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Décomposition prix, quantité, structure

Dans ce troisième paragraphe, nous analysons la croissance de la dépense non plus sous l’angle des caractéristiques des médicaments qui y contribuent le plus, mais en décomposant cette croissance en ses trois facteurs constitutifs (prix, quantité, structure).

Nous présentons tout d’abord les indices évalués sur l’ensemble des dépenses (Section 1). Ces indices permettent de mesurer l’impact respectif sur l’évolution des dépenses de la variation des prix, des quantités et de la structure de consommation. Ces trois facteurs constituent autant de cibles pour les mécanismes de régulation de la dépense. Il paraît donc intéressant de les mesurer séparément, à l’échelle de deux ensembles de médicaments, définis en fonction de leurs modalités de régulation : d’une part, les médicaments financés dans les GHS, et d’autre part les médicaments facturés en sus des prestations d’hospitalisation (Section 2). L’objectif est de mettre en évidence l’impact des mécanismes de régulation existants, sur le plan de l’évolution des prix, des quantités et de la structure de consommation.

Enfin, du fait de l’importance de la modification de la structure de consommation des médicaments sur la croissance des dépenses, nous détaillerons plus spécifiquement dans quelles conditions peut être mis en évidence cet effet de structure (Section 3).

Section 1- Décomposition de l’évolution de la dépense globale

Concernant la décomposition de l’évolution de la dépense globale, la figure 13 met en évidence :

- un indice de prix à 0,8 qui traduit la tendance générale à la baisse des prix ;

- un indice de quantité à 1,27 qui met en évidence la faible croissance des quantités

- un indice de structure à 1,99 qui traduit l’importance de l’effet de structure sur la

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Figure 13. Evolution des indices de valeur, de quantité, de prix et de structure (base 100 : 2001).

Aucune évaluation similaire n’est disponible au niveau national sur les données hospitalières depuis 2001. Sur la période 1997-2001, Cavalié met en évidence la baisse régulière du prix des médicaments à l’hôpital [20], comprise entre -3,3% et -1,3%. La baisse des prix évaluée dans notre étude est beaucoup plus importante, avec un indice de prix à 0,8. Notons que la méthodologie de calcul de l’indice de prix n’est pas détaillée dans l’étude de Cavalié. Par ailleurs, notre étude mesure la baisse des prix sur une période de dix ans, contre quatre ans dans l’étude citée. Ce point est d’autant plus important que que nous utilisons un indice de Laspeyres fixe, qui mesure l’évolution des prix en utilisant la structure de consommation de l’année initiale (2001).

Concernant l’évolution des quantités consommées, les données disponibles au niveau national étant exprimées en nombre de conditionnements, le taux de croissance des quantités consommées n’est pas chiffré, du fait de la diversité importante des formes pharmaceutiques et des tailles de conditionnement présentes à l’hôpital.

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La comparaison des données obtenues dans notre étude avec des données internationales est délicate. Les valeurs des indices de prix, de quantité et de structure sont en effet difficilement transposables du fait de contextes d’étude très variables : durées d’observation comprises entre un an et plus de dix ans, différences méthodologiques sur les indicateurs utilisés et les unités de mesure de la consommation médicamenteuse (boîtes, unités standards, doses définies journalières), champ d’étude (absence d’études portant spécifiquement sur le secteur hospitalier), et hétérogénéité des politiques de régulation des dépenses pharmaceutiques. Au niveau international, les indices de prix évalués sont hétérogènes, mais traduisent le plus souvent une baisse des prix [12] [13] [19]. Notons que les indices de quantité sont le plus souvent positifs [8] [9] [12] [13] [19]. Quant à l’évaluation de l’impact de la modification de la structure de consommation sur la croissance des dépenses pharmaceutiques, elle s’est tout d’abord faite au travers de l’évaluation de l’impact de l’innovation ou du progrès médical. Dès 1992, Newhouse [21] estime que le progrès médical explique environ la moitié de l’augmentation des dépenses de santé aux USA depuis 50 ans. L’Horty [22] évalue qu’en France entre 1970 et 1995 le progrès médical explique plus du quart de l’augmentation des dépenses de santé. L’effet de structure a ensuite été quantifié au travers d’un effet

résiduel obtenu après décrémentation des effets de prix et de quantité. Les études

internationales mettent en évidence un effet de structure toujours positif, d’intensité variable selon les contextes [7] [12] [13].

