée comparant l’efficacité de l’etanercept à celle du léflunomide dans la PR, une étude ouverte réalisée chez des patients suédois a montré que l’etanercept était supérieur au léflunomide pour réduire l’activité clinique et biologique de la PR à 1 an [28] ; par ailleurs les données issues des différentes études évaluant l’efficacité de l’etanercept ou du léflunomide sur le contrôle de la progression des lésions radiographiques semblent en faveur de l’etanercept [38]. De ce fait, l’etanercept est susceptible d’être prescrit à des patients atteints de formes de PR plus sévères que les patients traités par léflunomide. Or plusieurs études ont montré l’existence d’une corrélation forte entre le score HAQ (Health Assessment Questionnaire) qui évalue le retentissement fonctionnel de la maladie et le coût de prise en charge de la PR, à moyen et long termes notamment [26] [39] [40]. Dans une étude sur plus de 7500 patients atteints de PR, le score HAQ est un des facteurs prédictifs du coût direct médical le plus important [41]. De même, concernant les coûts indirects, il existe une corrélation entre l’invalidité et la destruction articulaire, respectivement évaluées par le statut professionnel et les radiographies [42]. La comparabilité des cohortes a été établie sur le critère de l'âge moyen mais une différence existe entre les deux groupes sur le sex-ratio. Cependant, le sex-ratio ne constituerait pas un facteur déterminant significatif du coût, contrairement à l'âge [39]. Enfin, l’ancienneté moyenne de la maladie est similaire dans les deux cohortes, mais le pourcentage de patients dont l’exonération pour ALD est supérieure à cinq ans est plus élevé dans la cohorte etanercept que dans la cohorte leflunomide.

Le coût moyen annuel estimé dans une revue de la littérature [43] à partir de 10 études antérieures à la commercialisation de l’etanercept, issues de plusieurs pays, est de 5.425$ par patient par an pour les coûts directs, ce qui est proche de l’estimation que nous avons obtenue pour les coûts directs des patients traités par léflunomide (5.734€/an). Dans une étude française sur 1109 patients réalisée en 1999-2000, le coût moyen annuel par patient est de 6.745€ [44]. Selon une étude américaine ayant inclus 7.527 patients majoritairement traités par infliximab, le coût direct moyen annuel des patients traités par biothérapie est de 19.016$/an par an contre 6.164$/an pour les patients non traités par biothérapie, après ajustement sur l’âge et le sexe [41]. Ces données sont comparables aux estimations du coût direct de prise en charge de la PR chez les patients traités par etanercept obtenues dans notre étude (13.906,3€/patient/an). Une étude réalisée aux USA à partir d’une base de données de remboursement de ressources médicales et pharmaceutiques [45], a comparé les coûts de prise en charge de la PR six mois après le diagnostic dans deux cohortes de patients traités par etanercept (258 patients) ou léflunomide (403 patients) comparables pour les caractéristiques

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démographiques, les comorbidités, et l’utilisation concomitante de médicaments : les coûts de prise en charge sur six mois pour les soins en rapport avec la PR ont été estimés à 7.734$ dans la cohorte etanercept versus 2.683$ dans la cohorte léflunomide. Cette différence est principalement due à la différence de coût des médicaments (5.976$ versus 1.473$). En rapportant ces données à des coûts annuels, les résultats sont très proches de ceux obtenus dans notre étude. Le coût annuel de prise en charge d’un patient par léflunomide est inférieur de plus de 50% à celui d’un patient traité par etanercept. Des résultats équivalents sont rapportés dans une étude d’une durée de un an comparant les coûts de prise en charge de patients débutant un traitement par léflunomide ou etanercept [46] : le coût de prise en charge de la PR chez des patients traités par léflunomide oral est 42% inférieur à celui de patients traités par etanercept, principalement du fait d’un coût d’acquisition des médicaments inférieur (8.609$US versus 16.534$US). Selon cette étude, le coût annuel moyen de traitement par etanercept/ léflunomide est de 9.980/1.815$.

Concernant la répartition des coûts de prise en charge, selon une revue de la littérature publiée en 2000, la proportion des coûts directs attribuables aux médicaments passe de 33% sans anti-

TNFα à 78% avec [47] ; dans notre étude, cette proportion passe de 24,2% à 66,8%. Dans

l’étude américaine comparant la consommation de ressources de patients traités par léflunomide ou etanercept [48], le recours aux AINS, analgésiques morphiniques et corticoïdes est moins fréquent chez les patients traités par etanercept par rapport au léflunomide. Comme dans le cas de notre étude, cette différence est significative pour les corticoïdes. Aucune différence n’a également été constatée dans cette étude pour la fréquence et le coût moyen des hospitalisations entre les deux groupes. Le pourcentage de patients ayant reçu au moins un traitement anti-infectieux est significativement plus élevé dans la cohorte de patients traités par léflunomide ; pourtant les effets indésirables infectieux semblent plus

fréquents chez les patients traités par anti-TNFα que par médicaments antirhumatismaux

traditionnels [49-51]. Cependant, une tendance inverse est observée au niveau du coût moyen annuel de traitement anti-infectieux par patient, significativement supérieur dans la cohorte de patients traités par etanercept (respectivement 57,6 et 48,2€).

