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Chapitre III : Synthèse des complexes associés

C. Synthèse d’une molécule-aimant

1. Structure

Dans le but d’obtenir des clusters métalliques plus élaborés que les complexes de type cubanes de CuII à partir des ligands énaminones tridentes, notre groupe s’est inspiré des résultats obtenus précédemment sur la synthèse du cluster [Cu6Dy3].[46] Rappelons ici que ce composé est formé à partir du simple ligand énaminone tridente LH2 porteur d’un méthyle en position 4 de l’unité énaminone. Celui-ci est alors mis en présence dans un premier temps d’un sel de lanthanide Dy(ClO4)3.6H2O puis après plusieurs minutes d’agitation d’un sel de cuivre (CuCl2.2H2O) et enfin d’une base (triéthylamine) pour former le cluster [Cu6Dy3L6] désiré (cf Chapitre I).

Dans notre cas, l’adaptation de ce protocole avec les différents ligands énaminones tridentes porteurs d’un groupement fonctionnel en position 4 (L11H2, L12H2, …), n’a malheureusement pas engendré la formation d’un tel cluster, et la synthèse aboutie dans tous les cas à l’obtention du simple cubane de CuII sans aucune introduction de noyau lanthanide. Il semble donc que la substitution en position 4 des différents ligands obtenus rende ceux-ci beaucoup moins réactifs au processus de complexation avec les noyaux lanthanides, c’est pourquoi des conditions plus drastiques sont utilisées.

Ainsi, une modification du protocole de synthèse liée à la complexation des ligands énaminones tridentes et notamment L9H2, nous permet d’obtenir un autre type de complexe polynucléaire. Pour ce faire, le ligand L9H2 est tout d’abord déprotoné à l’aide d’une base forte comme le DBU puis mis en présence d’une solution méthanolique de Dy(NO3)3.5H2O. L’ensemble est agité à 120°C pendant 1 heure puis une solution méthanolique de CuCl2.2H2O est ajoutée et l’agitation est alors poursuivie à 120°C pendant 3 heures. Un changement de couleur (de incolore à bleu intense) atteste alors de la formation d’un complexe dont des monocristaux de qualité suffisante pour une étude par diffraction des rayons X sont obtenus après l’évaporation lente du solvant (mélange DCM/MeOH 1/1).

Le complexe cristallise dans le système cubique et le groupe d’espace I-43d. L’enregistrement de la structure révèle la formation d’un complexe polynucléaire formé par six ligands énaminones tridentes coordinés à six atomes de cuivre et trois ions de dysprosium (Figure III-27). Le complexe nonanucléaire peut être alors considéré comme la condensation de trois cubanes [Cu2Dy2L92] mettant en commun leurs deux sommets DyIII. Plus exactement, le centre métallique du cluster est structuré par un arrangement triangulaire de trois ions DyIII portant une unité dimérique [CuII2L92-2] à chaque sommet du triangle. Six atomes d’oxygène portés par six ligands déprotonés (fonction éthanolamine) et six groupements OH- assurent la cohésion entre les noyaux Cu et Dy via un mode de coordination 3. En effet, ces derniers

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relient les ions DyIII entre eux au sein du réseau triangulaire bien connue dans la littérature[45] [DyIII3(OH)6] et assurent le lien avec les ions CuII de l’unité dimérique [CuII2L92-2] adjacente. Finalement, la neutralité du complexe est assurée par une coordination supplémentaire de chaque noyau dysprosium par une molécule d’eau et un groupement OH-. Ainsi, la formule affinée du composé est [Dy3Cu6(L9)63-OH)6(OH)3(H2O)3].3H2O, notée de façon plus

succincte dans la suite de l’étude [Dy3Cu6(L9)6].

Figure III-27 : Structure du complexe [Dy3Cu6(L9)6(μ3-OH)6(OH)3(H2O)3].3H2O obtenu.

Au sein du complexe, les distances Cu-O varient entre 1.91(1) Å et 2.55(1) Å et une distance de 1.94(1) Å est mesurée pour la liaison Cu-N, révélant ainsi une distance standard de coordination de l’énaminone avec les atomes de cuivre. Les distances Dy-O varient de 2.32(1) Å à 2.41(1) Å révélant là encore une distance standard entre Dy et hétéroatome. Les angles Dy-O-Cu prennent une valeur comprise entre 96.2(4)° et 113.4(5)°. Par ailleurs, des angles Dy-O-Dy de 105.0(4)° en moyenne et Cu-O-Cu de 87.9(4)° sont mesurés. Les distances entre les noyaux de dysprosium sont de l’ordre de 3.82(1) Å, 3.14(1) Å entre les atomes de cuivre et finalement une distance Cu-Dy entre 3.37(1) Å et 3.64(1) Å est observée.

Tout comme son analogue dérivé du ligand énaminone tridente substitué par un simple méthyle LH2, ce complexe révèle des propriétés magnétiques intéressantes.