Section 2- Décomposition de l’évolution de la dépense par modalités de financement

Le calcul des indices est dans un deuxième temps réalisé à l’échelle des médicaments facturés dans les GHS d’une part, et en sus des GHS d’autre part (Figure 14).

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Figure 14. Evolution des indices de valeur, de quantité, de prix et de structure (base 100 : 2001) pour les médicaments financés dans les GHS et ceux facturés en sus des GHS.

Figure 14a. Indices de valeur.

Figure 14b. Indices de quantité. Ϭ ϭ Ϯ ϯ ϰ ϱ ϲ ϳ ϮϬϬϭ ϮϬϬϮ ϮϬϬϯ ϮϬϬϰ ϮϬϬϱ ϮϬϬϲ ϮϬϬϳ ϮϬϬϴ ϮϬϬϵ ϮϬϭϬ ',^ ,ŽƌƐ',^ 'ůŽďĂů Ϭ Ϭ͕ϱ ϭ ϭ͕ϱ Ϯ Ϯ͕ϱ ϯ ϯ͕ϱ ϮϬϬϭ ϮϬϬϮ ϮϬϬϯ ϮϬϬϰ ϮϬϬϱ ϮϬϬϲ ϮϬϬϳ ϮϬϬϴ ϮϬϬϵ ϮϬϭϬ ',^ ,ŽƌƐ',^ 'ůŽďĂů

60 Figure 14c. Indices de prix.

Figure 14d. Indices de structure. Ϭ Ϭ͕Ϯ Ϭ͕ϰ Ϭ͕ϲ Ϭ͕ϴ ϭ ϭ͕Ϯ ϭ͕ϰ ϮϬϬϭ ϮϬϬϮ ϮϬϬϯ ϮϬϬϰ ϮϬϬϱ ϮϬϬϲ ϮϬϬϳ ϮϬϬϴ ϮϬϬϵ ϮϬϭϬ ',^ ,ŽƌƐ',^ 'ůŽďĂů Ϭ Ϭ͕ϱ ϭ ϭ͕ϱ Ϯ Ϯ͕ϱ ϮϬϬϭ ϮϬϬϮ ϮϬϬϯ ϮϬϬϰ ϮϬϬϱ ϮϬϬϲ ϮϬϬϳ ϮϬϬϴ ϮϬϬϵ ϮϬϭϬ ',^ ,ŽƌƐ',^ 'ůŽďĂů

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L’analyse par catégorie de médicaments (inclus dans les GHS ou facturés en sus des GHS) met en évidence deux profils d’évolution des dépenses.

Les médicaments financés dans les GHS se caractérisent par une stabilité des dépenses sur la période étudiée, malgré une légère augmentation des quantités consommées, compensée par une baisse des prix. L’indice de structure est très proche de 1, ce qui signifie que l’on ne met pas en évidence de déplacement de la structure de consommation vers des médicaments plus chers au sein de cette catégorie de médicaments.

Concernant les médicaments facturés en sus des GHS, ils se caractérisent par une très forte augmentation des dépenses sur la période étudiée, multipliées par plus de six. La décomposition de cette croissance met en évidence le rôle de l’augmentation des quantités consommées ainsi que d’une modification de la structure de consommation, défavorable en termes de dépenses. Les prix de ces médicaments restent globalement stables sur la période étudiée.

Section 3- Interprétation de l’indice de structure

L’importance de la modification de la structure de consommation sur la croissance des dépenses médicamenteuses conduit à s’interroger sur l’ensemble des effets qu’elle inclut. Rappelons que l’effet de structure représente le ratio entre le prix moyen actuel et un prix moyen calculé en utilisant la structure de consommation historique et les prix actuels. Un effet de structure supérieur à 1 traduit une augmentation du prix moyen des médicaments, qui peut s’expliquer par l’apparition d’un nouveau médicament coûteux, ou l’augmentation des prescriptions d’un médicament coûteux.

