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Synthèse sur la réactivité visuo-manuelle et l’efficacité du contrôle du geste de pointage

C. Performances comportementales

3. Synthèse sur la réactivité visuo-manuelle et l’efficacité du contrôle du geste de pointage

a. Correction des commandes motrices en cours d’exécution du mouvement Dans notre étude, l’observation d’une courbure relativement abrupte sur les profils de trajectoire et l’absence d’arrêt du mouvement sur les profils de vitesse attestent d’un changement directionnel brusque et d’une correction relativement tardive de la trajectoire de pointage. Cet aspect renforce l’hypothèse d’un ajustement des paramètres du geste en cours d’exécution, en fonction des exigences d’adaptation du mouvement. On note que le temps de réaction à l’apparition de la cible initiale est équivalent au temps de réaction à la perturbation. Le temps de mouvement additionnel en condition CORRIGÉE est cependant inférieur à ce délai de réaction à la perturbation. Il apparaît donc difficile de déterminer si cette correction repose sur les ajustements en ligne automatiques des commandes motrices ou s’il s’agit d’une re-programmation partielle des paramètres du mouvement en cours d’exécution. Compte tenu de la modification du programme moteur initial induite par la perturbation, on peut consentir à parler de réorganisation ou de re-programmation partielle de l’action en cours d’exécution (Desmurget et al., 1998). L’absence d’arrêt total du mouvement initial indique cependant qu’il n’y a pas eu inhibition de l’action initialement engagée, la correction de trajectoire observée ne

semble donc pas être le résultat d’une re-programmation complète qui aurait conduit à un second mouvement correctif.

b. Réafférences sensorielles et correction de trajectoire

De nombreuses études ont tenté de distinguer les rôles respectifs des différentes boucles de rétrocontrôle dans les processus de guidage des mouvements de pointage, selon les sources d’information utilisées, entre les informations réafférentes sensorielles et/ou les informations efférentes motrices. Les résultats des analyses cinématiques ont conduit à l’hypothèse d’un contrôle central. Il a ainsi été proposé que les boucles de rétrocontrôle intervenant dans les mécanismes de guidage automatique de la main sur la cible (paradigme de double saut non perçu consciemment) reposent principalement sur les informations proprioceptives et motrices (Pelisson et al., 1986 ; Prablanc et Martin, 1992; Komilis et al., 1993). Il semble en effet que le système nerveux central construise les représentations spatiales internes de la cible et de la main en mouvement à partir d’informations de nature différentes. Le traitement des signaux visuels correspondrait essentiellement aux informations relatives à la position de la cible, alors que la position de la main serait estimée à partir des informations afférentes proprioceptives ainsi qu’à partir des informations motrices efférentes. Des études ont par la suite cherché à distinguer le rôle respectif de ces sources d’informations. Des paradigmes de double stimulation impliquant des mouvements de pointage très courts réalisés en boucle ouverte (main non visible) ont notamment été utilisés afin de limiter l’exploitation des informations proprioceptives du fait des délais de traitement nécessaire (Blouin et al., 1995; Turrell et al., 1998). Néanmoins, les résultats de ces études n’ont pas suffi à distinguer les contributions relatives des informations afférentes et efférentes dans les mécanismes de guidage automatique des mouvements visuellement guidés. L’étude d’une patiente déafférentée a révélé sa capacité à corriger la trajectoire de son mouvement en cours d’exécution (Bard et al., 1999). Ces résultats soutiennent donc l’hypothèse d’un contrôle visuo-moteur en ligne principalement basé sur les informations motrices d’origine centrale, la copie d’efférence motrice permettant d’actualiser la représentation interne de la position du bras en mouvement et de corriger d’éventuelles erreurs de trajectoire. Néanmoins, on peut légitimement penser que le système optimise les processus de traitement des informations multi-modales en fonction des contraintes appliquées à l’exécution du mouvement. Il a été montré que l’influence des rétrocontrôles visuels relatifs au mouvement de la main sur la précision de pointage diminuait avec la diminution de la durée du mouvement (Zelaznik et al., 1983). En outre, l’étude de Desmurget et collaborateurs (1997) a mis en évidence les effets sur les variables cinématiques des mouvements de pointage (temps de réaction, temps de mouvement, temps de correction),