2. Propriétés magnétiques

Tout d’abord, l’enregistrement du produit χMT en fonction de la température (Figure

III-28) met en évidence un profil d’interactions antiferromagnétiques prédominantes. Par analogie avec le cluster [Cu6Dy3L6] préalablement étudié par le groupe de D.Luneau,[46] il est

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raisonnable d’attribuer ce profil aux interactions antiferromagnétiques Cu∙∙Cu associées à la faible contribution ferromagnétique Cu∙∙Dy et Dy∙∙Dy et à l’effet du champ cristallin qui est important pour l’ion DyIII. A l’heure actuelle il n’est pas possible de quantifier ces différentes interactions. Celles-ci, ne peuvent être obtenues qu’à partir de mesures magnétiques réalisées sur un complexe analogue de type [Cu6Y3(L9)6] pour obtenir la valeur d’interaction Cu∙∙Cu (l’ion YIII étant diamagnétique) et l’analogue [Cu6Gd3(L9)6] pour obtenir la contribution de l’interaction Cu∙∙Ln (le GdIII

ne présentant pas d’anisotropie qui complique fortement l’extraction des différentes valeurs de couplage magnétique). χMT enregistré à 0.1T diminue

de 42.66 cm3 K mol-1 à température ambiante vers une valeur de 19.32 cm3 K mol-1 à 2.0 K. La valeur expérimentale obtenue à température ambiante est très proche de la valeur théorique de 44.76 cm3 K mol-1 calculée pour trois ions DyIII (6H15/2, L = 5, g = 4/3) et six ions CuII (S = 1/2, g = 2.00).

Figure III-28 : Profil de χMT en fonction de T du composé [Dy3Cu6(L9)6(μ3-OH)6(OH)3(H2O)3].3H2O

enregistré à 1.0T et 0.1T.

Une mesure de l’aimantation du composé enregistrée à 2.0, 3.0, 4.0 et 5.0 K en fonction du champ appliqué va également pouvoir révéler une faible saturation de celle-ci pour des valeurs de champ importante (Figure III-29). Ceci va être caractéristique de la présence d’anisotropie moléculaire au sein de ce composé et il est très probable que celle-ci provienne de l’interaction d’échange entre DyIII et CuII.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 0 100 200 300 400 χM T (c m 3mo l -1K) T(K) 1.0 T 0.1 T

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Figure III-29 : Profil d’aimantation en fonction du champ appliqué à 2.0, 3.0, 4.0 et 5.0 K du composé

[Dy3Cu6(L9)6(μ3-OH)6(OH)3(H2O)3].3H2O.

Finalement, la mesure de susceptibilité magnétique alternative (ac) est enregistrée sur une gamme de température allant de 2 K à 12 K avec un champ oscillant à 2.7 G ac et une fréquence allant de 10 à 1400 Hz (Figure III-30). Le profil montre clairement une dépendance en fréquence de la susceptibilité ac enregistrée en fonction de la température. Cependant aucun maximum ne peut être observé sur ce profil ce qui est caractéristique d’une faible barrière énergétique de relaxation magnétique ou de la présence d’effets tunnels. Néanmoins, l’application d’un faible champ dc dans le domaine 0.01-0.1 T ne perturbe pas le profil du signal ac ce qui suggère que la relaxation magnétique lente (à 2 K) n’est pas accompagnée d’effet tunnel. La présence d’une relaxation magnétique lente au sein de ce cluster caractérise pour celui-ci un comportement de molécule-aimant.

Figure III-30 : Mesure de la susceptibilité alternative ac (emu mol-1) en fonction de la température (K) à

différentes fréquences (partie réelle : in-phase, à gauche; partie imaginaire : out-of-phase, à droite) enregistrée avec un champ dc nul et une oscillation de 2.7 Oe.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 0 20000 40000 60000 M( N β) H(Oe) 5.0 K 4.0 K 3.0 K 2.0 K

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Dans le cas présent, la faible valeur de barrière énergétique ne nous permet pas d’enregistrer une hystérésis traduisant l’effet mémoire du composé et nécessite pour cela l’utilisation de -SQUID. Cependant, cet exemple caractérise ici une véritable porte ouverte dans le cadre de la synthèse de molécules-aimants polyfonctionnelles. En effet, si ce protocole parvient à être adapté pour les différents ligands énaminones tridentes porteurs de fonctionnalités plus élaborées, il sera alors obtenu de véritables SMMs polyfonctionnelles. Cependant, nos premiers tests réalisés avec les ligands L11H2, L12H2 semblent indiquer que même sous ces conditions de synthèse, le cluster [Cu6Dy3] ne peut pas être obtenu et que d’autres conditions opératoires doivent être envisagées. Ceci montre ainsi clairement que l’obtention de ce type de complexe dépend grandement du facteur stérique du groupement porté par le ligand énaminone en position 4.

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