Si dans le cas de notre étude où l’horizon temporel était limité et le cadre strictement

ambulatoire, le traitement par anti-TNFα ne s’est pas accompagné d’une diminution de la

consommation de ressources, des études ultérieures à plus long terme permettront peut-être de traduire sur un plan économique l’efficacité des biothérapies jusque là démontrée sur un plan clinique, structural et fonctionnel.

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Section 2- Impact de l’etanercept sur le coût de prise en charge

L’objectif de la deuxième étude est de comparer les coûts liés à la PR avant et après

l’initiation d’un traitement anti-TNF Į. Si d’un côté le coût direct d’un traitement anti-TNF Į

est largement supérieur à celui d’un traitement de fond conventionnel, on peut émettre l’hypothèse selon laquelle le surcoût dû à ces traitements très efficaces serait compensé par une réduction de la consommation des autres soins. Le but de notre étude a été d’estimer l’influence de la prescription de l’etanercept, en termes de consommation de soins, au sein d’une cohorte régionale de patients atteints de PR en France, à l’aide d’une analyse effectuée sur la période avant et sur la période après l’initiation de l’etanercept.

Le coût annuel global moyen par patient, imputable à la PR, est multiplié par un facteur de 2,8 après l’initiation de l’etanercept (15.148,57 euros) par rapport à la période avant l’etanercept (5.248,95 euros). Cette différence peut s’expliquer par le coût des traitements pharmaceutiques qui représentent 11,7% et 69,7% des coûts médicaux directs avant et après etanercept, respectivement. La diminution significative des coûts dus aux AINS, aux examens radiologiques, aux consultations et à la rééducation ne compense pas le surcoût lié à l’etanercept.

Il faut souligner en premier lieu qu’il s’agit ici d’une étude à court terme et que l’impact réel d’une biothérapie devrait être évalué dans des études à plus long terme. Ces études pourraient

montrer une diminution des coûts indirects du fait de l’effet préventif des anti-TNF Į sur les

lésions destructrices articulaires. La base de données ERASME comporte un risque de non exhaustivité pour les données concernant les séjours hospitaliers et ne comporte pas de données sur l’observance des traitements remboursés. Enfin, la détermination de la consommation des soins en rapport avec la PR peut être discutée : les consultations chez le cardiologue et le dentiste auraient pu être incluses dans la mesure où il existe un risque d’aggravation d’une insuffisance cardiaque sous etanercept et un risque de sepsis à point de départ dentaire. De même, les examens utilisés spécifiquement pour la surveillance des traitements de fond conventionnels n’ont pas été inclus.

Malgré les limites de la comparaison des études antérieures avec la nôtre, on peut souligner que le coût annuel direct par patient dans deux revues publiées en 2000 était estimé à 5.425 [43] et 5.720 dollars [52]et que ce coût était de 4.003 euros dans une étude française rapportée en 2004 et ayant porté sur 1109 patients [44], ces chiffres étant proches de celui observé dans

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notre étude avant la mise sous etanercept (5.142 euros). Dans une étude rétrospective rapportée en 2005 et réalisée aux États-Unis, les coûts directs des traitements, à l’exception des hospitalisations, étaient de 12.159 et de 14.297 dollars, chiffres obtenus à partir de deux bases de données d’assurances [53]. Dans une autre étude rapportée en 2003 et ayant porté sur 7527 patients, dont 1880 avaient été traités par une biothérapie au cours des six derniers mois, le coût annuel direct lié aux dépenses médicales était 19.016 dollars sous biothérapie et de 6.164 dollars chez les patients ne recevant pas de biothérapie [41]. Dans une étude française réalisée à partir de 28 patients traités par etanercept pendant 52 semaines et réalisée du point de vue de l’organisme payeur, l’estimation du coût direct des dépenses médicales était proche de ces chiffres : 19.616 euros [54]. Ces données sont proches du coût direct lié à la PR que nous avons calculé dans notre étude et qui était de 15.158 euros environ. Selon une revue générale rapportée en 2004 [47], la proportion des coûts directs imputables aux médicaments a augmenté de 33% sans anti-TNF à 78% chez les patients traités par anti-TNF. Dans notre étude, cette proportion a augmenté de 21% à 62%. La baisse de l’utilisation des analgésiques non morphiniques, des AINS et des corticostéroïdes, de même que celle des coûts de la rééducation chez les patients traités par etanercept peut être expliquée par une plus grande efficacité des traitements anti-TNF par rapport aux traitements conventionnels. Dans une étude américaine rapportée en 2001 [55], 55% des patients traités par etanercept avaient pu diminuer leur consommation de corticostéroïdes. Toutefois, des résultats différents ont été rapportés dans une étude de 2002 comparant la consommation de soins médicaux, une année avant et une année après la mise sous etanercept [46] : le recours aux antalgiques morphiniques et aux AINS était plus fréquent après et la fréquence des hospitalisations était identique entre les deux périodes. Des résultats similaires ont été obtenus dans notre étude concernant les antalgiques non morphiniques et la fréquence des hospitalisations. Dans une étude suédoise ayant évalué des patients traités par infliximab ou etanercept [56], le coût annuel des dépenses médicales par patient a augmenté de 5.567 euros avant traitement anti- TNF à 17.891 euros dans les 12 mois suivant la mise en route de l’anti-TNF. Le coût des produits pharmaceutiques de la PR était le principal facteur expliquant cette augmentation : 298 € versus 14.813 €. Mais dans cette étude, il a été observé une baisse du coût annuel des traitements par corticostéroïdes, AINS, antalgiques, ainsi qu’une baisse du coût des hospitalisations et des traitements chirurgicaux, permettant une réduction de 40% des coûts annuels directs dans la première année de traitement, ce qui compensait le coût de l’anti-TNF. En revanche, dans notre étude, la baisse des coûts liés à la rééducation, aux visites, aux