du niveau de contrainte et des stratégies orientées par les instructions à la tâche (Desmurget et al., 1997). L’augmentation des délais comportementaux semble indiquer que la réalisation « instrumentée » d’un geste de pointage (déplacement d’un curseur par l’intermédiaire d’un joystick) implique une opération neuronale supplémentaire qui a un coût en termes de délais de traitement. Il est important de noter que dans cette expérience comme dans la plupart des études citées, l’orientation des plans de stimulation et d’exécution du mouvement sont parallèles, alors que dans notre étude le plan de stimulation frontal n’est pas parallèle au plan incliné du support de la manette. Dans ces conditions, il est envisageable que les informations visuelles relatives à la position du curseur jouent un rôle particulier dans le contrôle du mouvement de pointage. Les boucles de rétrocontrôle visuelles seraient alors plus fortement sollicitées pour la comparaison des positions relatives du curseur par rapport à la cible, correspondant à l’erreur rétinienne pouvant être la source de l’erreur motrice dynamique tant pour l’orientation de l’œil que pour le guidage de la main ((Prablanc et Martin, 1992), pour revue voir (Desmurget et al., 1998; Prablanc et al., 2003)).

Nos résultats confirment l’utilisation des boucles de rétrocontrôle dans le contrôle du mouvement en cours d’exécution. Les processus visuo-moteurs sont ainsi capables d’ajuster un geste de pointage d’une cible stationnaire, ou de corriger la trajectoire de pointage pour s’adapter à un déplacement soudain de la cible. Il semble donc que l’ajustement et la correction de trajectoire en fin de mouvement reposent sur des mécanismes communs partagés qui s’appuient sur les boucles de rétrocontrôle disponibles. Les processus permettant les ajustements terminaux du mouvement de pointage en phase de décélération pourraient être plus fortement sollicités pour sous-tendre des corrections plus amples nécessaires à l’adaptation du geste à une perturbation environnementale survenue soudainement au début du mouvement. Les limites de flexibilité des processus visuo-moteurs sont en effet dépendantes de l’importance des corrections nécessaires et du délai disponible pour réagir aux perturbations, c’est-à-dire à l’instant de la perturbation en fonction de l’avancement du mouvement engagé.

c. Performance du geste

S’il est apparu important de considérer les contraintes imposées à la réalisation du mouvement de pointage par les conditions expérimentales de notre étude, il faut souligner que le protocole reste néanmoins ergonomique et adapté à l’étude des processus de contrôle visuo-moteur. Les données comportementales confirment, en effet, la capacité à corriger la trajectoire de pointage d’un mouvement en cours d’exécution. Cette capacité témoigne de l’intégration sensorimotrice continue du système nerveux central, il reçoit notamment les signaux visuels

l’informant du déplacement de la cible au début du mouvement. Le traitement rapide de ces informations conduit à l’actualisation de la représentation spatiale interne de la cible. La comparaison dynamique de la position de la cible et de l’effecteur permet alors l’actualisation des commandes motrices en cours d’exécution, ce qui se traduit par l’adaptation réactive des paramètres comportementaux du geste en réponse aux nouvelles contraintes environnementales.

Le niveau de contraintes tant environnementales que comportementales, influence donc l’intervention des boucles de rétrocontrôle et les processus utilisés par le système nerveux central pour rendre le geste performant. L’objectif premier du système nerveux central étant d’optimiser le contrôle visuo-moteur afin d’adapter au mieux les comportements aux conditions environnementales et aux objectifs cognitifs de l’action. Nous verrons que ces aspects orientent également l’interprétation des aires activées au cours d’une tâche d’atteinte visuo-manuelle. L’imagerie cérébrale a bien souvent confirmé les hypothèses concernant l’implication des différentes aires cérébrales dans le contrôle visuo-moteur. Cependant, la spécification des rôles des différentes structures à chaque niveau de ce contrôle a constitué le défi scientifique principal lancé à l’égard des neuroscientifiques qui ont eu recours aux outils de l’imagerie cérébrale.