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L’analyse des facteurs perceptivo-moteurs permet de discriminer les performances sensorimotrices et ainsi de définir un niveau d’habileté motrice (Keele et Hawkins, 1982; Adams J.A., 1987). L’amélioration de la performance visuo-motrice peut affecter tant les variables comportementales spatiales que les variables comportementales dynamiques du mouvement. Ainsi les temps de réaction, la vitesse d’exécution, la précision du geste sont autant de paramètres comportementaux mesurables capables de présenter des variations en fonction du niveau d’habileté des individus.

Chez le singe, par exemple, on a pu observer au cours de l’entraînement une augmentation significative de la vitesse d’exécution d’un mouvement dirigé vers un but. Cette accélération de l’exécution motrice caractérise alors l’amélioration des performances motrices avec l’acquisition d’une habileté (Brooks et Watts, 1988).

Chez l’homme, des modifications des variables cinématiques ont été mises en évidence au cours de la pratique répétitive d’un même mouvement. Schneider et Zernicke ont mis en évidence une diminution du temps de mouvement au fil de l’entraînement, qui s’accompagnait d’un lissage cinématique progressif du mouvement (Schneider et Zernicke, 1989). Des modifications des variables cinématiques et des composantes électromyographiques ont également été enregistrées en fonction de l’apprentissage d’un mouvement dirigé vers un but (Moore et Marteniuk, 1986). Cette étude a mis en évidence une diminution de la dispersion spatiale des trajectoires de mouvement et des positions terminales, ainsi qu'une homogénéisation des tracés électromyographiques. L'amélioration des performances se traduit donc par une diminution de la variabilité intra-individuelle assimilable à une stabilisation de la reproductibilité gestuelle. L'analyse des électromyogrammes indique également une amélioration de la synergie musculaire entre les effecteurs agonistes et antagonistes.

L’étude des principes d’optimisation des performances visuo-manuelles selon le niveau d’expertise pose la question de l’exploitation des informations sensorielles externes dans les processus de programmation et de contrôle de la réponse motrice. Il semble que l’expertise sportive conduise les sujets à utiliser un mode de contrôle sensoriel différent. Plusieurs

études ont mis en évidence l’utilisation visuelle accrue des sujets novices comparés à des sujets experts sportifs (danse, acrobatie) dans des tâches d’équilibre (Golomer et al., 1999). Ces études ont supposé une meilleure discrimination proprioceptive des experts opposée à une plus grande dépendance aux informations visuelles chez les novices.

Outre les études comparant des experts sportifs à des sujets contrôles, les effets de l’expertise ont été abordés dans diverses expérimentations manipulant la quantité de pratique (c'est-à-dire la durée des phases d’acquisition). Proteau a ainsi exploré l’évolution du rôle des informations visuelles dans le contrôle des gestes de pointage en fonction du niveau d’expertise dépendant de la durée des phases d’apprentissage. Les travaux dans ce domaine ont conduit à développer le rôle des conditions particulières de l’apprentissage dans le conditionnement de la dépendance aux informations sensorielles (Proteau et al., 1992). Il apparaît donc important d’associer les particularités de l’expertise sensorimotrice acquise par une pratique donnée. Dans le cas des tâches de pointage, l’entraînement en condition de vision de la main active pendant l’exécution du mouvement, conduit à accentuer la dépendance à ces informations réafférentes dans le contrôle optimal du geste (Proteau et al., 1992). Il a été supposé par la suite que ces conditions d’entraînement (vision de la main active disponible) favorisent la planification du mouvement dans un référentiel spatial allocentrique, mais ne semblent pas favoriser pour autant la planification dans un référentiel égocentrique impliquée dans un mouvement sans réafférence visuelle de la main (Proteau et Carnahan, 2001). Dans le contexte du conditionnement de l’expertise par les particularités de l’expérience, il a été montré que la pratique d’une activité sportive à composantes morphocinétiques (comme la gymnastique ou la danse) peut conduire à développer les référentiels proprioceptifs (Euzet et Gahéry, 1995), supposant que les activités sportives à composantes topocinétiques (impliquant essentiellement des tâches d’atteinte d’un but spatial) favoriseraient le contrôle basé sur les référentiels visuels (Robin et al., 2000).

L’automatisation, qui s’établit au cours des apprentissages moteurs et qui permet l’accès à un niveau supérieur d’habileté motrice, peut être abordée comme une indépendance croissante à l’égard des processus de traitement des informations sensorielles réafférentes (Newell, 1991). Cette automatisation ne doit néanmoins pas interférer avec les capacités d’adaptation des coordinations visuo-motrices aux perturbations pouvant survenir dans l’environnement au cours du mouvement. Il est donc question du traitement en continu des informations sensorielles et de l’actualisation des commandes motrices pour les ajuster aux contraintes dynamiques de l’environnement et aux exigences spécifiques de la tâche dans le contexte d’exécution du geste.