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différence de résultats peut s’expliquer par le fait que dans l’étude suédoise, l’ancienneté de la PR était plus grande que dans la nôtre et que le traitement par etanercept était souvent débuté après une chirurgie créant un taux artificiellement élevé d’interventions chirurgicales dans

l’année précédant la mise en route du traitement anti-TNFĮ.

Dans cette dernière étude, qui a été réalisée sur une courte période, la mise en place d’un traitement par etanercept chez des patients atteints de PR n’a pas entraîné une baisse de la consommation des soins de santé. L’étude précédente aboutissait à la même conclusion. Notons que ces deux études ont été réalisées sur un horizon temporel limité ; des études ultérieures à plus long terme permettront peut-être de traduire sur un plan économique l’efficacité des biothérapies jusque là démontrée sur un plan clinique, structural et fonctionnel.

Qu’apportent ces études réalisées dans un contexte ambulatoire, à notre problématique relative aux dépenses pharmaceutiques hospitalière ?

Tout d’abord, elles concernent un médicament de la classe des antinéoplasiques et immunomodulateurs, récent, coûteux, et présentant une amélioration du service médical rendu de niveau III. Ce profil est celui des médicaments qui ont le plus contribué à la croissance des dépenses de médicaments au CHU de Toulouse, entre 2001 et 2010. Une molécule appartenant à la même classe thérapeutique, l’infliximab, fait d’ailleurs partie des dix molécules ayant le plus contribué à l’augmentation des dépenses. L’etanercept a d’ailleurs été réservé à l’usage hospitalier, avant d’être mis à disposition dans le cadre de la rétrocession, puis dans les officines. Les dépenses liées à l’etanercept ont donc pesé sur les budgets hospitaliers avant d’être rattachées aux dépenses ambulatoires. Or l’analyse de l’impact de l’innovation doit être envisagée de façon transversale sur l’ensemble du système de santé. Et du fait des cloisonnements des systèmes d’information entre ville et hôpital, une telle analyse n’a pu être menée qu’après la mise à disposition du médicament en ville. L’évaluation de l’impact du progrès médical sur le recours aux soins est largement pénalisée en France par le cloisonnement des secteurs hospitaliers et ambulatoires, présenté de façon imagée sous la forme de « mentalité des silos» [57]. Et il est reconnu que ce cloisonnement « ne permet pas à un médicament innovant de capitaliser pleinement les effets favorables sur l’organisation des soins» [58].

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Sur le fond, l’absence de « retour sur investissement » mise en évidence dans ces deux études est-elle valable pour l’ensemble des dix molécules, innovantes et coûteuses, qui contribuent le plus à la croissance des dépenses de médicaments à l’hôpital, et présentées au chapitre précédent ? Il est difficile d’extrapoler, les coûts étant fortement conditionnés par l’efficacité des molécules, mais aussi par la nature des pathologies concernées. Néanmoins il paraît vraisemblable que dans le domaine du traitement de la PR, l’impact de l’infliximab, autre

molécule appartenant à la classe des anti-TNF Į et réservée à l’usage hospitalier, soit

comparable à celui de l’etanercept.

Enfin, les résultats obtenus dans ces études suscitent deux réflexions supplémentaires.

Ces études ont consisté à mesurer l’impact d’un médicament innovant du point de vue du payeur, et dans le système de santé. Le champ pourrait être élargi dans deux dimensions : d’une part en adoptant le point de vue de la collectivité, et d’autre part en mesurant l’impact au-delà du système de santé, en incluant des coûts non médicaux.

Ces études se rapprochent du calcul économique de type coût-bénéfice, dans la mesure où l’efficacité du médicament innovant est traduite en termes monétaires, par une diminution de la consommation de ressources. Mais les conséquences de l’utilisation de l’etanercept peuvent également être mesurées en termes de durée de vie, ou encore de qualité de vie, dans le cadre d’études coût efficacité et coût utilité.

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