Quels sont les différents cas de figure où de tels phénomènes peuvent se produire ? L’analyse de la littérature sur le sujet présente plusieurs interprétations.

Tout d’abord, selon Rovira [23], les déplacements de consommation peuvent se produire à différentes échelles :

• entre des présentations différentes d’une même spécialité (notamment voie d’administration, dosage),

• entre des substances actives différentes (au sein d’une même classe thérapeutique), ou encore entre des classes thérapeutiques différentes.

62 Gerdtham [24] identifie plusieurs facteurs explicatifs :

• l’introduction d’un nouveau médicament dans un domaine thérapeutique jusqu’alors non couvert,

• et le déplacement des consommations vers des molécules plus chères/moins chères. Cavalié [25] distingue un effet de structure lié à l’offre et un effet de structure lié à la demande :

• le premier concerne la mise sur le marché de médicaments qui améliorent le service médical rendu (effet qualité pur), mais aussi de médicaments présentés comme innovants et n’améliorant pas le service médical rendu, et enfin la « dissémination » de l’utilisation de certains médicaments, initialement prescrits dans des indications présentant un bénéfice, puis dont la prescription dérive vers d’autres indications à faible bénéfice ;

• l’effet de structure lié à la demande inclut un effet de besoin, qui correspond à l’introduction de médicaments permettant la prise en charge de pathologies jusqu’alors non traitées, mais aussi le développement rapide de certaines pathologies, ou encore le vieillissement de la population.

Ces analyses apportent des éclairages concrets aux deux hypothèses initiales :

• l’apparition d’un nouveau médicament « plus coûteux que la moyenne » peut être à l’origine d’un effet de structure, qu’il s’agisse d’un médicament destiné à couvrir un besoin thérapeutique jusqu’alors non couvert, ou d’un médicament qui va se substituer à un autre moins coûteux ;

• l’augmentation de la prescription d’un médicament « plus coûteux que la moyenne », que cette augmentation soit liée à des critères épidémiologiques ou à l’apparition de nouvelles indications.

L’indice de structure évalué dans notre étude inclut l’ensemble de ces effets, sans qu’il soit possible de distinguer l’impact de chacun d’entre eux. Néanmoins, les autres résultats obtenus permettent de faire des hypothèses concernant la nature de cet effet de structure. Il est clair que le déséquilibre entre l’effet de structure au sein des médicaments hors GHS et l’effet de structure au sein des médicaments inclus dans les GHS s’explique en grande partie par le fait que les nouveaux médicaments coûteux sont inscrits sur la liste des médicaments hors GHS. La persistance au cours du temps d’un effet de structure important dans cette catégorie suppose que :

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- soit la consommation des médicaments les plus coûteux augmente au sein des

médicaments hors GHS.

Au CHU de Toulouse, les dépenses de médicaments ont augmenté de 8,2% par an sur la période 2001-2010. Les médicaments hors GHS sont responsables de cette croissance, au travers d’un effet de quantité et d’un effet de structure. Cet effet de structure est lié à l’apparition de nouveaux médicaments de plus en plus coûteux, mais aussi à l’élargissement de l’utilisation des médicaments les plus coûteux. Or l’analyse des caractéristiques des médicaments contribuant le plus à la croissance des dépenses met en évidence que ces médicaments apportent une amélioration non négligeable du service médical rendu aux patients, ce qui sous entend qu’ils ont une valeur ajoutée en termes d’efficacité ou de réduction des effets indésirables par rapport aux médicaments existants. Dans ces conditions, peut-on supposer que les dépenses générées par l’utilisation de ces médicaments sont partiellement compensées par des économies, notamment du fait d’un moindre recours à d’autres ressources de santé ?

C’est à cette question que le chapitre III, au travers de l’exemple des traitements de la polyarthrite rhumatoïde, cherche à apporter des éléments de réponse.

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Chapitre III - Impact de l’effet de structure sur les dépenses globales :