L’optimisation des processus de traitement de l’information renvoie alors également à la rapidité d’utilisation des réafférences sensorielles, en particulier dans le contrôle continu de l’exécution d’une réponse motrice. Au cours de l’apprentissage d’une tâche de poursuite manuelle d’une cible visuelle, une adaptation spatiale et temporelle progressive a été observée en termes de précision des tracés par rapport au modèle. Ces adaptations reposent sur les capacités de détection et de correction d’erreur du mouvement (Marteniuk et Romanov, 1983). Une amélioration de la capacité à détecter et à corriger les erreurs a également pu être observée au fil de l’apprentissage d’une tâche de poursuite (Schmidt et White, 1972). L’exploitation des informations sensorielles afférentes et réafférentes conditionne nécessairement le rétrocontrôle et donc l’évolution des capacités d’ajustement et de correction avec l’apprentissage. L’évolution de la dépendance aux informations sensorielles en fonction de l’expertise sensorimotrice intervient donc dans l’optimisation des modes de rétrocontrôle. La qualité variable des régulations proprioceptives selon le niveau d’habileté a été mise en évidence chez des sujets experts en base-ball lors d’une tâche d’interception de balle en mouvement (Fischman et Schneider, 1985). Le positionnement dynamique du bras et de la main à partir des informations kinesthésiques était particulièrement précis, les informations visuelles servant alors uniquement au contrôle temporel de la saisie.

L’effet de l’expertise visuo-motrice sur les variables comportementales des mouvements rapides de pointage visuo-manuel a notamment été exploré au moyen d’un paradigme de double-saut (déplacements de la cible correspondant à des perturbations en amplitude et/ou en direction) (Martin, 1992). La comparaison des performances entre escrimeurs de haut niveau et novices a permis de mettre en évidence l’effet de l’expertise sur les capacités de correction du mouvement en cours, en réponse à une perturbation soudaine de la cible survenant au cours de l’exécution du geste de pointage. Dans ce contexte expérimental, les résultats n’ont pas montré de différence importante, entre experts et novices, dans la réalisation du geste de pointage direct (cible statique). Aucune différence significative n’a en effet été rapportée tant au niveau des temps de réaction à l’apparition de la cible, qu’au niveau de la trajectoire des pointages directs. Les experts ne se sont pas non plus montrés plus précis que les novices. En revanche, concernant les corrections du mouvement en cours, plusieurs paramètres cinématiques étaient affectés par le niveau d’expertise. Les experts étaient significativement plus rapides à réagir à la perturbation et corrigeaient plus précocement la trajectoire de leur mouvement. Dans les deux conditions de pointage (direct et perturbé), les temps de mouvement étaient significativement plus courts chez les experts, traduisant une plus grande vitesse d’exécution. Ces travaux ont donc mis en

évidence la plus grande capacité des experts sportifs à corriger les paramètres du mouvement en cours d’exécution en réponse à un événement perturbant le but de l’action après son déclenchement. Ces observations ont alors soulevé des questions sur la flexibilité et l’optimisation des processus de contrôle visuo-moteur permettant les régulations rapides du geste en cours, et notamment sur l’effet d’une telle expertise visuo-motrice (escrime) sur les mécanismes internes impliquant l’utilisation de la copie d’efférence motrice (Martin, 1992).

Les études comportementales ont donc contribué à mettre en évidence les capacités d’optimisation des processus sous-tendant le contrôle moteur, et notamment l’amélioration des performances sensorimotrices associées à la pratique d’un geste ou d’une tâche. Un haut niveau d’habileté motrice se traduit notamment par une plus grande stabilité des performances, un lissage cinématique et dynamique du mouvement, également une plus grande efficacité de précision du mouvement et d’adaptation de la réponse motrice aux contraintes environnementales situationnelles (Ericsson et Lehmann, 1996). La diminution des temps de réaction traduit une optimisation des processus de préparation du mouvement, pouvant reposer sur une optimisation tant des processus perceptifs et de traitement de l’information sensorielle que des processus de programmation et d’initiation de la réponse motrice. Le lissage cinématique et les capacités d’adaptation et de correction traduisent une optimisation des processus de contrôle en ligne du mouvement. La stabilité comportementale est également le résultat de l’automatisation du geste.

L’automatisation gestuelle inhérente à l’optimisation des processus de contrôle visuo-moteur s’accompagne d’une diminution du coût, en particulier en termes d’attention. La diminution du coût attentionnel peut se traduire par une amélioration de la capacité de traitement en parallèle, conduisant par exemple à l’amélioration des performances dans des paradigmes de double-tâche (Fisk et Schneider, 1984).

Au niveau des processus cognitifs, la libération attentionnelle des niveaux sensorimoteurs du contrôle peut favoriser la mise en place de processus intervenant à un plus haut niveau du contrôle volontaire de l’action. La mise en place de processus mentaux spécifiques peut par exemple permettre de développer des conduites stratégiques (voir par exemple (Evarts et Thatch, 1971)). Les processus attentionnels impliqués dans la préparation d’un mouvement dirigé peuvent également être affectés par l’apprentissage. Il semble en effet que les experts soient plus efficaces dans le traitement des informations utiles à la préparation de l’action. Il est apparu que les experts prennent en compte plus rapidement et en plus grande quantité des indices informationnels qu’ils extraient d’une situation perceptive

(Magill, 1993). Les experts sont également plus capables d’intégrer les informations utiles à la résolution de problèmes rencontrés au cours de la préparation ou de l’exécution du mouvement (pour revue (Magill, 1993)).

Les capacités d’anticipation sont également prédisposées à s’améliorer avec l’expertise sensorimotrice. Le développement de la maîtrise des mouvements de son corps permet en effet l’optimisation des modèles de contrôle de type prédictif. Le contrôle de ses propres actions et la connaissance de leurs conséquences permettent non seulement d’optimiser les interactions avec son environnement mais également de mieux anticiper les comportements d’autrui. Le développement des modèles prédictifs semble donc corréler aux phénomènes d’anticipation perceptivo-motrice particulièrement importants pour le développement tactique et stratégique.

C. Apport de l’imagerie cérébrale fonctionnelle à l’étude de la